Le dar est l’un des types d’habitats traditionnels les plus répandus dans les villes historiques du Maroc, notamment à Fès (voir les maisons traditionnelles de Fès), Marrakech, Meknès, Rabat et Tétouan. Sa conception, ses matériaux et son organisation spatiale répondent à des principes architecturaux hérités de plusieurs siècles, adaptés aux contraintes climatiques et sociales propres au contexte marocain.
Définition et principes de base
Le terme « dar » désigne une maison urbaine marocaine fermée sur l’extérieur, s’articulant autour d’une cour centrale (wast ad-dar), souvent agrémentée d’une fontaine, de plantations et parfois d’un puits.
Ce plan en patio reflète l’héritage arabo-andalou et l’influence de l’architecture islamique méditerranéenne. L’organisation du dar privilégie l’intimité, la discrétion vis-à-vis de l’extérieur, et le confort thermique. L’ensemble de l’habitat s’oriente donc vers la cour, cœur de la vie domestique.
Caractéristiques architecturales du dar marocain
L’architecture du dar traditionnel marocain repose sur des principes éprouvés, adaptés au mode de vie urbain, au climat local et aux exigences sociales. Chaque élément contribue à façonner un habitat fonctionnel et confortable. Cette section présente les principaux aspects architecturaux qui définissent le dar, depuis l’organisation des espaces jusqu’aux techniques de construction et aux choix décoratifs.
1. Organisation spatiale
Le plan du dar suit une composition orthogonale : autour de la cour centrale, plusieurs pièces s’alignent sur un ou deux niveaux. Les espaces communs, salons (majlis), chambres (bit), cuisines (matbakh) et sanitaires, s’organisent en fonction de leur usage et du degré d’intimité souhaité. Les ouvertures des pièces donnent prioritairement sur la cour, évitant ainsi toute vue directe depuis la rue.
La cour, souvent carrée ou légèrement rectangulaire, occupe une place centrale, assurant la ventilation et l’apport de lumière naturelle. C’est une zone tampon permettant de tempérer les variations climatiques.
La circulation verticale se fait par un escalier, généralement situé dans un angle discret de la cour, desservant l’étage supérieur où se trouvent des chambres supplémentaires ou des espaces de réception. Sur le toit, une terrasse (stah) sert d’espace utilitaire ou de repos, souvent réservée aux femmes.

2. Façades et rapport à la rue
L’une des spécificités du dar réside dans l’absence d’ouvertures directes sur la rue. Les façades extérieures sont pleines, parfois percées d’une porte monumentale en bois clouté, à l’ornementation sobre ou plus sophistiquée selon le statut social du propriétaire. Cette configuration assure la sécurité, l’intimité et la protection contre la poussière et le bruit. Les rares fenêtres donnent sur des ruelles étroites, à hauteur réduite, et sont parfois agrémentées de moucharabiehs (shabbak) permettant de voir sans être vu.

3. Matériaux et techniques de construction
Les matériaux employés dans la construction du dar sont issus de l’environnement local :
- Murs : la maçonnerie repose principalement sur la brique crue (adobe), le pisé (tabiya) ou la pierre selon la région. Ces matériaux ont une forte inertie thermique, régulant la température intérieure.
- Charpente et planchers : les poutres en bois de cèdre, d’eucalyptus ou de palmier soutiennent les planchers. Le plafond est fait de lattes de bois (nqash) ou de cannes recouvertes de torchis puis d’une chape de terre battue. Cette composition assure robustesse et isolation thermique.
- Enduits et revêtements : les murs intérieurs sont recouverts de tadelakt, un enduit traditionnel à la chaux polie, ou de zellige, mosaïque de faïence émaillée, sur les parties basses. Les sols peuvent être en carreaux de terre cuite (beldi), en zellige ou en marbre pour les maisons plus aisées.
Cette technique permet de maintenir une atmosphère fraîche en été et tempérée en hiver, tout en limitant les besoins en énergie. Les matériaux, choisis pour leur disponibilité et leur efficacité thermique, assurent également une excellente isolation acoustique. Ils favorisent ainsi un confort durable.


