Si vous vous êtes déjà demandé à quoi ressemblait la vie dans un village de montagne au 19ème siècle, il y a un endroit qui représente parfaitement les traditions et l’esprit de la vie de campagne serbe.
Niché dans le paysage de Zlatibor, c’est le village de Sirogojno. En raison de 47 maisons en bois, apportés des villages environnants de Zlatibor et équipés d’outils et d’intérieurs authentiques, de granges, de poêles pour faire du pain, de chaudrons, d’une taverne et d’une église en bois : ce bel endroit a été proclamé musée à ciel ouvert en 1980 et nommé « Staro selo » (signifiant Vieux village).
L’architecture paysanne des montagnes serbes
Le village-musée de Sirogojno illustre avec une fidélité rare l’architecture paysanne des montagnes serbes. Ici, chaque maison (appelée brvnara) est entièrement construite en bois de sapin ou d’épicéa, selon une technique de madriers empilés à joints d’angle, sans clous ni métal. Ces assemblages précis assurent à la fois la stabilité et l’isolation, qualités essentielles dans une région où les hivers sont rigoureux et enneigés. Les toits, très inclinés, sont couverts de bardeaux de bois épais (šindra), taillés à la main, capables de supporter le poids de la neige tout en laissant l’humidité s’évaporer.
Chaque ferme est un petit monde autonome. On y distingue la kuća, la maison principale, souvent composée d’une seule pièce centrale chauffée par un foyer ouvert, avec un plancher surélevé en bois pour se protéger de l’humidité. À côté se trouvent la magaza, petite construction servant à entreposer la nourriture, et le ambar, le grenier à grain, légèrement surélevé pour éviter l’intrusion des rongeurs. Les bâtiments sont disposés autour d’une cour centrale où la famille vivait, travaillait et recevait. Cette disposition fermée traduit une organisation communautaire et familiale forte.
Un patrimoine entre tradition et transmission
L’intérieur témoigne d’un art de vivre sobre mais ingénieux. Le mobilier, entièrement en bois, se compose de bancs massifs, de coffres finement sculptés et d’étagères où s’alignent des poteries locales. Les textiles jouent un rôle décoratif et fonctionnel : couvertures épaisses, tapis tissés à la main et vêtements en laine tissée rappellent l’importance du pastoralisme dans l’économie locale. Chaque objet, du chaudron en cuivre à la lampe à huile, porte la trace d’un artisanat précis, adapté aux besoins du quotidien.
Mais au-delà de l’aspect muséal, Sirogojno conserve une dimension vivante. Les restaurations successives ont privilégié la préservation des techniques traditionnelles : les artisans utilisent encore la hache plutôt que la scie mécanique, et la chaux naturelle pour les enduits. Depuis les années 2000, le site accueille aussi des résidences d’artisans et de designers qui expérimentent des formes contemporaines inspirées des savoir-faire anciens. On y découvre, par exemple, des meubles modernes réalisés selon les méthodes de charpente villageoise ou des tissus de laine retravaillés avec des motifs géométriques anciens.
Une leçon d’architecture durable
Le musée de Sirogojno ne se limite donc pas à la nostalgie : il met en scène la continuité d’une culture. Dans la région de Zlatibor, cette architecture en bois a façonné le paysage et l’identité visuelle des villages. Même les nouvelles maisons construites dans les alentours reprennent souvent le profil des brvnare : volumes bas, toits pentus, galeries en bois et pierre locale en soubassement. Cette adaptation contemporaine témoigne d’un attachement profond à la mémoire constructive.
Les chercheurs en architecture vernaculaire soulignent d’ailleurs la pertinence écologique de ces maisons. Construites exclusivement avec des matériaux locaux (bois, pierre, laine) elles offrent une empreinte carbone minimale et un confort thermique naturel. Le bois massif régule l’humidité, les toitures ventilées évitent la condensation, et les murs respirants permettent une circulation d’air constante. Ces principes, redécouverts dans la construction durable, étaient appliqués ici de façon intuitive depuis des siècles.
Enfin, le charme de Sirogojno tient aussi à son environnement. Perché à plus de 900 mètres d’altitude, le village domine un paysage de pâturages et de forêts où les traditions pastorales sont encore bien vivantes. Les habitants perpétuent la fabrication du fromage, du miel et des fameux tricots de laine de Sirogojno, vendus dans toute la Serbie depuis les années 1960.
Cette alliance entre patrimoine bâti et savoir-faire textile a contribué à faire connaître le village au-delà de ses frontières et à en faire un modèle de développement rural fondé sur la culture locale.
Aujourd’hui, visiter Sirogojno, c’est remonter le temps sans quitter le présent. Le visiteur y ressent la cohérence entre la maison, le paysage et la manière de vivre : une leçon d’architecture et d’équilibre qui inspire autant les architectes que les voyageurs. Le « Vieux village » de Zlatibor rappelle que la modernité peut s’enraciner dans la tradition, à condition de savoir en préserver l’esprit.