Les maisons traditionnelles en Libye : un patrimoine d’une rare diversité

La Libye, vaste territoire du nord de l’Afrique, se compose de déserts brûlants, de côtes méditerranéennes et de hauts plateaux. Cette diversité géographique a façonné des habitats très variés, pensés pour s’adapter aux contraintes climatiques, aux modes de vie nomades ou sédentaires, et aux ressources disponibles. Des maisons troglodytes de Gharyan aux demeures ottomanes de Tripoli, l’architecture traditionnelle libyenne offre un éventail de formes, de matériaux et de savoir-faire à découvrir.

Les maisons troglodytes de Gharyan

Dans la région du djebel Nefoussa, au nord-ouest de la Libye, certaines habitations ont été creusées directement dans le sol. Les maisons troglodytes de Gharyan sont appelées damous localement. Elles consistent en une cour centrale carrée (parfois circulaire), creusée dans la roche calcaire bien tendre, autour de laquelle s’articulent les différentes pièces, elles aussi creusées à même la paroi.

Cette architecture souterraine répond à une logique thermique précise : la terre isole naturellement contre les fortes chaleurs estivales et protège du froid en hiver. Ces habitations permettent aussi de préserver l’intimité, important dans la culture locale. L’accès se fait par un couloir creusé en pente douce, qui débouche directement dans la cour. À l’extérieur, rien ne trahit leur présence discrète.

Le damous est un modèle ingénieux, simple à entretenir, économe en matériaux, et parfaitement adapté à son environnement. Aujourd’hui, certaines sont encore habitées ou transformées en espaces culturels.

Les maisons de Ghadamès

Située dans le désert libyen, à la frontière de la Tunisie et de l’Algérie, Ghadamès est classée au patrimoine mondial de l’UNESCO. Cette ville-oasis est célèbre pour ses maisons traditionnelles à plusieurs niveaux, intégrées à un environnement aride. Voir les maisons traditoionnelles de Ghadamès.

Chaque maison est conçue autour d’un espace central, souvent à ciel ouvert, appelé hawsh, qui sert de puits de lumière. Les pièces sont disposées autour, en privilégiant les zones ombragées pour les chambres et les réserves. Le blanc des murs, obtenu avec de la chaux locale, accentue la luminosité.

Le rez-de-chaussée reste frais grâce à son contact direct avec la terre et accueille les fonctions domestiques : cuisine, stockage, parfois un puits. L’étage supérieur est réservé à la famille. Le toit, accessible par un escalier intérieur, offre un espace de détente et de vie nocturne en été. Ce niveau est aussi traversé par des ruelles couvertes, typiques de Ghadamès, qui relient les maisons entre elles.

maison traditionnelle de Ghadamès

L’habitat urbain de Tripoli et Benghazi

Dans les villes historiques comme Tripoli ou Benghazi, les maisons traditionnelles témoignent de l’influence ottomane, italienne, voire andalouse. Ces habitations présentent souvent une organisation en patio, avec un jardin central ou une cour pavée, autour de laquelle s’articulent les pièces.

Les murs des maisons à Benghazi et à Tripoli, dans les vieilles villes, sont en pierre ou en briques recouvertes de chaux, avec des ouvertures étroites pour limiter l’entrée directe du soleil. Les plafonds sont parfois peints ou sculptés, et les fenêtres sont habillées de moucharabiehs en bois sculpté.

Ces maisons reflètent une façon de vivre tournée vers l’intérieur, avec peu de communication directe avec la rue, mais un soin porté à l’intimité, au confort, et à la ventilation naturelle.

Les escaliers, souvent étroits et tournants, desservent les différents étages, jusqu’à une terrasse qui domine les toits plats de la ville. Certaines de ces maisons ont été restaurées et servent aujourd’hui de bureaux, de musées, de restaurants, de bars, d’hôtels ou d’hébergements touristiques.

Les tentes des nomades

Dans les zones désertiques du Fezzan ou du sud libyen, les communautés nomades comme les Touaregs ont développé des formes d’habitat temporaire adaptées aux déplacements fréquents. La tente, en particulier la khayma, est confectionnée à partir de laine de chèvre tissée ou de poils de chameau.

Légère, pliable, résistante au vent et à la chaleur, elle se monte en quelques heures. Sa structure repose sur des piquets en bois et des cordages tendus, formant un abri allongé, ouvert sur les côtés ou fermé selon les saisons. À l’intérieur, des tentures colorées délimitent les espaces de vie et décorent.

Ce type d’habitat est lié au mode de vie pastoral et à une organisation sociale souple. Les savoir-faire de tissage, d’assemblage et d’entretien se transmettent encore dans certaines familles nomades.

tente khayma

Les maisons en terre crue des montagnes de l’ouest

Dans les villages perchés du djebel Nefoussa, on trouve aussi des maisons bâties en adobe, un mélange de terre et de paille moulé en briques séchées au soleil. Ces maisons, à un ou deux niveaux, ont une structure simple : murs épais, petites ouvertures, toits plats parfois utilisés comme espace de stockage.

Les maisons sont disposées en réseau dense, avec des ruelles étroites, pour créer de l’ombre et limiter l’exposition au vent. L’épaisseur des murs permet une régulation naturelle de la température. La cour centrale est souvent réduite, mais toujours présente, même sous une forme modeste.

Le style est rustique mais ingénieux, et l’ensemble dégage une harmonie naturelle, presque minérale, entre l’habitat et la roche environnante. Ces constructions sont façonnées à la main, avec des matériaux prélevés à proximité. Leur apparente austérité dissimule un équilibre maîtrisé entre solidité, fraîcheur intérieure et faible impact environnemental. Certaines maisons conservent encore des éléments décoratifs en bois sculpté ou en plâtre peint. L’ensemble témoigne d’un savoir-faire local ancré dans le paysage.

Plusieurs villages et localités du djebel Nefoussa (ou Nafusa), dans l’ouest de la Libye, offrent des exemples très concrets de ce type d’habitat en terre crue. Voici quelques noms à retenir :

  • Yefren (ou Yafran) : située à environ 1300 m d’altitude, cette ville conserve des maisons traditionnelles en adobe, souvent intégrées à des reliefs rocheux.
  • Nalut : l’un des villages les plus emblématiques de la région, connu pour son vieux ksar en pisé (voir notre article sur les ksour du Maghreb), ses maisons empilées et ses ruelles couvertes.
  • Kabaw : perché sur une crête, ce village possède également un ancien grenier collectif (ksar) et des habitations typiques en terre crue à murs épais et toits plats.
  • Jadu : village en terre où certaines anciennes constructions barbères de Libye subsistent encore, même si les habitations modernes gagnent du terrain.

Ces villages en pisé berbère montrent une adaptation remarquable au climat montagneux et semi-aride de cette région de Libye, tout en valorisant des techniques constructives anciennes.

Conclusion : un patrimoine d’avenir ?

Loin d’être figées dans le passé, les maisons traditionnelles libyennes peuvent inspirer les choix actuels. Elles rappellent que bâtir, ce n’est pas qu’empiler des matériaux, mais aussi écouter le climat, comprendre la culture et faire preuve d’ingéniosité. De la tente nomade aux maisons troglodytes, chaque modèle a une histoire de résilience, de créativité, et d’ancrage dans le paysage. Redécouvrir ces savoir-faire, c’est aussi se donner les moyens de construire autrement, en respectant les équilibres naturels et sociaux.

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