Nördlingen (Norlingue en français) est une ville de Bavière différente de toute autre ville de la légendaire route romantique en Allemagne. En fait, elle est différente de toute autre ville sur toute la planète. Cette jolie ville médiévale, d’une population de 20 000 habitants, se trouve entièrement à l’intérieur d’un énorme cratère de météorite de 25 km de large. Ce cratère appelé Nördlinger Ries, a été formé il y a environ 14,5 millions d’années, quand un météore a impacté la Terre. C’est depuis seulement une cinquantaine d’années, qu’il y a des preuves de la véritable origine de cette ville étonnante.
Pendant des années, on a a cru que le trou au milieu duquel se trouvait la ville était un cratère volcanique. Puis en 1960, deux scientifiques américains, Eugene Shoemaker et Edward Chao, ont prouvé que ce trou avait en fait été causé par l’impact d’une météorite. En visitant une église dans Nördlingen, Shoemaker aurait gratté ses murs pour voir de quoi ils étaient faits et a découvert du quartz choqué, un type de roche qui ne peut être formé que par les pressions de choc associées à l’impact de la météorite. L’exploration des roches a donc conclu que le cratère avait bien été créé par un impact de météorite.
Les villes du sud de l’Allemagne sont très pittoresques avec leurs toits rouges et leurs maisons à pans de bois Fachwerkhaus, mais Nördlingen avec son histoire est un véritable joyau. Les colombages sont caractéristiques des maisons de Nördlingen : les habitations historiques du centre-ville, comme par exemple les maisons Brot und Tanzhaus, Leihhaus, l’hôtel de ville, l’ancien cloître Klösterle transformé par la suite en grenier, servent aujourd’hui de salle au conseil municipal et d’hôtel-restaurant.
Une ville médiévale entièrement ceinte de remparts
Nördlingen est l’une des très rares villes d’Allemagne à avoir conservé l’intégralité de ses remparts médiévaux. Édifiés entre le XIVᵉ et le XVᵉ siècle, ils forment un anneau continu de 2,7 km ponctué de tours de guet, de bastions et de portes fortifiées. Contrairement à Rothenburg ob der Tauber ou Dinkelsbühl, où des portions ont disparu, ici les fortifications sont intactes et visitables sur toute leur longueur.
Cette enceinte en maçonnerie n’est pas que militaire, elle fait aussi partie de l’urbanisme radial de la ville, renforcé par la forme circulaire naturelle du cratère. L’architecture défensive a épousé la géologie.
Un urbanisme circulaire conditionné par la géologie
Le plan urbain de Nördlingen est unique : la ville se déploie selon une organisation concentrique à partir de la place du marché. Les rues rayonnent comme des rayons vers les remparts, une forme urbaine dictée à la fois par la topographie du cratère et l’évolution médiévale de la ville marchande.
Ce modèle a favorisé des îlots étroits et profonds et un tissu urbain dense, où les maisons à colombages alternent avec des édifices en pierre locale issue du Ries. L’ensemble conserve une lisibilité médiévale rare en Europe centrale. Les cours intérieures, souvent invisibles depuis la rue, révèlent un second niveau d’organisation urbaine destiné aux activités artisanales et au stockage. Cette structure préserve l’intimité tout en ménageant un lien fonctionnel entre l’espace public et les usages domestiques.
Saint-Georges : une église de pierres venues de l’espace
Dominant les toits rouges, le clocher Daniel de l’église Saint-Georges s’élève à 90 mètres, offrant une vue circulaire sur le cratère géologique. Construite entre 1427 et 1505, cette église est un chef-d’œuvre de gothique tardif souabe. Mais son intérêt architectural dépasse son style : comme la plupart des bâtiments médiévaux de la ville, elle est construite en suevite, une roche issue de l’impact météoritique. Cette pierre, mêlant quartz, fragments fondus et minéraux compressés, donne aux murs une texture singulière. La présence de microdiamants naturels dans la roche du Ries a même été confirmée par des géologues. À Nördlingen, on entre dans une église bâtie avec de la pierre venue d’un cataclysme cosmique.
Au-delà de sa fonction religieuse, le clocher Daniel fut longtemps une tour de guet permettant la surveillance des remparts. Son plan carré, ses contreforts d’angle et ses baies gothiques traduisent la rigueur architecturale du gothique souabe. Il abrite une cloche célèbre, affectueusement nommée Susanne, fondue au XVIᵉ siècle, et une tradition locale insolite : au sommet, le veilleur de tour continue chaque soir à annoncer la sécurité de la ville, un rituel médiéval conservé jusqu’à aujourd’hui.
La maison à pans de bois : typologie et rôle social
La Fachwerkhaus est omniprésente dans le centre ancien. Les maisons à pans de bois de Nördlingen remontent pour l’essentiel aux XVe–XVIIe siècles. Elles présentent des ossatures apparentes en bois assemblées par tenons et mortaises, remplies de torchis ou de briques. Plusieurs typologies coexistent :
- maisons étroites à pignon sur rue pour les artisans,
- grands corps de bâtiments à usage mixte (habitation + atelier),
- anciens entrepôts municipaux comme le Brot- und Tanzhaus avec de larges greniers,
- demeures bourgeoises à encorbellements modérés, témoignant d’un enrichissement progressif lié au commerce. Certaines arborent encore des inscriptions ou symboles de métiers sculptés dans les sablières. D’autres se distinguent par des pignons travaillés et des ouvertures plus larges.
Loin d’être décoratif, ce colombage répond à des contraintes économiques : le bois était disponible localement et la légèreté des structures permettait d’édifier sur des sols fragilisés par la géologie du cratère. Cette technique rendait également les réparations rapides après incendies.
Matériaux locaux et construction vernaculaire
L’architecture de Nördlingen reflète un choix pragmatique dans les matériaux :
- Suevite : pierre majoritaire dans les fondations et les édifices religieux.
- Bois de sapin et de chêne : charpentes et ossatures.
- Tuiles rouges cuites : couvertures inclinées adaptées au climat continental.
- Torchis et briques : remplissages isolants peu coûteux.
Cette architecture vernaculaire renforce l’identité locale. Elle illustre l’adaptation d’une communauté médiévale à un territoire spécifique, sans intention esthétique initiale mais avec un résultat harmonieux aujourd’hui recherché. Son homogénéité participe à la cohérence visuelle du centre ancien.
Une place du marché structurée par le pouvoir
Comme dans beaucoup de villes médiévales allemandes, la Marktplatz est le cœur civique. Elle réunit :
- l’hôtel de ville (Rathaus), édifice gothique remanié à la Renaissance,
- la Vieille chancellerie (Alte Kanzlei),
- d’anciennes maisons de guildes.
Ces bâtiments, aux façades sobres ponctuées de pignons et de fenêtres régulières, expriment une hiérarchie architecturale précise : l’Église, le pouvoir municipal, puis les corporations.
Préservation et authenticité
Nördlingen a échappé aux destructions massives de la Seconde Guerre mondiale, ce qui explique l’exceptionnelle cohérence architecturale de son centre historique. La ville met en avant une restauration respectueuse : encadrements en bois conservés, badigeons à la chaux traditionnels, maintien des pignons orientés vers la rue. Contrairement à d’autres villes muséifiées, Nördlingen reste un centre habité, vivant, avec des commerces et ateliers en activité dans des maisons anciennes.