Les Géorgiens ont de nombreuses raisons d’être fiers : un alphabet unique, des découvertes archéologiques, des temples et des églises anciennes, des chansons et des danses folkloriques, une délicieuse cuisine et un vin merveilleux. C’est une liste interminable, mais près du sommet, il faut nécessairement ajouter l’architecture des maisons traditionnelles géorgiennes.
En raison de la diversité de la géographie, du climat, des matériaux de construction, des coutumes et des modes de vie communautaires, chacune des onze régions de Géorgie a une architecture d’habitation différente. Il existe trois types principaux de maisons traditionnelles en Géorgie : les styles traditionnels de l’est de la Géorgie (les basses terres des régions de l’est et du sud), l’ouest de la Géorgie (à l’exception de Svaneti et de la partie montagneuse de Racha) et les montagnes.
Jusqu’au début du 20e siècle, la maison darbazi était le type d’habitation le + commun de l’est et du sud de la Géorgie, bien que répandue dans la civilisation égéenne, dans le Caucase du Sud et en Asie Mineure. Cette structure de type megaron a un couloir, un foyer au milieu de la maison, et un toit avec un trou central pour la ventilation de la lumière et de la fumée. Le darbazi était généralement profondément creusé dans le sol, avec juste sa façade visible de l’extérieur et une seule entrée. Et puisque que le toit était construit dans le sol, les gens passaient la majorité de la journée à l’extérieur sur le toit.
Les maisons darbazi
Le darbazi géorgien est considéré comme le prototype de l’habitation colchienne, qui a été trouvée dans les premiers établissements de l’âge du bronze (début du troisième millénaire avant notre ère) de la culture Kura-Arax. L’architecte romain Vitruve a décrit l’habitation colchienne comme ayant un toit en dôme de bois, des murs de pierre et des colonnes de bois. Ces colonnes sont la partie la plus importante du bâtiment, non seulement en termes de construction mais aussi pour le contexte et la décoration. Par conséquent, elles sont appelées deda bodzi, qui signifie « pilier principal (mère) ». La signification des piliers principaux est soulignée par les dessins astraux gravés dessus.
Les maisons Darbazi de l’est et du sud de la Géorgie diffèrent les unes des autres. Le style oriental a un espace commun et indivisé où plusieurs générations vivent ensemble. Le style du sud est un complexe, avec une variété d’espaces de vie et d’installations agricoles (étable, grange, couloir, boulangerie, etc.) sous un même toit. L’espace de vie principal est également une pièce avec un plafond couronné.

Les maisons oda
Les habitations géorgiennes de l’Ouest sont distinctes en ce sens qu’elles commencent à l’entrée, à la clôture et à la cour. Outre la maison, il y a d’autres locaux : bâtiments agricoles, bâtiments auxiliaires et structures (grenier, grange, étable, poulailler), moulin, puits, etc. Parmi les nombreux types de clôtures et de portes en Géorgie, les plus intéressants sont les portes couvertes, qui protègent les invités par temps pluvieux. Cette solution architecturale mineure montre l’hospitalité géorgienne envers les invités. Suivant la tradition, les invités retirent leurs chapeaux une fois qu’ils passent la porte, en signe de respect.
Dans l’ouest de la Géorgie, la cour est divisée en deux parties. La cour avant est appelée une « cour propre ». Une grande cour propre et bien entretenue est une source de grande fierté. La cour derrière la maison s’appelle une « cour noire », avec l’espace pour les bâtiments de ferme et les potagers.
L’habitation de l’ouest est appelée oda, qui a atteint son apogée aux 13e et 14e siècles. Avant la construction, le propriétaire choisit la meilleure orientation et la meilleure vue sur le balcon. Les Géorgiens passaient une grande partie de la journée sur le balcon, et par beau temps, ils y dormaient même la nuit. Des balcons spacieux et de larges fenêtres de tous les côtés témoignent du désir d’être en contact avec la nature. On peut voir la profusion de ces balcons sur les maisons traditionnelles de Tbilissi.
En raison de l’humidité et des pluies abondantes provoquées par la proximité de la mer Noire, les maisons oda étaient surélevées du sol avec des pilotis en bois ou en pierre. Du point de vue de la construction, l’unicité de la maison est d’être facilement transformée. Elles ont toujours été considérées comme des biens meubles puisqu’elles peuvent aisément être démontées, déplacées et reconstruites.

Les maisons laz
Voici une maison laz traditionnelle, typique des villages montagnards de l’ouest du pays, notamment en Adjarie ou dans la région de Guria. Construite avec un savant mélange de bois et de pierre, cette maison à deux niveaux repose souvent sur un soubassement en maçonnerie qui protège de l’humidité.
Les murs à colombages (structure en bois comblée de moellons) révèlent un savoir-faire ancien, transmis de génération en génération. Les larges avant-toits, ici en tuiles sombres, protègent la façade des pluies abondantes, fréquentes dans cette zone au climat subtropical humide.
Ces maisons sont fonctionnelles. Le rez-de-chaussée sert en général d’espace utilitaire (stockage du bois, outils, parfois abri pour les animaux) tandis que l’étage supérieur est réservé à la vie quotidienne. Les nombreuses fenêtres, encadrées de rideaux brodés, laissent entrer la lumière tout en conservant une certaine intimité. Souvent isolée, mais toujours bien intégrée dans la pente et le paysage, la maison laz exprime un équilibre subtil entre architecture vernaculaire et adaptation climatique.

