Maisons traditionnelles rohingya : architecture entre mer et collines

Les Rohingya vivent historiquement dans l’État d’Arakan (aujourd’hui État de Rakhine à l’ouest du Myanmar), région littorale bordée par le golfe du Bengale. Leur habitat traditionnel appartient au vaste ensemble des maisons rurales du delta du Gange-Brahmapoutre. Il s’agit d’un des types de maison au Myanmar adapté à un milieu soumis aux moussons, aux crues soudaines et au vent maritime.

Typologie générale et implantation sur le terrain

Les maisons traditionnelles rohingya appartiennent à la grande famille des maisons sur pilotis vernaculaires du littoral arakanais, une réponse directe aux risques climatiques de la région : crues soudaines, sols détrempés en saison des pluies et circulation de l’air nécessaire en climat chaud-humide. Selon le Myanmar Shelter Cluster, elles sont systématiquement surélevées de 60 cm à plus de 1,50 m, selon l’exposition aux inondations. La plate-forme repose sur des piliers en bois ou en bambou fichés dans le sol et contreventés par des pièces horizontales, ce qui garantit une stabilité suffisante.

L’implantation suit une logique paysanne : les maisons sont regroupées en petits hameaux familiaux autour d’une cour commune qui accueille l’activité quotidienne (cuisine extérieure, réparation d’outils, séchage). L’organisation du terrain inclut souvent un enclos clôturé en bambou, un puits et un abri pour animaux. L’orientation n’est pas aléatoire : la façade est généralement tournée à l’est ou au sud-est pour se protéger des vents de mousson venant de l’ouest tout en bénéficiant d’une lumière tempérée au matin. La parcelle intègre un léger drainage périphérique afin de limiter l’érosion des pilotis pendant la saison humide, une pratique relevée dans plusieurs études rurales de l’Université de Chittagong.

Structure et matériaux : bambou, bois et clayonnage enduit

L’ossature des maisons rohingya est portée par une structure sur pilotis composée de poteaux verticaux en bois dur local (mangrove, acacia, parfois tamarin) ou en bambou épais (Bambusa longispiculata, Dendrocalamus strictus). Ces poteaux, enfoncés dans le sol, sont reliés par des longrines et traverses qui forment un cadre rigide destiné à résister aux secousses sismiques et aux vents de mousson.

L’élévation repose sur une technique poteaux-poutres légère : montants, lisses et contreventements sont assemblés sans clous, à l’aide de ligatures végétales torsadées. Le remplissage des parois se fait en bambou tressé (ber), parfois complété d’un torchis de terre argileuse et paille de riz, appliqué sur les parois exposées pour améliorer l’isolation et couper le vent. Cette technique, héritée du bâti vernaculaire du delta du Gange, permet une structure respirante et facile à réparer avec des matériaux locaux.

La base de la maison (le plancher) est fait de lattes de bambou fixées sur les traverses, laissant des interstices volontairement ouverts pour assurer l’aération du dessous de plancher. Ce système évite la stagnation d’eau et prolonge la durée de vie des pilotis. Les matériaux sont biosourcés, démontables et recyclables, révélant une architecture économe et résiliente, pensée pour être entretenue.

Charpente et couverture : pensées pour la mousson

La toiture est à deux pans très inclinés (30–40°) afin de faciliter l’écoulement rapide des pluies intenses. Selon les ressources et le statut économique, le couvert est en :

  • feuilles de palmier nipa (Nypa fruticans) – solution vernaculaire traditionnelle
  • herbe longue Imperata cylindrica (chaume local)
  • bambou fendu tressé
  • plus récemment : tôle ondulée, introduite pour sa longévité mais critiquée pour son échauffement thermique intérieur (IOM, Shelter/NFI Cox’s Bazar, 2018)

La charpente légère repose sur des entraits en bambou et pannes étagées. Les débords de toit sont généreux et font office de protection solaire et de brise-pluie, tout en protégeant les parois en torchis.

Organisation intérieure et prolongements fonctionnels

Les maisons rohingya suivent une hiérarchie spatiale simple, conforme à l’organisation de la vie familiale.

On distingue :

  • Une pièce principale servant de séjour et chambre
  • Un espace cuisine séparé ou abrité sous un auvent arrière, afin de limiter les risques d’incendie
  • Une varangue servant de zone de travail et de réception informelle
  • Un espace de stockage des denrées et filets de pêche
  • Dans les régions côtières : abris annexes pour réparer pirogues et nasses

L’habitat comprend peu d’ouvertures directes sur l’extérieur. Des claustras de ventilation en bambou tressé assurent un flux d’air constant, indispensable dans ce climat humide.

Évolutions contemporaines et enjeux de préservation

Sous l’effet des pressions climatiques et sociales, la maison rohingya évolue. Les piliers passent parfois de la terre compactée au bloc de béton, la tôle se substitue progressivement au chaume et l’intérieur se compartimente davantage pour répondre à de nouveaux besoins domestiques.

Des organisations comme UN-Habitat et IOM ont étudié ces architectures pour développer des améliorations structurelles à faible coût : ancrages de toiture renforcés, ceintures parasismiques en bambou, drainage périphérique. Parallèlement, le Rohingya Cultural Memory Centre documente les typologies de maisons traditionnelles afin de préserver un savoir architectural menacé, fondé sur l’économie de moyens, la légèreté structurelle et l’adaptation au milieu naturel.

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