Pics rocheux, crêtes, abords d’un ravin… les maisons traditionnelles des villages de Corse sont tout-terrain et loin des dangers du rivage : vues de l’extérieur ou du ciel, ces hautes demeures, resserrées le long d’un axe central ou autour d’un campanile, ne rendent pas compte du jeu complexe des passages couverts, des ruelles de pierres (strette), des voûtes, des escaliers raides et des placettes (piazzete) qui constituent l’âme des villages corses.
Toutes les informations sur les maisons traditionnelles corses qui se trouvent sur cette page sont extraites du livre Les Maisons de Corse (en vente ICI). Un ouvrage très intéressant où vous pourrez aussi découvrir maisons de notables, maisons d’Américains, maisons-tour, etc.
Deux types de maison traditionnelle corse
La maison traditionnelle corse est soit « simple » soit « en hauteur ». « Simple » quand elle est constituée de 2 à 3 niveaux : c’est la maison typique du sud de l’île où la construction s’effectue avec de gros blocs de granit, pénibles à monter. Son plan est toujours rectangulaire. Son niveau inférieur, en terre battue, est réservé à des usages d’exploitation : abris de bêtes, entrepôt de fourrage, d’outillage… On accède au niveau supérieur par un escalier extérieur de quelques marches, souvent parallèle au mur.
La maison traditionnelle corse est dite « en hauteur » lorsqu’elle possède au moins 4 niveaux. Il s’agit là de la typicité du nord de la Corse où l’assise est souvent abordée dans le rocher même, ce qui donne des bâtisses tendues vers le ciel et assez étroites. L’accès aux étages supérieurs s’effectue également par un escalier extérieur en pierre, plaqué contre la façade, qui est venu remplacer une échelle. L’escalier et le palier marquent une transition entre l’espace public et l’espace privé, entre l’extérieur et l’intérieur.
Dans les maisons de village qui ont parfois jusqu’à 5 étages, les escaliers sont en bois, y compris celui du grenier, un escalier droit pris dans une cage fermée par une porte.
Une pierre d’une grande diversité
Toute l’île est un véritable monument minéral (roches volcaniques et granites rouges du golfe de Porto, diorite vert sombre des îles Sanguinaires, granites ocres des aiguilles de Bavella, falaises blanches de Bonifacio, schistes gris et roches vertes du Cap Corse). En résumé, l’étude géologique de l’île permet de distinguer deux Corses : la Corse des roches éruptives, englobant tout le sud à l’exception du calcaire bonifacien, et la Corse des roches sédimentaires, celle du nord-est. À l’une le sol granitique, à l’autre le sol schisteux ou calcaire.
Ainsi, le bâtisseur n’a eu qu’à se pencher pour trouver sa matière première. Les pierres des maisons traditionnelles corses sont rarement extraites des carrières, elles viennent d’un épierrement systématique du sol, ce qui éliminait en même temps les obstacles pour les labours. Ensuite, charge au maître de chantier de faire preuve de spontanéité en maçonnerie à sec (pierres sèches montées sans aucun liant) ou en maçonnerie à l’argile (où le mur se compose d’un double parement de pierres grossièrement taillées sur leur face apparente, calées à l’aide de petits éclats plats, en enfin scellées grâce à l’argile).
D’où une irrégularité sur les blocs des façades, et surtout, une diversité de physionomies villageoises au gré des zones géologiques. L’étude comparative du village de Sainte-Lucie-de-Tallano en Alta-Rocca (2A) et du hameau de San-Giovanni-di-Moriani en Castagniccia (2B), réalisée par le géologue Alain Gauthier, résume les ressemblances et les dissemblances des deux identités géologiques insulaires : si les deux villes ont en commun de correspondre à un habitat groupé avec des immeubles parfois élevés, l’aspect des maisons y est différent : appareillage souvent régulier des murs en granit de couleur assez claire et toits de tuiles beige à rose, à Sainte-Lucie, avec des maisons pouvant être assez volumineuses et ornées de balcons supportés par des corbeaux; appareillage plus irrégulier, des murs en matériaux variés (roches vertes calcshistes, etc) et surtout toits de schiste grisâtre ou verdâtre.
De nos jours, certaines de ces maisons traditionnelles corses sont en mauvais état, mais beaucoup ont été joliment rénovées, comme ci-dessous à Penta di Casinca.