Les maisons-tour de Svanétie
Parmi les maisons traditionnelles les plus emblématiques de Géorgie, les maisons-tour de Svanétie occupent une place à part. Ces structures imposantes, construites en pierre entre le IXe et le XIIIe siècle, servaient à la fois de résidence et de tour défensive pour les familles montagnardes.
On les trouve principalement dans les villages perchés du Haut Caucase, comme Ushguli ou Mestia. Chaque tour, haute de 15 à 25 mètres, comportait plusieurs étages reliés par des échelles intérieures. En cas de conflit ou de vendetta, les habitants pouvaient s’y réfugier et résister pendant plusieurs jours. Leur silhouette verticale, intégrée à un ensemble domestique comprenant une maison accolée, reflète l’organisation sociale et la vie rude de ces communautés isolées dans les montagnes.
La maison proprement dite, appelée machubi, complète la tour. Elle abritait les membres de la famille, les animaux et l’ensemble des activités quotidiennes. Construite en pierre et parfois en bois, elle comporte une grande pièce unique où l’on cuisinait, dormait et vivait autour du foyer central. Ce mode d’habitat intégré, pensé pour résister aux hivers rigoureux et aux tensions locales, repose sur une logique d’autonomie et de résilience. Aujourd’hui encore, ces maisons-tour témoignent de la capacité d’adaptation des Svans à leur environnement et incarnent une architecture ancrée dans le paysage.


Les maisons-tour de la Khevsourétie
À l’est des tours de Svanétie, d’autres bastions de pierre marquent le paysage : les maisons-tour de la Khevsourétie. Cette région montagneuse, perchée aux confins du Grand Caucase, abrite une autre forme d’habitat défensif, tout aussi saisissante. À première vue, les similitudes sautent aux yeux : des tours en pierre, des ouvertures étroites, une architecture verticale née d’un impératif de protection.
Mais en s’y attardant, les différences deviennent flagrantes. Contrairement aux tours svanes, souvent autonomes et associées à une cellule familiale, les koshki khevsoures s’insèrent dans un tissu collectif très compact. Le village de Chatili en offre un exemple remarquable : ici, maisons et tours se confondent dans un ensemble dense, imbriqué, presque organique. Les toits plats deviennent des passerelles, les murs sont partagés, les fonctions défensives mutualisées. L’architecture khevsoure est une réponse à la menace extérieure, mais aussi un mode de vie, une façon de faire corps avec la communauté et la montagne.
La pierre, locale et massive, y est travaillée sans mortier, empilée avec rigueur pour former des structures solides et durables. Peu d’ouvertures, peu d’ornements : tout est pensé pour la résistance, l’efficacité thermique et la protection mutuelle. Si les tours svanes sont les sentinelles fières de familles autonomes, les maisons-tour khevsoures sont les remparts d’un village solidaire, soudé par la nécessité.

Les balcons de Tbilissi
Les maisons traditionnelles de Tbilissi en pierre, les balcons en bois et les cours intérieures comptent parmi les principales attractions de la ville. Des maisons d’habitation aux façades en bois et aux balcons de Tbilissi avec toit et sculptures ont été construites dans cette ville vers les années 1840.
De tels balcons, que l’on trouve à Tbilissi, sont le prolongement direct de l’intérieur de la maison.


Autres joyaux de l’architecture vernaculaire géorgienne
Au-delà des maisons darbazi et oda, la Géorgie recèle une belle diversité architecturale, façonnée par ses régions, ses climats et ses traditions locales. Voici quelques exemples emblématiques :
- Maisons à toit de gazon du Javakheti : dans les régions montagneuses comme le Javakheti, on trouve des maisons semi-enterrées avec des toits recouverts de gazon, offrant une isolation thermique naturelle adaptée aux hivers rigoureux.
- Habitations sur pilotis de Khovle : les fouilles archéologiques à Khovle ont révélé des maisons anciennes construites sur pilotis, avec des murs en pierre et des toits de chaume, illustrant des techniques de construction adaptées aux terrains humides.
- Maisons en bois d’Imereti et Guria : dans l’ouest de la Géorgie, notamment en Imereti et Guria, les habitations traditionnelles en bois présentent des plans architecturaux variés, souvent avec des balcons et des ornements détaillés, reflétant la richesse culturelle de ces régions.
- Maisons hall-type de Kartli et Kakhétie : ce sont des structures en bois avec des piliers sacrés (appelés “dedabodzi”) et un foyer central (appelé “kera”) à feu perpétuel.
- Maisons à darani de Meskheti : ce sont des maisons en pierre avec des tunnels d’évacuation souterrains. Elles sont conçues pour protéger les femmes et les enfants.
Ces exemples illustrent la richesse et la diversité du patrimoine architectural géorgien, où chaque région apporte sa touche unique à l’habitat traditionnel en utilisant ce qu’elle a dans son environnement.