Le terme « baðstofa » se traduit littéralement par « salle de bain », mais sa signification n’a rien à voir avec le bain (ou même les toilettes). Il désigne la pièce principale des maisons traditionnelles islandaises de la fin du Moyen Âge jusqu’au XXe siècle. Dans cet espace, des lits longeaient les murs et l’on y dormait, mangeait et travaillait, assis sur les lits. Le travail était facilité par des planches de bois posées sur les genoux et faisant office de tables d’appoint, rangées à côté des matelas la nuit.
L’origine du terme « baðstofa » pour désigner cet espace dans la culture islandaise est une énigme qui mérite d’être explorée. Pour les spécialistes de l’histoire islandaise, le baðstofa est un lieu sacré. C’était le cadre du « húslestur », la lecture du soir de textes religieux, et du « kvöldvaka », un rassemblement communautaire en soirée pour raconter des histoires, réciter de la poésie et écouter de la musique.
À la lueur des lampes à huile alimentées à l’huile de poisson ou de baleine, les Islandais préservaient, partageaient et enrichissaient leur patrimoine culturel. Ils apprirent à lire et à écrire, atteignant un taux d’alphabétisation remarquablement élevé. Les grandes sagas médiévales, la poésie dévotionnelle, les vers rimés chantés lors des danses sociales et une multitude de textes historiographiques, scientifiques, théologiques, épiques et littéraires furent composés, lus et copiés dans ces modestes contextes.
Les premières maisons islandaises
Les reconstitutions archéologiques des premières maisons d’herbe islandaises révèlent des structures à ossature bois recouvertes d’une épaisse couche de tourbe, favorisant la pousse naturelle de l’herbe et donnant aux habitations l’apparence de buttes herbeuses. Jusqu’au début du XIe siècle, ces maisons se composaient d’une unique et grande pièce avec un foyer central. Une ouverture dans le toit, surmontée d’une cheminée en bois, permettait à la fumée de s’échapper tout en empêchant la pluie de pénétrer. Des bancs disposés autour du foyer servaient de sièges le jour et de lits la nuit.
Dans le chapitre 11 de la saga de Fljótsdæla, qui se déroule à la fin du premier millénaire, on peut lire :
Autrefois, les baðstofur étaient rares et l’on allumait de grands feux pour se réchauffer. Le bois de chauffage était abondant, car toutes les régions étaient boisées. Les maisons étaient organisées autour d’une unique et grande pièce où l’on mangeait et dormait, chacun dans son espace réservé. Les personnes les plus importantes dormaient dans des lits clos situés au cœur de la maison.
Au XIIe siècle, les habitations en Islande commencèrent à être divisées en modules séparés. La pièce du foyer (eldhús) était distincte des chambres à coucher (svefnskáli), et les murs intérieurs en tourbe étaient revêtus de panneaux de bois ou de tapisseries pour conserver la chaleur.

L’évolution du baðstofa
Le terme baðstofa apparaît dans les sagas islandaises dès la saga des Sturlunga (XIIe-XIIIe siècles). À l’origine, il désignait probablement une pièce abritant un four en pierre, semblable aux fours à pizza modernes, mais construit en pierres sèches. Ces fours étaient chauffés au feu, et de l’eau était versée sur les pierres chaudes pour créer de la vapeur, à la façon d’un sauna.
La plus ancienne mention connue du terme baðstofa figure dans une annotation du mot latin thermae, dans le manuscrit GKS 1812 in-4to, datant de la fin du XIIe siècle et conservé à Reykjavik.
Au fil du temps, la baðstofa a évolué, passant d’un simple sauna à un espace de vie multifonctionnel. Des découvertes archéologiques, comme celles de la ferme de Gröf à Öræfi (XVe siècle), révèlent des pièces dotées de larges banquettes et d’objets tels que des céramiques et des outils de filage de laine.
Dès le XVe siècle, des documents suggèrent que la baðstofa était devenue une pièce à part entière de la vie quotidienne. Les sources mentionnent la présence de personnes séjournant dans la baðstofa d’une ferme. Au XVIIe siècle, un plancher en bois légèrement surélevé permettait de maintenir une température plus élevée, tandis que des fours en pierre fournissaient le chauffage. La vapeur était encore utilisée, bien que la fonction principale de la pièce se soit déplacée vers le sommeil, les repas et le travail.
À partir du XVIIIe siècle, la baðstofa est devenue plus confortable, ressemblant aux exemplaires subsistant dans les maisons en tourbe des XIXe et XXe siècles. Ces baðstofur « classiques » étaient revêtues de lambris et intégraient des espaces de couchage, de repas et de travail. Avec le temps, cependant, la baðstofa tomba en désuétude au profit d’aménagements modernes avec des pièces séparées.

Toutes les maisons en tourbe ne conservent pas leur baðstofa d’origine, mais on peut admirer des exemples remarquables au musée de Skógar, dans le sud de l’Islande, et à la ferme de Glaumbær, dans le nord. La baðstofa de Skógar est un exemple plus modeste, tandis que celle de Glaumbær présente une conception plus élaborée.