Les toits aussi sont différents selon la zone
Dans l’immense majorité des cas, il est très difficile de connaître les matériaux de couverture utilisés au Moyen-Âge et au début de l’époque moderne dans l’architecture rurale en Corse. On ignore ainsi, quand apparaît l’utilisation de la pierre plate. Dans des villes comme Ajaccio ou Bastia, l’emploi de la lauze génoise de Lavagna est réservé aux édifices civils. Ces ardoises particulière sont rarement utilisées pour des bâtisses rurales, si l’on excepte le Cap Corse. Une des hypothèses est que l’on employait très souvent du bois comme couverture, sous forme de lattes fendues ou de bardeaux, les « scandule », semblables aux toits des Alpes du Nord; et ce, un peu partout en Corse.
Aujourd’hui, ces toits ont pratiquement tous disparus. Peu à peu, le bois a servi aux charpentes pour soutenir d’autres matériaux. S’il n’y a pas sur l’île de tradition d’habitations en bois, il n’y a pas une maison qui ne l’utilise. Ce bois était coupé en fonction des phases de la lune (vieille lune pour les feuillus, nouvelle lune pour les résineux) et en fonction de l’exposition à l’adret (sulanu) ou à l’ubac (umbria). Comme on avait le temps, on le laissait sécher suffisamment pour éviter toute déformation après sa mise en place et il était traité par imprégnation de goudron quand il risquait d’être exposé à l’humidité.
En Corse granitique, les toits commencent à être recouverts de tuiles romanes (imbrex et tegula), puis surtout, de tuiles canals à partir du 19ème siècle. À cette époque il existe même dans la région de Porto, un four à tuiles assez important. Ce dernier a cessé de fonctionner après la Première Guerre mondiale (comme ceux de Carbuccia, de Petrapola…), lorsque l’on a préféré importer des tuiles provençales et italiennes.
Dans le nord, on ne sait pas précisément quand les lauzes corses (teghje) ont commencé à être utilisées. Les historiens s’accordent cependant à remarquer que l’emploi de ce matériau s’est généralisé entre les 16ème et 17ème siècles. Étant donné leur poids, de telles couvertures exigent des charpentes solides, capables de porter une centaine de kilos par mètre carré de toiture. Il n’est donc pas étonnant que l’usage de ces pierres plates ait été cantonné aux zones boisées.
Devant la difficulté de se procurer un matériau adéquat, les bâtisseurs des microrégions « périphériques » ont à nouveau fait avec ce qu’ils avaient sous la main : des galets dans les plaines alluviales de Ghisonaccia ou du calcaire friable dans la région de Bonifacio.
L’intérieur des anciennes maisons corses
L’espace de vie est A sala, ouvert à tous : voisins, parents et amis, avec son fucone où trône invariablement la marmite du foyer.
Les chambres sont théoriquement les pièces de l’intimité, mais bien souvent un simple rideau leur sert de cloison symbolique, tant les familles sont nombreuses.
La four à pain est tantôt arrivé, tantôt isolé dans un petit bâtiment contigu, accessible à toutes les familles du village, sans priorité aucune.
Le mobilier est succin, voire dépouillé à l’extrême. Des placards muraux, scauceria, logés dans les renfoncements remplacent les meubles, au mur, le vaisselier, u parastagiu, au centre, une table et des bancs, dans un coin, la plupart du temps, un berceau, au cas où…
Près du fucone, un autre banc réservé aux plus anciens peut servir de lit d’appoint. Le chef de famille a son fauteuil (u carrigonu). Au sol, des coffres à tout faire de toutes tailles. Suivant l’adage « Mange au sol si tu peux, mais dors toujours perché », les lits sont assez hauts, étroits et confortables (paillasses en feuilles de hêtre, gousses de maïs ou feuilles d’asphodèle).
Afin de parfaire cela, le département d’ethnologie des Arts et Traditions populaires de la ville de Corte (centre Corse) expose depuis quelques années toute une série d’objets témoins de la quotidienneté domestique insulaire : jarres pour l’huile et le fromage, seau en genévrier pour aller chercher l’eau (a tinella), bassine (a settia) que l’on posait sur un support à côté de l’évier, panier en éclisse de châtaignier pour le ramassage des châtaignes, paniers en ajonc pour l’égouttage du brocciu (un délicieux fromage au lait de brebis typiquement corse), la panera a quatre anses qui permettait aux femmes de transporter le linge au lavoir…
D’autres photographies de maisons traditionnelles des villages corses
Si vous souhaitez découvrir ces anciennes maisons typiques de Corse, il faut aller à la rencontre des anciens villages de l’île : allez visiter les villages perchés de la Costa Verde, allez explorer les villages traditionnels tels que Olmo ou Sorrio, je vous conseille également le village de Lama, vous ne serez pas déçu par toutes ses arches et ses ruelles !