À l’origine quartier résidentiel de Willemstad, Pietermaai abrite aujourd’hui de nombreux salons branchés et est parsemé de magasins spécialisés et de studios d’art. On dit que la région a été nommée d’après le capitaine néerlandais Pieter de Meij. La banlieue a attiré des commerçants riches résultant en manoirs impressionnants construits dans les styles architecturaux néerlandais des 18ème et 19ème siècle. Au milieu du 19ème siècle, après que les murs de la ville aient été détruits, Pietermaai est devenu un centre d’idées, d’affaires et de culture. Les théâtres et les petites entreprises artisanales ont ajouté à l’attrait du quartier et servent encore d’inspiration pour l’atmosphère animée de cette zone aujourd’hui.
Pour les résidents de longue date, il était douloureux de voir Pietermaai être lentement pris en charge par les colporteurs de drogue à la fin du 20ème siècle. Les résidents se sont retirés à l’intérieur et les familles plus riches ont déménagé dans des régions plus sûres de l’île, laissant les rues et les bâtiments emblématiques aux criminels. Les restes de cette période sont encore visibles dans quelques bâtiments, mais la plupart des bâtiments abandonnés ont été restaurés et les bâtiments modernes occupent des parcelles précédemment vacantes. Une combinaison parfaite de l’ancien et du nouveau.
D’où viennent ces façades colorées ?
Décomposons le sujet. Pietermaai appartient au périmètre historique de Willemstad inscrit au Patrimoine mondial. La ville se développe autour de la baie de Sint Anna dès le XVIIe siècle, avec une trame de rues et de parcelles qui structure encore les quartiers de Punda, Otrobanda, Pietermaai et Scharloo. Cette continuité urbaine, née d’une colonie marchande et administrative, fournit le cadre des maisons que vous voyez aujourd’hui. Elles traduisent la prospérité commerciale et le savoir-faire des artisans de l’époque.
Dans cette trame, Pietermaai accueille dès le XVIIIe et le XIXe siècle des maisons de ville en enfilade, alignées sur rue. Leur silhouette reprend des traits venus du monde néerlandais et adaptés au climat caribéen: volumes compacts, toitures à croupes, combles ventilés, galeries et auvents qui protègent de la pluie et du soleil. L’UNESCO souligne la valeur d’ensemble de cette forme urbaine, restée lisible depuis la période 1650–1800. Ces principes assurent confort et solidité dans un environnement tropical exigeant.
Les couleurs frappent d’emblée. Elles s’inscrivent dans une tradition locale de badigeons minéraux sur enduits à la chaux. La mise en valeur récente a encouragé des campagnes de peinture coordonnées, tout en conservant corniches, encadrements et menuiseries. Le site officiel du tourisme de Curaçao rappelle l’ampleur du patrimoine protégé et situe clairement Pietermaai parmi les quatre secteurs historiques de Willemstad. Chaque façade devient une signature visuelle colorée du quartier.



Ce que l’on voit depuis le trottoir
Voici pourquoi une lecture attentive des façades aide à dater et comprendre. Plusieurs maisons présentent un corps principal à deux niveaux, une galerie sur rue et parfois un balcon porté par des colonnes. Des fiches du registre patrimonial décrivent précisément ces dispositions pour des adresses de Pietermaai, avec toits en bâtière sur le noyau, appentis sur galeries, lucarnes et pignons à enroulements datés du XIXe siècle. Ces détails révèlent la transition entre héritage colonial et influences néoclassiques.
Regardez la composition : travées régulières, porte centrale encadrée de fenêtres, corniches fines, garde-corps en bois ajouré. Les toitures à forte pente évacuent l’eau, les combles ventilés limitent la surchauffe, les persiennes favorisent le flux d’air. Ce vocabulaire, typique de Willemstad, se retrouve dans l’ensemble du site inscrit, où plus de 700 bâtiments sont classés ou inventoriés.
Marchez enfin le long de la rue pour saisir l’enchaînement façades–galeries–cours arrière. Le registre patrimonial de l’île distingue même des bâtiments non classés mais dits “structures de soutien”, éligibles à des financements car ils contribuent au paysage du centre historique. Cela explique la continuité visuelle entre maisons restaurées et voisins réhabilités. Le quartier garde ainsi une unité rare malgré la diversité des époques et des usages. Cette cohérence donne à Pietermaai son charme tranquille.

