Témoin d’une architecture paysanne et villageoise qui marque le paysage corse, le « pagliaghju » (pagliaghji au pluriel signifiant paillers) porte la mémoire d’une organisation agropastorale multiséculaire. Ce n’est pas une maison, même si la nécessité du travail au champ, auprès du troupeau, ou non loin de la châtaigneraie, de l’oliveraie, en fait un abri occupé une grande partie de l’année, ce qui relativise sa qualité d’habitat temporaire.
Avec l’aire de battage, la canalisation qui conduit l’eau, et le mur de pierres sèches qui retient la terre si précieuse, il est le témoin silencieux d’un espace organisé, partagé, élaboré, voué à la production agricole, là où le promeneur nonchalant admire un maquis qui n’a repris ses droits que depuis peu. Il est le témoin du travail des hommes qui ont vécu ici, attachés à cette terre malgré la rigueur du labeur qui couvrait de blé d’or ces collines verdoyantes.
C’est une petite bâtisse en pierre sèche (les pierres sont posées sans aucun élément pour les lier, comme la chaux ou le ciment aujourd’hui) qui était autrefois utilisée par les hommes lors de travaux temporaires en milieu rural loin des villages : la culture du blé et des olives. Les pagliaghji étaient initialement occupés par des bergers qui s’occupaient de leurs troupeaux : la petite construction servait à stocker de la paille, d’où le nom de pagliaghju (pailler), et à abriter les bergers si besoin (mauvaise météo) lors de leur transhumance ! On retrouve des pagliaghji dans toute la Corse, mais c’est en Balagne qu’ils sont le plus présent.
Les pagliaghji étaient construits par les bergers selon une technique traditionnelle très précise. Il fallait environ un mois pour le bâtir. Une des concentrations les plus importantes de pagliaghji se situe à Tralonca, qui regroupe 27 bâtisses plus ou moins en ruine, même si l’on en trouve également dans les Agriates, aux lieux dits de « Terricie » et « Locu Pianu ».
La construction du pagliaghju
Si le pagliaghju était à l’origine une petite construction en pierres où les cultivateurs-bergers abritaient leurs réserves de fourrage avant de regagner leurs villages, le terme a désigné différents abris pour les animaux (écurie-stalla, bergerie-stazzu, étable-vaccaghja, porcherie-carcialellu) pour finalement devenir synonyme d’habitat provisoire. Il était constitué d’épais murs de schiste ou de granit, les pierres étant grossièrement jointées avec de la terre, sur lesquels reposait une charpente en bois d’olivier recouverte de terre rouge (terra rossa).
Une poutre maîtresse était placée sur les pignons pour permettre l’élaboration du toit galbé, et les poutre secondaires prenaient appui perpendiculairement sur les murs matéraux. Une série de grosses pierres plates (pinnelle), posées sur le bord des murs, facilitaient l’écoulement de l’eau de pluie. Sur la charpente (grossière) venait se placer un plancher composé de bardeaux de bois (scandule) recouverts d’une épaisse couche de brindilles, de mousse ou d’algues séchées (u murzu). Cette isolation naturelle retenait en même temps l’épaisse couche de terre constituant la couverture. La terre rouge, prélevée dans la carrière la plus proche, était soigneusement tamisée puis transformée en une pâte étendue sur une épaisseur de 30 à 40 centimètres. Cette dernière était ensuite battue et damée à l’aide d’outils particuliers (sortes de longs battoirs en bois et de pilons géants, très lourds à manier), pour qu’elle ne se fendille pas au séchage, ce qui aurait provoqué des lézardes. L’ensemble des travi (poutres) et des scandule (bardeaux) soutenant la terre rouge s’appelle l’assari.
Un autre type de toiture, appelé toit en encorbellement (ou voûte en encorbellement), étaient réalisé en pierres sèches sans aucun coffrage ni étaiement. Les pierres étaient empilées à sec, en assises successives posées avec un léger dévers vers l’extérieur. Le montage de la voûte se faisait sans coffrage depuis le départ jusqu’au sommet. Chaque assise était avancée sur la précédente avec un léger porte-à-faux représentant un tiers de la longueur de la pierre. Les deux tiers restant assuraient le contrepoids nécessaire à la stabilité de l’ouvrage. Le toit était ensuite recouvert de la fameuse terre rouge (terra rossa).
L’avenir des pagliaghji
Malheureusement, les pagliaghji tombent aujourd’hui en ruine, notamment leurs toitures qui sont les premières à souffrir du manque d’entretien : autrefois, on les réparait chaque année en y ajoutant une charge de nouvelle terre pour remplacer celle que les pluies d’hiver avaient enlevée. Cependant, certaines commencent à être restaurées, en particulier dans les Agriates. Le tourisme participe également à cette rénovation puisque certains propriétaires rénovent leur pagliaghju pour le mettre en location, comme le pagliaghju di Cannetu ! Certaines associations locales restaurent également des pagliaghji sur leur commune et les entretiennent, on peut les voir parfois lorsque l’on se promène sur les sentiers de randonnée.
connais tres bien ces paghiaghji sont vers la chapelle detruite de santa andréa au dessus de biguglia
une facile et belle ballade va faire
Tout à fait d’accord avec vous, j’ai adoré faire cette belle promenade, et quel plaisir de découvrir ces paghiaghji !