Fondée en 1534 par les Espagnols sur les ruines d’une cité inca, Quito s’est progressivement développée à flanc de colline dans les Andes, culminant aujourd’hui à environ 2 850 m d’altitude. En 1978, l’UNESCO classe le centre historique de Quito comme site du patrimoine mondial, en partie pour sa remarquable densité d’édifices bien conservés datant de la période coloniale et de la première république.
Malgré des tremblements de terre (notamment celui de 1917) et les pressions urbaines, Quito conserve ce qu’on considère comme le centre colonial le mieux préservé et le moins transformé d’Amérique latine.
Dans ce contexte, les maisons coloniales sont des témoins d’une époque, mais elles sont aussi de plus en plus rares : selon des études, seules 14 maisons authentiquement coloniales subsistent dans le centre.
Caractéristiques des maisons coloniales quiteñas
Les maisons coloniales de Quito se reconnaissent par plusieurs traits communs, issus de l’héritage espagnol adapté au climat, aux matériaux locaux et aux traditions andines :
- Patio central : la plupart sont organisées autour d’un patio ou d’une cour intérieure, souvent entourée de galeries couvertes, de colonnes et de corridors.
- Matériaux traditionnels : murs en adobe ou en maçonnerie de briques recouvertes d’enduit, structures de bois pour les planchers et charpentes, toits en tuiles.
- Balcons en saillie (volados) : le niveau supérieur comporte généralement des balcons en bois ou en fer forgé, souvent ornés de fleurs, protégés par des avant-toits.
- Façades sobres mais élégantes : contrairement à l’exubérance baroque des églises, les façades domestiques sont souvent simples, avec peu d’ouvertures, des portes d’entrée modestes et une mise en valeur du seuil, du portail et quelques éléments décoratifs.
- Adaptation au terrain : Quito étant une ville montagneuse, certaines maisons présentent des socles en pierre pour compenser les pentes, et des modifications de niveaux intérieurs.
Certaines de ces maisons coloniales ont été transformées en musées (comme la Casa del Alabado) ou en centres culturels, tout en conservant leurs éléments originaux. C’est aussi le cas du Centro Cultural Metropolitano, installé dans l’ancien Colegio Máximo de la Compagnie de Jésus, édifié en 1622.
Cet ensemble monumental illustre la réutilisation intelligente du patrimoine bâti : cloîtres, arcades et patios ont été restaurés pour accueillir expositions, conférences et événements. Sa façade, reconstruite au XXᵉ siècle, respecte l’esprit du bâtiment d’origine tout en affirmant une sobriété républicaine. Aujourd’hui, ce centre culturel est l’un des lieux phares de la vie intellectuelle et artistique de Quito.
Les quatorze maisons coloniales de Quito
Chacune d’elles témoigne d’un chapitre de l’histoire urbaine, entre demeures religieuses, résidences privées et bâtiments réhabilités en musées ou centres culturels. Certaines sont accessibles au public, d’autres ne s’ouvrent qu’à l’occasion d’événements ou sur demande. Voici ce patrimoine :
- Casa Montúfar (IMP) : à l’angle de Montúfar, Chili et Espejo : ouverte au public, elle abrite l’Institut Métropolitain du Patrimoine, acteur clé de la restauration de Quito.
- Museo Casa del Alabado : Calle Cuenca, entre Bolívar et Rocafuerte : musée d’art précolombien installé dans l’une des plus anciennes demeures de la ville.
- Casa Cadisan : à l’angle de García Moreno et Mejía : ouverte au public, elle offre un bel exemple de maison à patio central restaurée.
- Centro Cultural Metropolitano : à l’angle d’Espejo et García Moreno, créé en 1997 dans un édifice de 1622, il accueille expositions, conférences et archives patrimoniales.
- Casa Muñoz Mariño (Musée La Acuarela) : Calle Junín, dans le quartier de San Marcos : ouverte au public, elle présente les aquarelles de l’architecte et peintre Oswaldo Muñoz Mariño.
- Casa de la Virgen : à l’angle de Rocafuerte et Maldonado : non ouverte au public, mais les prêtres acceptent parfois d’en montrer les intérieurs sur demande.
- Hôtel San Francisco de Quito : à l’angle de Guayaquil et Sucre : maison coloniale transformée en hôtel, connue pour ses galeries à arcades et son atmosphère d’époque.
- Museo de Arte Colonial (CCE) : à l’angle de Cuenca et Mejía : ouvert au public, il expose sculptures, retables et peintures religieuses des XVIIᵉ et XVIIIᵉ siècles.
- Casa Terán Robalino – INEDES : à l’angle du Venezuela et de Rocafuerte : demeure imposante, aujourd’hui non ouverte au public.
- Casa de José Mejía Lequerica : Calle Maldonado, en face de l’école José Peralta : fermée au public, elle fut la résidence du célèbre orateur quiteño du début du XIXᵉ siècle.
