La maison de style gasshō : Shirakawa-go et Gokayama

Les villages de montagne isolés de Shirakawa-go et Gokayama avec des maisons de style gasshō ont été enregistrés en tant que sites culturels du patrimoine mondial de l’Unesco en 1995. Le paysage de ces villages de montagne se mélange avec la nature de chaque saison : les feuilles vertes et fraîches au printemps, les feuilles teintées d’orange en automne, la neige d’hiver. L’atmosphère de ces villages aux maisons traditionnelles japonaises ressemble à un conte de fées.

Les maisons construites dans le style « gasshō », appelées Minka (民家 littéralement « maison du peuple »), sont définies comme ayant un toit en forme de triangle, semblable aux mains jointes en prière (« Gassho » vient du mot japonais pour la prière). Dans la structure multicouche, le 3ème et 4ème étages sont particulièrement caractéristiques car ils démontrent la sagesse des agriculteurs qui sont en mesure d’élever des vers à soie, même lors des hivers rigoureux. La zone pour les vers à soie est dans le grenier où monte la chaleur du premier étage rempli de gens et d’activité. Le toit a une pente impressionnante de 60° pour permettre à la neige (qui atteint parfois 4 mètres) de glisser plus facilement.

L’art de la construction « gasshō » est malheureusement en voie de disparition, et la plupart des autres maisons de ce style d’architecture ont été déplacées vers les villages de Shirakawa-go et Gokayama. Environ 600 personnes vivent dans le village d’Ogimachi de Shirakawa-go aujourd’hui.

Un habitat pensé pour affronter les rigueurs de l’hiver

Les villages qui abritent ces maisons se situent dans l’une des régions les plus enneigées du Japon. Chaque hiver, plusieurs mètres de neige recouvrent les vallées. Les toits à forte pente (jusqu’à 60°) permettent à la neige de glisser naturellement sans s’accumuler, réduisant ainsi le risque d’effondrement. Aucun clou n’est utilisé dans la charpente : les poutres sont liées entre elles par des cordes de chanvre, ce qui rend l’ensemble flexible et résistant aux secousses sismiques, fréquentes au Japon.

Le chaume, fait de roseaux ou de graminées séchées, joue un rôle thermique. Il conserve la chaleur en hiver et maintient une température agréable en été. Mais cette matière organique demande un entretien constant : tous les 20 à 30 ans, il faut refaire la couverture. Cette opération se fait collectivement, mobilisant tout le village. Une tradition qui renforce les liens sociaux en assurant la pérennité du bâti.

Des maisons aux dimensions impressionnantes

Contrairement à l’image souvent véhiculée des intérieurs japonais épurés et minimalistes, les maisons gasshō ont un volume imposant. Elles comptent généralement trois à quatre étages, organisés selon des fonctions précises. Le rez-de-chaussée abrite la vie quotidienne : cuisine, pièce de réception, chambre principale. On y trouve un irori, foyer central encastré dans le sol, utilisé pour cuisiner et chauffer l’espace. La fumée dégagée par ce feu assainit la toiture en chaume, et aide aussi à repousser les insectes.

Les étages supérieurs, accessibles par des échelles ou escaliers raides, servaient au séchage des vers à soie ou au stockage. Ces combles ventilés, appelés mune, bénéficient d’une isolation naturelle grâce à l’épaisseur du chaume, mais aussi d’une aération maîtrisée grâce à des ouvertures discrètes.

maison de style gasshō

Des matériaux locaux et renouvelables

Le bois, issu des forêts alentours, constitue l’ossature principale. Les artisans ont appris à travailler sans clou ni vis, avec un savoir-faire transmis oralement. Le choix des essences dépend de leur fonction : bois dur pour les poutres porteuses, bois plus souple pour les éléments secondaires. L’ensemble repose sur des soubassements en pierre posée à sec, qui permettent à l’humidité du sol de s’évacuer.

La toiture, quant à elle, utilise des végétaux robustes, comme le kaya ou le susuki, qui résistent bien aux intempéries. Le chaume est posé en plusieurs couches, parfois jusqu’à 50 cm d’épaisseur. Ce système assure à la fois l’étanchéité et une régulation naturelle de la température intérieure.

