Au début du 19ème, Tbilissi, capitale de la Géorgie, ou « Iberia » au 6ème siècle, était en ruine après le raid perse de 1795. Le pays a cherché la protection de l’État russe en 1801 et rejoint ainsi un Empire en plein essor qui va changer radicalement le visage de la capitale. Tbilissi s’est fortement européanisée sur le plan de sa culture et de son mode de vie, sans pour autant perdre complètement sa sensibilité caucasienne. Les maisons traditionnelles de Tbilissi sont peut-être le témoin le plus émouvant de cette période.
Les maisons d’habitation géorgiennes ont été mentionnées dès le premier siècle avant JC. À Tbilissi, les éléments pré-russes ne subsistent dans l’architecture résidentielle que dans le tracé des rues des zones centrales. Au fur et à mesure de la croissance du 19ème siècle, de plus en plus de structures ont été mises en place, suivant un modèle entièrement européen et adoptant même la forme de logements à usage multiple d’ici la fin du siècle. Ce qui restait des caractéristiques caucasiennes était en particulier l’utilisation de cours, de balcons et d’escaliers extérieurs qui permettaient un mode de vie typiquement géorgien (et arménien, étant donné le grand nombre d’habitants de Tbilissi de ce pays à l’époque). Cela se traduit par une plus grande ouverture à la rue et une communication croisée entre les maisons et les familles, ce qui serait possible ou souhaitable dans les climats rudes de la Russie européenne.
Paradoxalement, cette « communalité » a été renforcée par les politiques de logement soviétiques, qui a vu la démolition de vieilles unités d’habitation pour construire une multitude d’appartements. Le défi que cela représentait a été rencontré avec un sens typiquement caucasien de l’ingéniosité et de l’improvisation grâce à la construction d’escaliers, de ponts et de balcons supplémentaires qui assuraient un accès privé aux différentes parties des vieilles maisons. Des décennies de négligence et de surpopulation ont suivi les troubles de l’après-indépendance dans les années 1990 qui n’ont pas permis une analyse significative de la situation, sans parler d’un effort de restauration concerté.
De nos jours, le vieux Tbilissi est confronté à un mélange de démolition volontaire, de restauration de type pastiche et, heureusement, de grandes étendues de tissu urbain essentiellement intact. En particulier, les balcons et les escaliers extérieurs présentent un large éventail de solutions architecturales, depuis les boiseries délicates sophistiquées du 19ème et du début du 20ème siècle jusqu’aux réparations improvisées et aux ajouts de l’époque soviétique. Avec ses monuments religieux médiévaux et ses importantes structures représentatives des deux derniers siècles, le Vieux Tbilissi se présente comme l’un des paysages urbains les plus intéressants du territoire de l’ex-URSS.