La maison traditionnelle Tharu : reflet d’une culture rurale enracinée

La maison traditionnelle Tharu, que l’on rencontre dans les plaines du Teraï au sud du Népal, est un modèle d’adaptation climatique, sociale et culturelle. Construite à partir de matériaux naturels, elle offre un confort thermique remarquable et une organisation spatiale pensée pour la vie communautaire. Loin d’être une simple construction utilitaire, elle reflète une vision du monde, des rituels domestiques jusqu’aux fresques murales appelées mokha, réalisées par les femmes lors de grandes fêtes. Chaque élément porte la marque d’un savoir-faire transmis oralement et pratiqué depuis des générations.

Le peuple Tharu est l’un des plus anciens groupes ethniques du Népal. Présents principalement dans les régions du Teraï, ils ont longtemps vécu en relative autarcie, développant un mode de vie étroitement lié à la forêt, à l’agriculture et à leur environnement immédiat. Leur culture, distincte par sa langue, ses croyances et son artisanat, se retrouve dans l’architecture de leurs maisons : des constructions basses, accueillantes, décorées et conçues pour résister à la chaleur comme à l’humidité. Comprendre la maison Tharu, c’est donc aussi comprendre un peuple qui, malgré les bouleversements récents, continue de préserver des traditions architecturales en lien direct avec son mode de vie.

Une architecture adaptée à l’environnement

Les maisons Tharu sont construites principalement avec des matériaux naturels disponibles localement, tels que le bois, le bambou, la terre argileuse, la paille de riz et la bouse de vache.

Ces matériaux offrent une excellente isolation thermique, maintenant l’intérieur frais pendant les étés chauds et relativement chaud durant les hivers frais du Teraï. La structure typique comprend des murs en torchis, un mélange de terre et de paille, appliqué sur une armature en bambou.

Le toit est souvent en chaume, fabriqué à partir de paille de riz ou d’autres herbes locales, offrant une protection efficace contre les fortes pluies de la mousson. Les sols sont souvent en terre battue, parfois recouverts d’un mélange de bouse de vache et de terre pour une finition lisse et hygiénique.

Une organisation intérieure fonctionnelle

L’agencement intérieur des maisons Tharu reflète les besoins quotidiens et les pratiques culturelles de la communauté. Les espaces sont divisés en plusieurs pièces, chacune ayant une fonction spécifique :

  • Priyani : l’entrée principale de la maison.
  • Dehari : la pièce réservée aux invités.
  • Bahari : la cuisine, souvent située à l’arrière de la maison pour (pratique et ventilé).
  • Kontis : les chambres à coucher, conçues pour offrir intimité et confort.

Cette organisation spatiale favorise une cohabitation harmonieuse et répond aux besoins sociaux et culturels des familles Tharu. Les espaces sont pensés pour accueillir plusieurs générations sous un même toit, sans cloisonner les liens familiaux. Les pièces sont souvent modulables, permettant de s’adapter.

maison Tharu rurale

Le Mokha : un art mural porté par les femmes Tharu

Dans certaines régions de l’est du Népal, notamment les districts de Morang, Sunsari, Saptari, Siraha et Udayapur, les maisons Tharu se distinguent par un décor mural unique appelé mokha (ou payar selon les zones). Cet art populaire, propre à cette communauté, repose sur un savoir-faire exclusivement féminin. Les femmes façonnent à la main des motifs floraux et animaliers, comme des paons, des perroquets, des éléphants ou des chevaux, directement sur les murs en terre crue. Ces décors sont concentrés autour des ouvertures : fenêtres et portes deviennent des cadres vivants, ornés de formes colorées.

La base des murs, constituée d’un treillis de bambou recouvert de terre, est préparée avec un mélange d’argile issue d’étangs, de bouse de vache, de paille hachée et de son de riz. Les femmes appliquent plusieurs couches, parfois enrichies de fibres de jute, pour créer du relief. Une fois le motif sec, une fine couche d’argile blanche est posée avant l’application des teintes naturelles. Pour prolonger l’éclat des couleurs, elles ajoutent parfois du lait à la peinture, ce qui évite les craquelures et prolonge la tenue.

Ces décors sont réalisés à des moments particuliers de la vie domestique : pendant les mariages, les fêtes religieuses ou les grandes célébrations familiales. Le mokha n’est donc pas systématique dans toutes les maisons Tharu, mais c’est un marqueur fort d’identité dans les régions où cette tradition perdure. Il témoigne d’un lien fort entre habitat, cycle des saisons et expression artistique communautaire.

Une architecture en mutation

Avec l’évolution des modes de vie et l’influence croissante de l’urbanisation, les maisons Tharu sont de plus en plus remplacées par des constructions modernes en béton et en tôle. Cette transition entraîne une perte progressive des savoir-faire traditionnels et de l’identité architecturale de la communauté.

Cependant, des initiatives locales et internationales visent à préserver cette architecture vernaculaire en sensibilisant les communautés à l’importance de leur patrimoine bâti et en encourageant l’utilisation de techniques de construction traditionnelles adaptées aux besoins contemporains.

Les maisons traditionnelles Tharu sont le reflet d’une adaptation entre l’homme et son environnement. Elles témoignent d’un savoir-faire ancestral, alliant fonctionnalité, esthétique et respect des ressources locales. Face aux défis actuels, il est crucial de reconnaître la valeur de cette architecture vernaculaire et de soutenir les efforts visant à la préserver et à l’adapter aux besoins contemporains.

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