Un agencement intérieur codifié et fonctionnel

L’intérieur des maisons gasshō respecte des règles précises, fondées sur l’équilibre, la circulation de l’air et la hiérarchie familiale. Les pièces ne sont pas cloisonnées par des murs porteurs : des cloisons coulissantes, fusuma ou shōji, permettent de moduler l’espace selon les besoins. Cela offre une grande souplesse dans l’usage quotidien. Chaque recoin est optimisé, sans perte d’espace ni surcharge décorative. La sobriété des matériaux met en valeur la structure en bois, laissée apparente.

Le plancher est souvent surélevé par rapport au sol extérieur, et recouvert de tatamis. Cette élévation isole de l’humidité et des nuisibles. Chaque pièce est pensée pour accueillir différentes fonctions au cours de la journée : repas, repos, travail manuel. On retrouve une sobriété esthétique qui contraste avec la complexité structurelle du bâtiment. Ce contraste renforce la sensation de calme dès qu’on y entre. Rien n’est superflu, tout a une utilité claire et réfléchie. Le mobilier est minimal, souvent rangé ou escamotable.

intérieur maison de style gasshō

Les maisons de Shirakawa-go et Gokayama

L’observatoire sur le site du château d’Ogimachi est un endroit populaire pour voir le village Ogimachi de Shirakawa-go où 59 maisons sont regroupées. Ce point de vue est parfait pour une vue sur le village de style gasshō dans la verdure du printemps, dans les feuilles teintées de l’automne ou dans les neiges de l’hiver. La maison « Wada » et la maison « Nagase » dans le village d’Ogimachi sont ouvertes au public, offrant la possibilité d’en apprendre davantage sur la façon dont les gens vivaient il y a longtemps.

À Gokayama, il y a le village « Ainokura » où 24 maisons existent sur un fond de montagnes, et le village « Suganuma » avec 9 maisons, dont 2 qui ont été construites pendant l’ère Edo. Les maisons suivantes ont été désignées biens culturels importants du Japon : la maison « Murakami » où le chef de la famille raconte l’histoire de Gokayama aux visiteurs, la maison « Haba » qui est la structure gassho la mieux conservée avec très peu de rénovation, la maison « Iwase », qui est la plus grande maison de style gassho dans Gokayama avec 5 étages et un intérieur construit en bois de zelkova.

Un patrimoine architectural reconnu par l’UNESCO

En 1995, les villages de Shirakawa-gō et Gokayama ont été inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO. Cette reconnaissance met en lumière non seulement l’architecture elle-même, mais aussi l’organisation communautaire qui l’entoure. Car une maison gasshō ne vit pas seule : elle fait partie d’un ensemble, avec son potager, sa rizière, son système d’irrigation et les relations tissées avec le voisinage.

La gestion collective des ressources – forêt, eau, entretien des toitures – illustre une forme d’écologie vernaculaire. Ce modèle d’habitat, fondé sur l’autonomie et la solidarité, attire aujourd’hui l’attention de nombreux architectes en quête d’alternatives durables aux modèles standardisés.

maisons de style gasshō

Ce que les maisons gasshō nous enseignent

À l’heure des maisons passives et écologiques, les gasshō-zukuri offrent plusieurs pistes de réflexion :

  • L’intelligence climatique : ces maisons s’adaptent aux conditions extrêmes sans recours à la technologie. L’orientation du toit, la ventilation naturelle et les matériaux respirants montrent que l’on peut bâtir en dialogue avec son environnement.
  • La modularité : l’espace intérieur est souple, évolutif, pensé pour durer. Cette flexibilité répond aux besoins changeants des habitants, sans nécessiter de travaux lourds.
  • La transmission des savoir-faire : la technique de construction, artisanale et collective, favorise la conservation des compétences locales. Elle invite à réhabiliter des gestes délaissés par l’industrie du bâtiment moderne.
  • La conscience du territoire : chaque maison est enracinée dans un site précis, avec une prise en compte fine du climat, de l’orientation solaire et des matériaux disponibles.
maison gasshō

La maison de style gasshō n’est pas une relique figée dans le temps. C’est une réponse architecturale à un territoire exigeant, une leçon de bon sens et de cohérence. Elle témoigne d’un lien fort entre les habitants, les matériaux et leur environnement. Dans une époque où la maison se pense souvent comme un produit standard, le modèle gasshō rappelle qu’elle peut aussi être le fruit d’un équilibre subtil entre fonctionnalité, beauté et enracinement.

Enregistrer

Enregistrer

Laisser un commentaire