- Presbytère El Sagrario : à l’angle de García Moreno et Espejo : non ouvert au public, mais parfois accessible sur demande amicale auprès du clergé.
- Casa de Benalcázar : à l’angle d’Olmedo et Benalcázar : ouverte lors d’événements culturels, cette maison évoque le souvenir du conquistador espagnol fondateur de Quito.
- Casa de las Velas : Calle Flores, face à la Calle Espejo : non ouverte au public, reconnaissable à sa façade sobre et à ses volets de bois.
- Casa Garcia Moreno : à l’angle de García Moreno et Manabí : rattachée à La Compañía de Jesús, son accès se fait parfois sur demande auprès de la cathédrale.
Ces bâtisses, inégalement accessibles, sont le noyau domestique le plus ancien de Quito. Elles témoignent d’une architecture coloniale encore lisible dans ses volumes, ses matériaux et son rapport à la rue : un ensemble fragile que la ville s’efforce de préserver face aux pressions touristiques et immobilières.
La restauration de La Ronda et le rôle de FONSAL
Parmi les lieux emblématiques du centre historique de Quito, La Ronda occupe une place singulière. Cette ruelle pavée, bordée de maisons coloniales colorées, incarne l’âme populaire et l’histoire artisanale de la capitale. Longtemps délaissée, elle a retrouvé son éclat grâce à un vaste programme de restauration conduit par le Fondo de Salvamento del Patrimonio Cultural (FONSAL), qui a su allier sauvegarde patrimoniale et renaissance urbaine. La Ronda a retrouvé sa vitalité et son esprit d’autrefois.
La revitalisation de La Ronda
La Calle La Ronda (ou Juan de Dios Morales) est une ancienne ruelle coloniale réputée pour ses maisons avec balcons fleuris, ses galeries d’artisans, cafés, boutiques et sa vie nocturne bohème. Fréquentée traditionnellement par poètes, artistes et intellectuels, elle avait décliné au début du XXᵉ siècle.
En 2005–2006, la municipalité a lancé un programme de restauration urbaine visant à réhabiliter les façades, moderniser les infrastructures (assainissement, électricité, éclairage) tout en restreignant le trafic automobile. Depuis, La Ronda renaît : artisanat local, musique, cafés historiques, tourisme culturel.
Le rôle du Fondo de Salvamento del Patrimonio Cultural
Le Fondo de Salvamento del Patrimonio Cultural de Quito (FONSAL) est une entité publique chargée de la conservation, restauration et valorisation du patrimoine urbain et architectural de la capitale.
Dans le cadre du projet de restauration de La Ronda, FONSAL a impulsé la remise en valeur des façades, l’intégration de l’éclairage architectonique, la rénovation des balcons, corniches et structures métalliques, ainsi que la revitalisation d’anciens locaux pour accueillir cafés, ateliers ou galeries.
Cependant, ce processus n’est pas exempt de défis :
- La gentrification patrimoniale : la transformation de ces espaces en circuits touristiques ou en boutiques “authentiques” peut entraîner une hausse des loyers et exclure les habitants.
- Le déséquilibre entre conservation et modernité : comment concilier les normes de sécurité, l’accès moderne et la préservation des éléments historiques (bois, mortiers anciens, structures fragiles) ? C’est un équilibre délicat, souvent rejoué à chaque restauration ou changement d’usage.
- La fragilité du stock résidentiel : selon certains experts, le nombre de vraies maisons coloniales pourrait être inférieur à ce qu’on pense : certains estiment qu’il en resterait moins de cinq !
Vivre la ville et s’imprégner du centre historique
L’un des plaisirs de Quito est de découvrir ses maisons coloniales à pied, au fil des ruelles et des places du centre historique. Chaque façade est un fragment de l’histoire urbaine, chaque patio cache un jardin ou un atelier d’artisan. Marcher dans ce quartier classé, c’est découvrir plusieurs siècles d’architecture et de vie quotidienne, où les sons, les odeurs et les textures se mêlent à la pierre et au bois anciens.
Pour vous imprégner du centre historique, vous pouvez :
- prendre un café dans une demeure restaurée au fond d’une cour, admirer les plafonds en bois, les arcs couverts et les balustrades anciennes.
- assister à des concerts ou événements dans certains salons patrimoniaux réhabilités.
- contempler l’harmonie entre l’architecture coloniale et les constructions néoclassiques, Beaux-Arts ou républicaines qui se sont superposées au cours des siècles.
- emprunter des itinéraires patrimoniaux guidés, qui mettent en lumière ces trésors cachés.
Ainsi, Quito offre des monuments emblématiques (les églises de La Compañía, San Francisco, Santo Domingo), mais aussi une vie quotidienne qui respire l’héritage colonial à chaque coin de rue.