L’Éthiopie offre un panorama architectural unique en Afrique. Sa diversité climatique, géographique et ethnique se reflète dans une variété d’habitats traditionnels, pensés pour répondre à des contraintes précises : températures extrêmes, altitude, précipitations, disponibilité des matériaux, besoins culturels ou religieux. Chaque région a façonné des formes d’habitat adaptées, souvent sobres en apparence.
Des hautes terres aux vallées arides, en passant par les zones boisées ou volcaniques, ces maisons traditionnelles racontent autant l’histoire d’un peuple que celle d’un territoire. Qu’elles soient rondes, troglodytiques ou sculptées dans la pierre, elles répondent à une logique fonctionnelle, sociale et environnementale, avec des solutions architecturales ingénieuses qu’il est utile de redécouvrir.
Les tukul : la maison ronde des hautes terres
Dans les régions du Tigré, d’Amhara et d’Oromia, les tukul traditionnelles éthiopiennes sont omniprésentes. Il s’agit de maisons circulaires, généralement construites avec des matériaux locaux : pierres sèches ou blocs de terre, et recouvertes d’un toit conique en chaume ou en tôle.
La circularité évite les angles, ce qui facilite la ventilation et renforce la résistance au vent. Ce plan concentrique permet aussi de chauffer ou de refroidir plus rapidement l’intérieur selon la saison.
L’intérieur du tukul s’organise autour du foyer. Les murs sont parfois recouverts d’un enduit à base de bouse séchée mélangée à de la cendre ou de la paille. Ce mélange renforce l’étanchéité, évite les fissures et stabilise la température. Le toit, souvent en roseaux ou en paille tressée, déborde largement au-delà des murs. Il protège de la pluie, mais aussi du soleil, tout en servant de barrière contre les infiltrations. Les charpentes sont traditionnellement faites en eucalyptus ou en bois local, assemblées sans clous.


Dans la région d’Amhara, les tukul prennent des formes variées selon les villages. Certains sont circulaires, avec un toit conique en chaume, d’autres rectangulaires avec une couverture à deux pans. Tous sont construits en pierre sèche ou en pierres liées à la terre, un choix dicté par l’abondance de roche. Ce matériau confère une excellente isolation thermique, essentielle à plus de 2000 mètres d’altitude.
Le toit en chaume, fabriqué à partir d’herbes locales ou de paille de céréales, est agencé pour résister aux pluies saisonnières. Ces maisons, robustes et bien adaptées au climat montagnard, sont souvent édifiées collectivement. Leur agencement reflète un mode de vie agricole où solidité et sobriété priment.


Les huttes traditionnelles des peuples éthiopiens
L’Éthiopie, riche de plus de 80 groupes ethniques, offre une mosaïque d’habitats traditionnels reflétant la diversité culturelle et les adaptations aux environnements variés du pays. Parmi ces habitats, les huttes occupent une place centrale, incarnant des solutions architecturales ingénieuses en lien avec leur milieu.
Les huttes des Dorzé : des structures en forme d’éléphant
Dans les montagnes de Chencha, au sud de l’Éthiopie, les huttes Dorzé sont reconnaissables à leur forme élancée évoquant une tête d’éléphant. Construites en bambou tressé et recouvertes de feuilles d’ensete (faux bananier), ces maisons peuvent atteindre jusqu’à 12 mètres de hauteur. Leur conception permet une excellente ventilation et une régulation thermique naturelle. En cas de détérioration de la base due à l’humidité ou aux termites, la hutte peut être soulevée et déplacée, prolongeant sa durée de vie.
Les huttes des Konso : un habitat fortifié et structuré
Au sud-ouest du pays, les Konso ont érigé des villages fortifiés, classés au patrimoine mondial de l’UNESCO. Les huttes Konso, construites en pierre sèche et en bois, sont disposées en cercles autour de places. Chaque maison est surmontée d’un toit conique en chaume, offrant une protection contre les intempéries. Cette organisation reflète une société hiérarchisée et soucieuse de sa sécurité.
Les huttes des Sidama : simplicité et fonctionnalité
Dans la région des nations, nationalités et peuples du Sud, les Sidama construisent des huttes circulaires en bois et en torchis, couvertes de toits en chaume et de forme étonnante. Les huttes traditionnelles Sidama, bien que modestes, sont conçues pour résister aux fortes pluies et offrir un confort thermique optimal. L’intérieur est souvent divisé en espaces distincts pour les différentes activités.
Les huttes des Surma et Mursi : légèreté et mobilité
Les Surma et les Mursi, peuples semi-nomades de la vallée de l’Omo, utilisent des huttes temporaires en branches et en feuilles, faciles à monter et démonter. Cette légèreté répond à leur mode de vie pastoral, nécessitant des déplacements fréquents à la recherche de pâturages. Ces habitations, bien que rudimentaires, sont adaptées aux conditions climatiques locales et aux besoins de mobilité.
Les huttes des Afars : la daboyta, une tente semi-permanente
Dans les régions arides du nord-est, les Afars vivent dans des daboytas, structures hémisphériques constituées d’une armature en bois recouverte de nattes tressées. Faciles à démonter, elles accompagnent les déplacements des familles en fonction des ressources disponibles. Leur conception permet une ventilation efficace, essentielle dans les zones désertiques.
Les huttes des Anuak : adaptation aux zones inondables
Le long du Nil Bleu, les huttes Anuak sont construites en famille et se rassemblent en village. Les murs des huttes sont faits de boue et les toits sont en chaume. Certaines sont joliment décorées avec des motifs géométriques. Parfois, la hutte est entièrement faite de branchage et de chaume.
Les huttes des Dassanech : modularité et adaptation
Les Dassanech, vivant près du lac Turkana, utilisent des huttes modulables en branches et en peaux, adaptées à leur mode de vie semi-nomade. Ces structures peuvent être rapidement démontées et transportées, facilitant les déplacements saisonniers. Leur conception simple répond aux besoins essentiels de protection et de confort. Vous pouvez en savoir plus sur les huttes du peuple Dassanech.

