Un bothy est un abri de base, habituellement déverrouillé et disponible pour tout le monde à utiliser gratuitement. Il s’agissait également autrefois d’un terme pour l’hébergement de base, généralement pour les jardiniers ou d’autres travailleurs sur un domaine. On retrouve des « bothies » dans les régions montagneuses de l’Écosse, du nord de l’Angleterre, de l’Irlande et du Pays de Galles. Ils sont fréquents dans les Highlands écossais, mais des bâtiments similaires peuvent être trouvés dans le monde, comme les huttes « wilderness ». Le bothy était également un repaire semi-léger sur l’île de Lewis.
La plupart des bothies sont des bâtiments qui ont été restaurés à une norme de base, fournissant un abri coupe-vent et étanche. Ils varient en taille : d’un simple bloc jusqu’au chalet à deux étages. Ils ont des zones de couchage désignées, qui sont en général une salle à l’étage ou une plate-forme surélevée, ce qui permet de garder l’air froid à la hauteur du sol. Aucune literie, matelas ou couvertures ne sont fournis. L’accès se fait à pied, vélo ou bateau. La plupart ont une cheminée et sont près d’une source d’eau.
Origines : de l’abri pastoral à la culture montagnarde
Les bothies remontent à l’économie agropastorale traditionnelle des Highlands et des Borders. À l’origine, ces constructions servaient de logement saisonnier aux bergers chargés de la transhumance des troupeaux ou à des travailleurs agricoles isolés. On trouve également des traces de bothies associés aux anciennes fermes à « croft », ces petites exploitations familiales héritées du système foncier écossais.
À partir du XIXᵉ siècle, certains bothies ont également été utilisés par les ghillies, des guides de chasse sur les grandes propriétés foncières. Selon la Royal Commission on the Ancient and Historical Monuments of Scotland (RCAHMS), ces abris faisaient partie intégrante de l’occupation rurale dispersée, et étaient typique d’une économie fondée sur la gestion extensive des terres rurales.
Architecture : une sobriété dictée par le climat
Les bothies présentent une architecture fonctionnelle fondée sur des matériaux disponibles sur place. Il s’agit généralement d’une maçonnerie de moellons liés à la chaux, complétée par des toitures en ardoise locale ou en bardeaux dans les reliefs plus austères. Les murs, d’une épaisseur pouvant atteindre 60 cm, protègent du vent et limitent les pertes de chaleur. Les ouvertures sont rares et petites, en raison des intempéries et pour conserver la chaleur intérieure. L’intérieur est presque toujours divisé en deux espaces : une pièce centrale chauffée par une cheminée en pierre, et un coin nuit sommaire.
Quelques bothies possèdent encore une « byre », ancienne petite étable attenante, aujourd’hui convertie en espace d’appoint. Dans les régions les plus reculées (Sutherland, Wester Ross), ces abris sont parfois des blackhouses reconverties, ces maisons paysannes traditionnelles aux toits de chaume épais.
Codes et utilisation d’un bothy
Parce qu’ils sont librement accessibles à tous, la continuité de l’existence des bothies dépend des utilisateurs qui les entretiennent. Au fil des années, Mountain Bothies Association a développé un code « Bothy » qui définit les principaux points que les utilisateurs devraient respecter :
- Les Bothies sont entièrement utilisés à vos risques et périls.
- Laissez les lieux propres et bien rangés avec un allumage de bois sec pour les prochains utilisateurs. Faites en sorte que les visiteurs suivant soient les bienvenus après vous.
- Signalez tout dommage à quiconque. Retirez toutes les ordures que vous ne pouvez pas brûler. Évitez d’enterrer les ordures; Cela pollue l’environnement. Ne laissez pas les aliments périssables car cela attire les parasites. Assurez-vous que le feu soit bien éteint avant de partir. Assurez-vous que les portes et les fenêtres sont correctement fermées lorsque vous partez.
- S’il n’y a pas de toilette au niveau du bothy, enterrez les déchets humains hors de vue et bien loin de l’approvisionnement en eau; n’utilisez jamais le voisinage de la maison comme toilettes.
- Ne coupez jamais du bois vivant. Utilisez le carburant avec parcimonie.
- Les grands groupes et les longs séjours doivent être évités : les bothies sont uniquement destinés à de petits groupes en déplacement dans les montagnes.
Les bothies appartiennent au propriétaire du domaine sur lequel ils se situent, bien que le propriétaire actuel soit rarement impliqué dans l’utilisation, autrement qu’en permettant leur existence et en aidant au transport de matériel. Beaucoup sont maintenus par des bénévoles de la Mountain Bothies Association (MBA), un organisme de bienfaisance qui s’occupe de 97 bothies (Écosse, Angleterre, Pays de Galles).
Le rôle central de la Mountain Bothies Association
Fondée en 1965, la Mountain Bothies Association (MBA) est aujourd’hui l’organisation qui préserve le plus grand réseau d’abris de montagne en libre accès d’Europe. Elle restaure et entretient les bothies grâce à un réseau de plus de 4 000 bénévoles. Ces chantiers sont encadrés avec l’accord des propriétaires fonciers (souvent de grandes estates privées) et en concertation avec les National Parks écossais (Cairngorms National Park, Loch Lomond & The Trossachs). La MBA privilégie une restauration à l’identique, respectueuse du bâti rural, sans ajout de confort moderne permanent afin de préserver l’esprit originel des bothies. Ce choix écarte volontairement l’électricité, les panneaux solaires fixes ou les équipements touristiques, afin de conserver la philosophie du refuge libre et discret.