4. Ornementation et décors
Le décor du dar témoigne du raffinement de l’artisanat marocain. La cour et les pièces de réception peuvent présenter des zelliges multicolores, des stucs finement ciselés, des plafonds peints (zouak) ou sculptés, et des boiseries ouvragées. La fontaine centrale, octogonale ou étoilée, est un point focal du patio. Les colonnes, chapiteaux et arcs sont typiques de l’esthétique maghrébine.
L’ornementation n’est jamais ostentatoire sur la façade d’un dar traditionnel marocain, mais s’exprime pleinement à l’intérieur, dans le respect du principe d’intimité. L’agencement des décors respecte un équilibre entre sobriété et sophistication, variant selon les ressources du propriétaire.

5. Gestion climatique et adaptation environnementale
Le dar est parfaitement adapté au climat marocain, marqué par de fortes amplitudes thermiques. Les murs épais et la cour centrale créent un microclimat favorable, limitant les surchauffes en été. Les ouvertures limitées et la disposition des pièces protègent du vent et de la poussière. La présence de végétation et d’une fontaine favorise également le rafraîchissement de l’air par évaporation.
La circulation de l’air s’organise par des effets de convection naturelle : la chaleur s’évacue par le haut de la cour, tandis que la fraîcheur reste concentrée au niveau du sol. Ce système passif, hérité des traditions architecturales antiques, évite le recours à des dispositifs mécaniques coûteux.
6. Vie sociale et organisation familiale
L’agencement du dar traduit une conception sociale hiérarchisée de l’espace. Les pièces privées sont séparées des espaces de réception, conformément aux usages de l’hospitalité marocaine. La discrétion prévaut dans la distribution intérieure, permettant de préserver l’intimité des femmes et des enfants. Les grandes demeures incluent parfois des annexes (douiria) réservées aux invités ou à la famille élargie.
Le patio est le centre de la vie familiale, accueillant les repas, les jeux des enfants et les rencontres. Les usages diffèrent selon la taille de la famille, la saison et les événements du calendrier religieux.

7. Variantes régionales et évolution contemporaine
Le modèle du dar connaît des adaptations selon les villes et les époques. À Fès et Tétouan, les proportions de la cour varient, de même que la richesse des décors. À Marrakech, la couleur des enduits (ocres rouges ou roses) reflète la géologie locale. Certaines maisons intègrent des éléments andalous, comme les galeries à arcades ou les jardins en croix. Avec l’urbanisation et la raréfaction du foncier, de nombreux dars sont aujourd’hui transformés en riads, hôtels ou maisons d’hôtes, adaptant les espaces aux usages contemporains tout en conservant l’organisation d’origine.
Principales caractéristiques architecturales du dar marocain
Élément | Caractéristiques principales |
---|---|
Cour centrale | Patio intérieur, carré ou rectangulaire, souvent avec fontaine et végétation |
Murs | Adobe, pisé ou pierre, grande épaisseur, forte inertie thermique |
Toiture | Terrasse accessible, plafonds à poutres de bois et torchis |
Façades extérieures | Pleines, sobres, porte monumentale, fenêtres rares et discrètes |
Ornementation | Zellige, stuc, tadelakt, bois sculpté, motifs géométriques |
Distribution des pièces | Autour de la cour, étages reliés par escalier, séparation espaces privés/publics |
Gestion du climat | Microclimat créé par la cour, ventilation naturelle, matériaux régulateurs |
Le dar traditionnel marocain constitue un modèle abouti d’architecture vernaculaire, à la fois fonctionnel et esthétique, façonné par des siècles d’expérience et d’adaptation. Il répond de manière précise aux exigences du climat, de la société et de la culture urbaine marocaine. Malgré les transformations contemporaines, il est toujours un référentiel architectural majeur dans le pays, inspirant de nombreux projets de restauration et de réhabilitation dans les médinas du Maroc.