À Thatta Ghulamka Dheroka, village du Pendjab surnommé Thatta Kedona, les maisons en terre ne sont pas des habitations banales : ce sont des œuvres façonnées par les mains des habitantes. Dans cette localité devenue laboratoire rural depuis les années 1990, un programme communautaire encourage la préservation des techniques vernaculaires, l’entretien des façades et la création décorative. Résultat : un patrimoine humble mais splendide, où le bâti exprime identité, mémoire et fierté villageoise.
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Mur de terre : technique locale et confort climatique
Ces maisons reposent sur un principe ancestral : des murs de terre crue (boue et fibres végétales), des enduits naturels, des toits légers et des cours centrales. Cette architecture bioclimatique garantit l’inertie thermique et la fraîcheur en été : un atout précieux sous ces latitudes chaudes.
Les parois massives, complétées par des niches, des banquettes moulées dans l’enduit et des petites ouvertures triangulaires ventilées, traduisent une économie de moyens mais une grande ingéniosité. Les restaurations menées dans le cadre du programme communautaire permettent aussi de lutter contre la disparition progressive de ces techniques face au béton et à la brique industrielle.
Une esthétique vernaculaire
Ce qui caractérise le village de Thatta Kedona, c’est l’esthétique : les façades deviennent tableaux. Les femmes du village sculptent la terre humide pour former des bouquets fleuris, des arabesques, des petits édicules, des frises dentelées et des motifs géométriques. Une fois sèche, la matière reçoit des couleurs éclatantes : rouge coquelicot, jaune moutarde, bleu pastel, vert feuille, rose tendre.
Cette polychromie célèbre la fertilité, les saisons, la maison comme espace sacré. L’intérieur suit la même logique, avec étagères encastrées, niches illuminées et peintures légères qui animent la terre crue. Ici, décoration et construction ne font qu’un, dans une continuité sensible entre technique et poésie.
Une initiative collective pour préserver un mode de vie
Ce renouveau n’est pas spontané : il s’inscrit dans un projet social porté par une ONG locale, avec concours annuel, aides matérielles et valorisation des artisans. En récompensant les foyers qui préservent et embellissent leur maison en terre, le village transforme un patrimoine fragile en ressource culturelle et touristique, tout en transmettant des savoir-faire féminins longtemps invisibles.
À Thatta Kedona, les maisons en terre ne sont pas uniquement conservées : elles sont réinventées. Couleurs, motifs et volumes en font un paysage unique, où l’architecture du quotidien devient un art populaire vivant : fragile, précieux, et profondément ancré dans la terre et la culture du Pendjab.