Statut juridique et questions de responsabilité
La situation juridique des bothies est spécifique. Dans la plupart des cas, ils restent propriété privée, mais un accord tacite autorise leur utilisation par tous. La MBA rappelle que les bothies ne constituent pas un droit d’hébergement, mais une tolérance fondée sur la responsabilité individuelle.
En Écosse, cette tolérance s’inscrit dans le cadre du Land Reform (Scotland) Act 2003, qui garantit un droit d’accès responsable aux terres (« Right to Roam »). Cependant, en cas de dégradation, d’incendie ou d’accident, aucune assurance ni responsabilité légale n’incombe au propriétaire. Des fermetures temporaires sont possibles lors des périodes de chasse au cerf ou de gestion forestière, afin de garantir la sécurité des randonneurs. Elle repose sur une confiance réciproque entre propriétaires et usagers.
Cartographie : où trouver des bothies aujourd’hui ?
On compte aujourd’hui environ bothies actifs dans les Highlands, les Hébrides, les Borderlands et le nord de l’Angleterre. Leur répartition suit la géographie des anciens domaines ruraux et des vallées glaciaires.
Les zones les plus denses sont :
- Les Northwest Highlands – Sutherland, Assynt, Wester Ross
- Les Cairngorms – forêts subalpines, vallons reculés
- L’île de Skye et les Hébrides extérieures – Lewis, Harris, Uist
- Les Southern Uplands – Dumfries and Galloway
- North Pennines – Cumbria et Northumberland (Angleterre)
Les localisations exactes ne sont pas toujours affichées publiquement afin de limiter la surfréquentation et de protéger les milieux fragiles. La MBA publie un guide officiel recensant la majorité d’entre eux.
Exemples emblématiques de bothies historiques
Certains bothies sont devenus des repères culturels dans l’histoire de la randonnée britannique. Sans perdre leur simplicité, ils portent une mémoire des territoires, de la vie rurale et parfois même de faits historiques marquants. Voici les plus célèbres et les plus emblématiques d’entre eux :
Shenavall Bothy – Wester Ross (Highlands)
C’est probablement le bothy le plus connu d’Écosse, Shenavall est situé au cœur d’un paysage parmi les plus sauvages du pays, face à la vallée de Strath na Sealga et aux reliefs du massif d’An Teallach. Ancienne ferme abandonnée, accessible uniquement après plusieurs heures de marche, c’est un passage clé du « Fisherfield Round », un itinéraire exigeant de haute randonnée. Son isolement et sa silhouette de pierre basse et battue par les vents en font un symbole de la rusticité des bothies écossais.
Corrour Bothy – Cairngorms National Park
Construit en 1877 comme abri pour les chasseurs de cerfs, Corrour Bothy est niché au pied du Devil’s Point, au cœur des Cairngorms. Il est remarquable par sa petite taille (une seule pièce) et par le contraste entre sa modestie et la grandeur minérale du paysage. Classé monument historique, il fait l’objet d’un entretien régulier coordonné par la Mountain Bothies Association et le Scottish Mountaineering Club.
Kearvaig Bothy – Cap Wrath (Sutherland)
Situé à proximité du cap le plus au nord-ouest du continent britannique, Kearvaig est considéré par de nombreux randonneurs comme le bothy « le plus beau d’Écosse ». Posé face à une baie sauvage accessible uniquement par un long trek ou un minibus militaire traversant la zone d’entraînement du Ministry of Defence, il incarne l’esprit même du bothy : nature brute, solitude et simplicité. Le bâtiment serait lié à un ancien petit lieu de pêche du XVIIIᵉ siècle. Son isolement extrême en fait un refuge prisé.
Dibidil Bothy – Île de Rùm (Hébrides intérieures)
Construit comme ferme isolée au XIXᵉ siècle, Dibidil est aujourd’hui entretenu par la MBA et demeure l’un des bothies insulaires les plus difficiles d’accès. Il n’est joignable qu’en traversant des terrains marécageux depuis Kinloch ou en longeant une côte rocheuse exposée. Il est réputé pour son environnement d’une grande biodiversité, à proximité de réserves naturelles gérées par NatureScot.
Warnscale Head – Lake District (Angleterre)
Ce bothy illustre la diffusion du modèle en dehors de l’Écosse. Ancien abri de mineurs lié à l’exploitation des ardoisières locales, Warnscale Head offre une vue spectaculaire sur le lac Buttermere. Il témoigne de la reconversion patrimoniale de bâtiments ruraux ou industriels abandonnés en abris de randonnée, une tendance encouragée dans le Lake District National Park depuis les années 1960.
Peanmeanach Bothy – côte ouest d’Argyll
Accessible uniquement à marée basse ou par un ancien sentier côtier, ce bothy est un vestige d’un village déserté lors des Highland Clearances au XIXᵉ siècle. Il rappelle une histoire sociale parfois douloureuse : celle des évictions rurales liées à la réorganisation foncière des Highlands. Aujourd’hui, il demeure un lieu de mémoire discret autant qu’un abri pour randonneurs.
Mode d’accès et sobriété volontaire
Séjourner dans un bothy repose sur une philosophie simple : autonomie totale. Aucun service n’est fourni. Les randonneurs doivent apporter tout leur équipement : duvet, tapis de sol, nourriture, filtre à eau, trousse de secours. Le bothy n’est pas un refuge gardé ni un gîte rural, mais un retour assumé à un mode de bivouac rustique sous abri. Cette simplicité fait partie de la culture montagnarde britannique, moins marquée par le réseau de refuges gardés que l’on trouve dans les Alpes ou les Pyrénées.
Merci pour votre article qui me permet aujourd’hui d’en savoir davantage sur ce mode d’hébergement.