Les yourtes du Tadjikistan : traditions nomades sous l’influence pamiri

Les yourtes ne font pas partie des maisons traditionnelles du Tadjikistan. Ce pays est historiquement lié à des cultures sédentaires persanophones héritées de la Sogdiane et de la Bactriane, où les maisons en terre crue et en pierre dominent le paysage des vallées habitées. Selon un rapport de l’UNESCO sur les cultures d’Asie centrale (UNESCO, Traditional Knowledge of Central Asian Nomads, 2004), l’habitat mobile est associé aux peuples nomades turciques, alors que les Tadjiks sont installés depuis l’Antiquité dans des villages permanents structurés autour de l’agriculture irriguée.

Pourtant, des yourtes existent bien au Tadjikistan, principalement dans le Haut-Badakhchan, à l’est du pays. Elles sont utilisées non pas par les Tadjiks mais par la minorité kirghize du Pamir, mentionnée dans le recensement national (Statistical Agency of Tajikistan, 2010). Ce peuple pastoral transhumant a conservé l’usage de la yourte pour accompagner ses troupeaux vers les pâturages d’altitude. Dans ces régions isolées, où les hivers descendent jusqu’à −40° (Aga Khan Development Network, Eastern Pamirs Climate Report, 2017), la yourte est un abri bien adapté aux conditions climatiques extrêmes.

Une présence marginale au sein d’un pays sédentaire

Les yourtes ne sont pas courantes au Tadjikistan, contrairement au Kazakhstan, au Kirghizistan ou à la Mongolie. Cette différence tient à l’histoire même du pays. Le peuple tadjik est issu des civilisations sédentaires d’Asie centrale, héritier de la Sogdiane et de la Bactriane persanophones, installées dans des villages agricoles fortifiés (qal’a) depuis l’Antiquité. L’UNESCO rappelle dans son rapport sur les cultures d’Asie centrale que « l’habitat mobile fait partie des cultures nomades turciques, tandis que les Persans et Tadjiks ont bâti des maisons en terre crue adaptées à leurs vallées irriguées ».

Ainsi, la yourte n’est pas un symbole national au Tadjikistan. Elle appartient avant tout à la tradition des peuples nomades turciques. Cela se reflète même dans le vocabulaire : on emploie au Tadjik le termе khirgah (خِرگاه), emprunt persan désignant une tente, tandis que le mot yurt est d’origine turcique et renvoie à l’idée de territoire pastoral. Cette distinction linguistique témoigne d’un héritage culturel différent entre populations sédentaires et populations nomades. Elle rappelle également que la yourte, au Tadjikistan, est liée à une minorité ethnique et non à l’identité majoritaire du pays.

Où trouve-t-on des yourtes au Tadjikistan ?

On rencontre des yourtes essentiellement dans le Pamir oriental, région rattachée à la province autonome du Haut-Badakhchan (Gorno-Badakhshan Autonomous Region). Elles y sont utilisées par la minorité kirghize installée depuis des siècles sur les hauts plateaux du Murghab et autour du lac Karakul.

Selon le recensement national, les Kirghizes représentent environ 0,8 % de la population du pays, mais constituent la majorité de la population pastorale du Pamir oriental. Leur mode de vie semi-nomade repose sur l’élevage ovin et yak, avec migration saisonnière vers les jailoo (pâturages d’altitude). La yourte y reste essentielle comme habitat mobile, démontable et résistant au climat extrême.

L’Aga Khan Foundation rappelle que les hivers dans le Murghab peuvent atteindre −40°, rendant la mobilité indispensable pour suivre les troupeaux et optimiser l’accès au fourrage. Dans ces conditions, l’habitat fixe est moins adapté que la yourte, simple à transporter et à réinstaller.

yourtes au Pamir

Une architecture adaptée au Pamir

La yourte du Pamir tadjik reprend les principes structurels des yourtes kirghizes :

  • un treillis de bois circulaire (kerege),
  • des perches rayonnantes (uuk),
  • un dôme central (tunduk) servant de cheminée et de puits de lumière,
  • un revêtement de feutre en laine (kiyiz), parfois recouvert de toile pour l’imperméabilité.

Cependant, l’architecture des yourtes du Pamir possède quelques particularités soulignées par l’ethnologue R. N. Kurbanov (Académie des sciences du Tadjikistan, Ethnographic Notes on Kyrgyz Communities of the Pamirs, 2012) :

  • leur diamètre est souvent plus réduit (3,5 à 4 m) qu’en Kirghizistan,
  • elles sont renforcées par des cordages en poils de yak tressés,
  • le feutre est plus épais et rarement décoré, par priorité fonctionnelle,
  • l’entrée est presque toujours tournée vers le sud-est pour capter le soleil du matin.

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