La ThimZim House est un petit immeuble d’appartements meublés, situé sur les hauteurs de Thimphu. Les annonces et sa page officielle décrivent une offre d’hébergement avec cuisines équipées, buanderie et connexion internet, au sein d’un bâtiment construit dans le style d’un ancien manoir bhoutanais, peint dans des teintes minérales et isolé, ce qui est notable pour le climat d’altitude de la capitale.
Implantation, gabarit et composition
L’édifice appartient à l’échelle domestique (quelques niveaux tout au plus), avec une morphologie compacte, courante dans les quartiers d’habitat de Thimphu : un socle maçonné qui ancre le bâtiment dans la pente, surmonté d’une superstructure plus légère où dominent les menuiseries et les éléments bois. Cette composition « lourd dessous / léger dessus » fait largement écho aux maisons traditionnelles bouthanaises et à l’architecture vernaculaire décrite par les guides officiels (murs massifs en pierre ou terre battue en bas, étages à forte présence de bois et de percements en haut).
Un langage formel inspiré du vernaculaire
Les façades utilisent une palette traditionnelle (ocres, bruns, blancs cassés) et un ordonnancement de baies groupées rappelant le rabsel (bandeau de fenêtres en bois sculpté, linteaux et corniches profilées).
Dans les maisons bhoutanaises, ces éléments codifiés (corniches, bandeaux, encadrements, consoles) composent une façade graphique, que l’on retrouve transposée ici en version contemporaine. Les « Traditional / Bhutanese Architecture Guidelines » détaillent ces dispositifs (types de rabsel, corniches, jabzhi/jamthog en toiture, sertog, etc.), qui servent de référentiel esthétique pour les nouvelles constructions. Cela garantit ainsi une continuité visuelle avec le vocabulaire ancestral.
Toiture et couronnement
Les toitures bhoutanaises canonisent des grands débords protecteurs, dont l’ombrière limite l’ensoleillement direct et abrite la façade des pluies de mousson. Les documents normatifs (guidelines) distinguent différents types de toits (à pignon, à croupe, appentis chenkhep) et leurs pièces de rive.
La maison « ThimZim House » s’inscrit visuellement dans ce vocabulaire de couronnement épais, même si l’ouvrage est un immeuble contemporain ; l’important est la lisibilité des débords et des arases, qui sont les marqueurs de « bhutanese-ness » exigés par la réglementation locale.
Structure et matériaux : transposition contemporaine
La maison rurale traditionnelle alterne soubassements en pierre, niveaux en pisé (terre battue) et une trame bois avec liaisons sans ferrures apparentes (embrèvements, tenons-mortaises).
En ville aujourd’hui, les bâtiments adoptent de plus en plus des structures en béton/maçonnerie et menuiseries industrielles, tout en conservant une enveloppe « régulée » par le style vernaculaire. Des travaux universitaires décrivent précisément ce passage des fermes en terre/bois vers des immeubles contemporains en béton, brique, acier, verre, qui reconduisent les codes formels traditionnels aux façades. ThimZim House illustre cette hybridation : langage ancien, technique moderne.
Confort thermique d’altitude et enveloppe isolée
Thimphu (≈ 2 300 m) connaît des amplitudes marquées ; l’isolation de l’enveloppe mentionnée par l’exploitant va dans le sens des recommandations nationales : dans le neuf comme en rénovation, les textes préconisent explicitement l’isolation des parois lorsqu’il existe des systèmes de chauffage, afin d’améliorer les performances saisonnières et de réduire la demande énergétique.
La combinaison « isolation + grands débords + bandeaux de fenêtres groupées » est extrêmement cohérente avec les principes de confort passif en climat froid et en mi-saison.
Sécurité sismique : le cadre de référence
Le Bhoutan est une zone sismique. Les guides techniques publiés récemment pour les maisons en pisé et maçonnerie de pierre formulent des règles d’ossature et de chaînages horizontaux/verticaux, de diaphragmes de planchers et de liaisons toit-murs pour améliorer la tenue au séisme.
Même si ThimZim House n’est pas documentée techniquement dans le détail, toute construction contemporaine qui revendique un style « traditionnel » doit, dans la pratique, articuler ces exigences structurelles (chaînages, continuités, diaphragmes) avec l’expression vernaculaire de façade.
Un style encadré par la réglementation
Depuis plus de vingt ans, la politique urbaine impose que les nouvelles constructions conservent les traits majeurs de l’architecture bhoutanaise à l’extérieur : matériaux visibles, proportions, encadrements, débords, rythmes de baies. Le Bhutan Building Regulation (2018) rappelle ainsi la promotion des matériaux locaux et de l’architecture vernaculaire ; de fait, la façade de nombreux immeubles contemporains à Thimphu « parle » le langage traditionnel, même avec une structure moderne.
L’appartement meublé comme typologie urbaine
ThimZim House propose des appartements avec cuisine, buanderie et services, une typologie urbaine aujourd’hui courante à Thimphu (studios, T2/T3, petites résidences de services).
Cette évolution du programme (de la ferme multifonctionnelle à la cellule domestique compacte) accompagne la transition socio-économique décrite par la littérature : davantage de logements collectifs, plus de confort moderne, mais une enveloppe régulée par des codes esthétiques hérités.
Lecture critique : continuité, compromis, identité
Architecturalement, ThimZim House n’est pas une « ferme muséale ». C’est un bâtiment contemporain qui réemploie des signes (couleurs minérales, bandeaux de baies, corniches à débords, rapport « massif/superstructure ») pour s’inscrire dans la continuité locale.
Ce compromis (très bhoutanais) entre modernité constructive et façade codifiée est précisément l’objet des Bhutanese Architecture Guidelines (2014), complétées par des revues et analyses qui soulignent cet équilibre entre identité nationale et pratiques constructives actuelles.