Le Rumah Brunei, littéralement « maison bruneienne », est un modèle traditionnel d’habitat sur pilotis propre au sultanat de Brunei, sur l’île de Bornéo. Héritier d’une longue tradition malaise insulaire, il témoigne d’une architecture vernaculaire adaptée aux milieux fluviaux et littoraux de la région. La reproduction présentée au Sabah Museum Heritage Village en Malaisie est une référence pour comprendre l’organisation spatiale, les techniques constructives et la culture domestique bruneiennes telles qu’elles existaient avant l’urbanisation massive de la fin du XXᵉ siècle.
Le Rumah Brunei incarne une façon d’habiter façonnée par le fleuve, le climat équatorial et la structure sociale du monde malais. Conçue en bois et en bambou, surélevée pour répondre aux crues, la maison reflète un savoir-faire artisanal transmis sur des générations. Son plan hiérarchisé, où se distingue le rumah ibu (volume principal) des espaces annexes, matérialise les valeurs familiales et communautaires traditionnelles. À travers son architecture, c’est tout un patrimoine immatériel qui se lit : coutumes d’accueil, rites domestiques, organisation du travail et hiérarchie sociale.
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Contexte historique et culturel
Le Rumah Brunei est représentatif de l’architecture malaise de Brunei, façonnée par les conditions naturelles du nord de Bornéo et par le mode de vie communautaire du sultanat. Historiquement, la majorité de la population vivait dans des maisons sur pilotis construites au-dessus des rivières et mangroves, notamment dans le célèbre Kampong Ayer, surnommé « la Venise de l’Orient » par Antonio Pigafetta au XVIᵉ siècle. Cette organisation spatiale répondait à des contraintes environnementales : crues saisonnières, moustiques des zones marécageuses, circulation par embarcations, et besoins défensifs.
Implanté aujourd’hui au Sabah Museum Heritage Village (Malaisie), le Rumah Brunei offre un témoignage fidèle des anciennes maisons bruneiennes d’avant l’urbanisation des années 1970. Il illustre également l’identité malayo-musulmane du sultanat : organisation hiérarchisée des espaces, importance de la salle de réception (balai) et séparation marquée entre vie publique et sphère familiale (rumah ibu).
Implantation et organisation spatiale
Le Rumah Brunei repose sur des pilotis en bois, une adaptation au milieu fluvial. Cela permet de :
- protéger l’habitation contre les inondations
- favoriser la circulation de l’air
- éloigner les nuisibles et réduire l’humidité
- permettre l’accès par bateau lors des marées hautes dans les villages sur rivière
L’intérieur est organisé en modules articulés autour d’un cœur domestique appelé rumah ibu, où se trouvent la pièce commune et l’espace de vie quotidien. Autour gravite une série d’annexes :
- Serambi : galerie d’entrée, espace semi-public réservé aux invités masculins, suivant les règles d’étiquette malaise. Il sert aussi de lieu de discussions et d’échanges formels.
- Dapur : cuisine en extension arrière, souvent séparée du volume principal pour limiter les risques d’incendie. C’est un espace fonctionnel, lié aux activités quotidiennes et familiales.
- Bilik : petites chambres disposées latéralement, cloisonnées par des panneaux en bois démontables. Elles garantissent l’intimité tout en restant modulables.
- Tanggam : petite plateforme pour l’accostage des pirogues dans les villages lacustres ou fluviaux.
Ce plan hiérarchisé matérialise la structuration sociale traditionnelle malaise, où la maison est à la fois lieu familial, unité économique et espace de représentation.