Qui restaure et comment ?
Deux acteurs structurent la conservation à Curaçao. La Curaçao Monument Fund Foundation, créée en 1992, finance la restauration par des subventions et des prêts, y compris pour des édifices non classés qui participent au caractère de la rue. Son site agrège le registre, les critères et des notices détaillées.
La Stichting Monumentenzorg Curaçao, fondée en 1954, acquiert, restaure et gère plus de 120 monuments sur l’île : maisons de ville, forts, demeures de plantation, et même une ancienne synagogue. Elle intervient souvent sur des bâtiments menacés pour les remettre en état, puis les réaffecter à des usages durables. Voici pourquoi vous voyez tant de maisons historiques converties en petites hôtelleries, cafés ou bureaux, tout en préservant leurs galeries et leurs toits si caractéristiques de l’époque coloniale.
Ce travail s’inscrit dans un cadre international. L’inscription UNESCO, la cartographie du périmètre et de la zone tampon, ainsi que la documentation disponible en ligne, donnent un cap aux projets: conserver la silhouette et la trame urbaine, réparer les dispositifs de ventilation naturelle, maintenir les enduits minéraux et les modénatures. Cela garantit que chaque restauration soit fidèle à l’esprit du lieu.




Cinq façades à photographier à Pietermaai
Voici un petit parcours pour observer les nuances du bâti historique et ses restaurations récentes. Toutes les adresses se situent à moins de 500 mètres les unes des autres. Prenez le temps d’observer les détails.
1. Maison rose au n°18-19 de la Johan van Walbeeckplein
Maison jumelée de deux étages, datant de la fin du XIXᵉ siècle. Toiture à quatre pans avec arêtiers et faîtages en ciment avec épis de faîtage. Corniche sur les façades avant et latérales. Façade avant : fronton triangulaire à denticules profilés, remplissage du fronton par médaillons et moulures courbes, balcon avant avec balustres en bois ajourés et soutenu par des colonnes cannelées. Pilastres d’angle.

2. Maison rouge au n°4 de la Johan van Walbeeckplein
Ce beau bâtiment indépendant de plain-pied a été construit en 1850 sur un soubassement surélevé. Détails à observer : toit à deux versants avec lucarnes sur le cœur et toit incliné sur les galeries avant et arrière. Pignons en entonnoir avec couronnement du XIXe siècle. Corniche typique sur toutes les façades. Terrasses avant et arrière avec balustrade et escalier. Citerne et aqueduc.

3. Hôtel Scuba Lodge
L’ensemble de bâtiments peints en différentes couleurs date de 1848. Ces anciennes maisons de ville, typiques du style colonial, ont été restaurées avec des matériaux compatibles : enduits minéraux, menuiseries en bois, charpentes traditionnelles. Détail à repérer : la cohérence de la gamme chromatique, conforme aux teintes historiques recensées par la Curaçao Monuments Foundation.

4. Maison jaune au n°19 de la Pietermaaiweg
Belle maison indépendante de plain-pied, disposée symétriquement et construite sur un sous-sol. Plan rectangulaire et toit à deux versants dont le faîte est parallèle à la rue. Pignons tronqués ornés de boutons. Portique aux détails classiques soutenu par deux doubles colonnes. Terrasse avant pleine façade avec balustrade en pierre apparente et escalier s’élargissant à balustrades droites.

5. Saint Tropez Boutique Hotel
Ce bâtiment en bord de mer conserve les volumes d’une maison de ville du XIXᵉ siècle, transformée pour l’hôtellerie. Détail à repérer : les lucarnes étroites percées dans le toit, qui témoignent des anciens combles ventilés utilisés comme greniers. Il se trouve aux n°100-102-104 de la Pietermaaiweg.

Ce parcours vous permettra d’observer cinq aspects essentiels : la logique d’alignement des façades, les dispositifs climatiques, la palette colorée, la qualité des enduits et l’équilibre entre conservation et usage actuel. Ces maisons ne sont pas figées : elles vivent au rythme d’un quartier réinvesti, où chaque rénovation redonne un souffle à l’ensemble historique.
Willemstad, l’une de plus belles villes du monde. C’est un bijou dans les antilles. Cette belle ville traduit le savoir-faire du peuple hollandais que j’admire énormément.
Oui en effet Andre, toutes ces maisons colorées sont magnifiques !