Glaumbær en Islande : une ferme aux toits d’herbe historique en Islande

Comme vous l’avez sans doute remarqué, les maisons d’herbe islandaises occupent une place spéciale dans le paysage du pays. Elles ont longtemps été l’ossature de l’habitat rural. Pendant des siècles, riches et modestes vivaient sous ces toits de tourbe épais, façonnés pour résister au climat rude. Aujourd’hui, quelques fermes en herbe subsistent encore, dont la plus emblématique est celle de Glaumbær, dans le Skagafjörður, au nord de l’Islande. Ce site préservé montre trois cents ans de vie quotidienne.

Un ensemble architectural unique

La ferme de Glaumbær est un ensemble de bâtiments, chacun avec une fonction. Ce principe d’unités séparées, reliées par un couloir central, est typique des fermes islandaises jusqu’au début du XXᵉ siècle, comme la ferme historique de Keldur, la ferme Laufás ou encore la ferme Tyrfingsstaðir. Ici, la maison d’habitation, la laiterie, la cuisine, les étables, les pièces réservées au tissage ou au stockage composaient une sorte de petit village compact, pensé pour protéger les habitants du froid et du vent.

Les constructions actuelles datent majoritairement du XVIIIᵉ et du XIXᵉ siècle. Les murs sont en tourbe empilée, stabilisée par des structures en bois, puis recouverts d’un épais manteau d’herbe (basé sur des morceaux de tourbe posés à l’envers). Ce système crée une isolation naturelle remarquable. Dans un pays où le bois était rare et coûteux, la tourbe a longtemps représenté la ressource la plus accessible. Autre avantage : les toits d’herbe, vivants, se régénèrent d’eux-mêmes, à condition d’être entretenus.

Glaumbær mur en tourbe

Une habitation occupée jusqu’en 1947

La ferme de Glaumbær a été habité par des familles jusqu’en 1947, moment où le site a été classé et protégé. Ce décalage crée une impression forte lors de la visite : les pièces sont meublées comme si les habitants venaient de partir, un panier à laine ici, un lit clos par là, des ustensiles de cuisine alignés avec attention. On passe du XVIIIᵉ au XIXᵉ siècle en traversant simplement une porte.

Ce type d’habitat a commencé à disparaître au début du XXᵉ siècle, remplacé par des constructions en bois puis en béton, matériaux devenus plus accessibles avec la modernisation des infrastructures. Pourtant, la ferme de Glaumbær est l’un des témoignages les plus aboutis de la culture architecturale rurale islandaise. Une présence rare qui éclaire encore la façon dont on habitait le paysage islandais.

ferme de Glaumbær

Les personnages historiques liés au site

Glaumbær est aussi un lieu chargé d’histoire. On attribue à ce site la présence de personnages majeurs de la saga islandaise. Snorri Þorfinnsson, né vers 1010, y aurait vécu avec ses parents. Son nom est souvent mentionné dans les récits médiévaux, car il serait l’un des premiers Européens nés en Amérique, lors d’un voyage d’exploration au Vinland, plusieurs siècles avant Christophe Colomb.

Snorri est également connu pour avoir fondé la première église de Glaumbær et pour son rôle dans la christianisation de l’Islande. Sa mère, Guðríður Þorbjarnardóttir, figure des sagas, a voyagé entre l’Islande, le Groenland, l’Amérique et même Rome. Elle fut brièvement l’épouse de Þorsteinn, fils d’Erik le Rouge et frère de Leif Erikson. Son destin éclaire la dimension connectée du monde nord-atlantique à l’époque médiévale. À Glaumbær, l’histoire nationale et l’histoire familiale s’y croisent dans un même lieu.

De la ferme traditionnelle au musée

Le classement du site en 1947 marque un tournant. L’ensemble est placé sous la protection du Musée national d’Islande, puis confié en 1952 au musée du patrimoine de Skagafjörður. Dès lors, un travail précis de restauration et d’interprétation a permis de redonner aux bâtiments leur allure d’origine.

Les visiteurs peuvent aujourd’hui parcourir les différentes salles de la ferme l’une après l’autre : la pièce commune, les chambres étroites où l’on dormait à plusieurs, la cuisine sombre où brûlait le foyer principal, ou encore le débarras où étaient conservés le beurre, le poisson et les céréales. Le parcours met en lumière un quotidien rude et ingénieux, marqué par l’autosuffisance et la coopération.

Glaumbær intérieur

Les maisons en bois : un tournant architectural

Sur le site, deux maisons en bois témoignent de la transition entre les maisons d’herbe et les constructions modernes : Gilsstofa et Áshús. Leur présence enrichit la visite en montrant l’évolution rapide de l’habitat islandais à la fin du XIXᵉ siècle. Elles illustrent clairement ce moment de transition.

Gilsstofa

La maison, construite en 1849 par le maître charpentier Ólafur Briem à Espihóll pour son frère Eggert Briem, est un rare exemple de bâtiment en bois transportable en Islande au XIXe siècle. Préfigurant les futures maisons à colombages, elle a été démontée et reconstruite à plusieurs reprises en raison de la rareté et du coût du bois, tout en conservant son élégante façade d’origine.

De 1861 à 1872, elle suivit Eggert Briem à Hjaltastaðir (transport complexe par mer et terre), puis à Reynistaður jusqu’en 1884, où elle servit de résidence, bureau et théâtre lors de la Sæluvika. Ensuite installée à Gil (1884-1890) sous le nom de Gilsstofa, elle fut déplacée à Sauðárkrókur jusqu’en 1985 (résidence et commerce), puis à Kringlumýri, avant d’être reconstruite à Glaumbær en 1996-1997.

maison en bois Gilsstofa à Glaumbær

Áshús

Áshús a été construite entre 1883 et 1886 à Ás, Hegranes, par Sigurlaug Gunnarsdóttir (1828-1905) et Ólafur Sigurðsson (1822-1908). Le couple organisait des cours à domicile pour les filles et les garçons, et en 1877, ils y ont dirigé l’école pour filles de Skagafjörður durant sa première année d’existence.

La maison était initialement destinée à accueillir l’école de façon permanente, mais ce projet n’a jamais abouti. Ce fut une demeure familiale jusqu’en 1977, abritant quatre générations de la même famille. En 1991, la maison a été transportée par camion jusqu’à Glaumbær, où elle se trouve encore.

maison en bois Áshús

Une visite pour comprendre l’Islande rurale

Découvrir la ferme historique de Glaumbær, c’est entrer dans un monde où la vie était dictée par les saisons, la disponibilité des ressources et la solidarité entre les habitants. Les murs épais de tourbe, les poutres de bois sombre, la douceur des toits d’herbe et l’organisation ingénieuse des espaces parlent d’une Islande pragmatique, résiliente et attentive à son environnement.

Pour qui veut comprendre la culture islandaise au-delà des paysages spectaculaires, Glaumbær est incontournable. On découvre comment on chauffait, conservait la nourriture, se protégeait de l’hiver et comment les familles partageaient des espaces réduits sans jamais perdre le sens du collectif.

Glaumbær

Pourquoi Glaumbær est un site incontournable ?

Glaumbær est l’un des rares lieux où l’on peut passer de l’Islande médiévale à l’Islande moderne en quelques pas. Il mêle histoire, architecture et anthropologie. L’ensemble, bien conservé, témoigne autant des savoir-faire vernaculaires que des changements sociaux qui ont façonné le pays au XIXᵉ siècle.

Pour celles et ceux qui parcourent le nord de l’île, cette visite s’impose naturellement. Non pas comme une simple étape culturelle, mais comme une rencontre avec les racines de la société islandaise.

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