Les huttes traditionnelles éthiopiennes témoignent d’une connaissance approfondie de l’environnement et d’une capacité d’adaptation remarquable. Chaque structure, par sa forme, ses matériaux et sa disposition, répond à des besoins spécifiques, qu’ils soient climatiques, sociaux ou culturels.
Les maisons en pierre du Tigré
Dans la région du Tigré, au nord de l’Éthiopie, les maisons traditionnelles appelées hidmo, sont construites à partir de pierre sèche et de terre. Ce sont des constructions rectangulaires aux murs épais et au toit plat, capables de résister à de fortes variations climatiques. Le toit, recouvert de terre battue, de pierres ou parfois de tôle avec un mélange de pierres (plus récent), participe à l’isolation thermique.
L’intérieur de la maison s’organise autour d’une pièce principale multifonctionnelle, qui fait office de séjour, de chambre et d’espace de travail. La cuisine est souvent séparée, dotée d’un four traditionnel en terre cuite pour la préparation de l’injera. Les meubles, lorsqu’ils ne sont pas construits à même les murs, sont en bois local ou en pierre, dans un esprit d’intégration complète à l’architecture.
Ces habitations sont construites grâce à une mise en commun des savoir-faire. La communauté se rassemble pour ériger les murs, poser la charpente ou enduire les parois intérieures. Le choix des matériaux, disponibles localement, et l’adaptation au terrain en pente font du hidmo un exemple d’architecture vernaculaire fonctionnelle et ancrée dans le quotidien agricole du Tigré.


L’héritage du Gondar et les maisons en pierre
Dans la ville historique de Gondar, ancienne capitale impériale, on trouve un style d’habitat influencé par l’architecture fortifiée. Certaines maisons anciennes, dites « de style gondarien », arborent des murs en pierre basaltique, des encadrements d’ouverture sculptés, et parfois des tourelles.
Ces maisons étaient souvent celles de fonctionnaires ou de nobles locaux. Elles possèdent plusieurs pièces, des escaliers intérieurs, et une disposition inspirée des palais de l’époque.
Ces habitats sont rares, mais certains sont encore debout, souvent reconvertis en musées, pensions ou résidences secondaires. Leur solidité inspire parfois les constructions en zone urbaine.

Les exploitations agricoles fermées autour d’Ankober
Autour d’Ankober, ancien centre politique et commercial des hauts plateaux, on trouve un type d’habitat rural spécifique : les exploitations agricoles fermées. Ces unités sont constituées d’un regroupement de bâtiments (habitations, greniers, étables) entourés d’un enclos en pierre sèche ou en haies vives. Cette organisation en cour fermée répond à plusieurs besoins : protéger les cultures et le bétail, limiter l’intrusion des hyènes ou des singes, et préserver une forme d’intimité familiale.
Les maisons sont souvent rondes ou rectangulaires, construites en pierre et couvertes de chaume, et côtoient des annexes utilitaires. Le centre de la cour sert de lieu d’activité : on y bat le grain, on y répare les outils, on y fait sécher les récoltes. Ce modèle d’exploitation conserve aujourd’hui encore une logique communautaire forte, où l’espace domestique est aussi un espace de production.


Vers une hybridation contemporaine
Avec l’urbanisation croissante, les maisons traditionnelles tendent à se transformer. Dans les périphéries d’Addis-Abeba ou de Bahir Dar, on voit apparaître des constructions en béton qui reprennent la forme circulaire du tukul, mais avec des murs en parpaing et un toit en tôle peinte.
Les matériaux modernes séduisent pour leur résistance et leur rapidité de pose. Mais certains projets, portés par des ONG ou des architectes éthiopiens, cherchent à intégrer les savoir-faire anciens : enduits en terre stabilisée, ventilation croisée, toitures végétales.
La disparition des maisons traditionnelles pose la question de la transmission des techniques. Restaurer une charpente, tisser un toit, enduire un mur de terre : ces gestes, souvent oraux, sont menacés. Pourtant, ils offrent des réponses sobres et efficaces aux défis climatiques.