En Papouasie du sud, les Korowai vivent dans des habitations uniques à la cime des arbres. Connue surtout pour être l’une des dernières tribu active de cannibales, les Korowai de Papouasie, en Indonésie, ont vécu dans un isolement total jusqu’au premier contact avec les missionnaires hollandais dans les années 1970. Mis à part le penchant pour le cannibalisme tribal, les Korowai ont un autre trait culturel fascinant : ils sont les architectes fantastiques d’imposantes maisons dans les arbres.
L’architecture vernaculaire est une expression profonde des besoins, des croyances et de l’environnement des peuples qui la créent. Parmi les exemples les plus intéressants de cette architecture se trouvent les maisons arbres des Korowai. Ces habitations, construites à des hauteurs impressionnantes, sont des témoignages vivants de l’ingéniosité humaine et de la capacité à vivre en harmonie avec la nature.
Contexte culturel et environnemental
Les Korowai vivent dans les forêts tropicales humides, un environnement riche mais exigeant. Historiquement, leur mode de vie a été façonné par la nécessité de se protéger des inondations, des animaux sauvages, et des croyances spirituelles. Dans ce contexte, la construction de maisons en hauteur, dans les arbres, a émergé comme une solution pratique et une manifestation de leur identité culturelle.
Les Korowai croient que les esprits maléfiques (appelés « laleo ») habitent le sol, et en construisant leurs maisons dans les arbres, ils se protègent de ces entités spirituelles. Ce choix architectural est ainsi intimement lié à leur cosmologie et à leur compréhension du monde.
Techniques de construction
Construire une maison arbre à une hauteur pouvant atteindre 30 à 50 mètres est un exploit remarquable, surtout sans outils modernes. Les Korowai utilisent du bois de fer (un matériau très dur) pour la structure principale, tandis que le bambou est utilisé pour les planchers et les murs. Le toit est généralement fait de feuilles de sagoutier tissées, offrant une protection efficace contre les fortes pluies de la région.
Le processus de construction commence par la sélection d’un arbre robuste, souvent un banyan ou un figuier étrangleur, qui sert comme poteau principal. Des petits poteaux sont ensuite ajoutés dans les coins de la maison pour un soutien supplémentaire. Les Korowai créent ensuite une plate-forme circulaire ou rectangulaire autour du tronc de l’arbre, soutenue par des branches et des colonnes supplémentaires faites de bois. Chaque pièce de la maison est assemblée sur le sol avant d’être hissée en haut à l’aide de cordes de lianes. La maison est ensuite fixée solidement au tronc et aux branches de l’arbre.
Alors que certaines maisons sont à plus de 35 mètres de haut, la plupart sont généralement entre 8 et 12 mètres et sont accessibles par un poteau cranté unique qui sert d’échelle. Le plancher est construit en premier, les murs et un toit d’un arbre Sago sont ajoutés, liés ensemble avec du raphia. Le plancher doit être solide car les maisons dans les arbres accueillent souvent jusqu’à une douzaine de personnes.
Les rituels et défis
Les nouvelles maisons sont bénies par un maculage de graisse animale au seuil et sur les escaliers, et en coupant de petits trous dans le toit qui donne symboliquement l’accès aux gibier (habituellement les porcs). Toute la famille, ainsi que les animaux de compagnie et les autres animaux domestiques, vivent ensemble dans une maison arbre. Les plus grandes maisons ont des espaces distincts de vie pour les hommes et les femmes de la famille, ainsi que des foyers distincts, et parfois des escaliers.
Le feu est le plus grand danger pour ces maisons arbre de Papouasie, de sorte que les foyers sont spécialement conçus avec des sections de plancher découpées au cas où les choses deviennent hors de contrôle. Même sans être brûlées, les maisons ne durent environ que 5 ans.
Fonctionnalité et vie quotidienne
Les maisons arbres des Korowai ne sont pas que des habitations, elles sont des centres de vie. Une maison peut accueillir plusieurs familles, avec des espaces séparés pour le sommeil, la cuisine, et les activités sociales. La hauteur de ces maisons offre une vue dégagée sur la forêt environnante, permettant aux habitants de surveiller les alentours et de détecter d’éventuels dangers à distance.
Les échelles de lianes qui mènent aux maisons sont un symbole d’agilité et de force pour les Korowai, mais elles servent aussi de protection contre les intrusions indésirables. Cette élévation, bien qu’exigeante physiquement, fait partie intégrante de la vie quotidienne et est enseignée dès le plus jeune âge.
Signification symbolique et évolution
Les maisons arbres des Korowai sont plus qu’une réponse pratique à un environnement difficile; elles sont un symbole de la résilience et de l’adaptabilité de ce peuple. Elles représentent également une séparation entre le monde physique et le monde spirituel, où les Korowai se positionnent entre ciel et terre.
Cependant, avec l’influence croissante du monde extérieur, notamment à travers les missions religieuses, les projets de développement et le tourisme, ce mode de vie est en mutation.
De plus en plus de Korowai abandonnent les maisons dans les arbres pour des habitations au sol, modifiant ainsi leur architecture traditionnelle. Ce changement pose des questions sur la préservation du patrimoine architectural et culturel des Korowai à une époque de globalisation rapide.
En 2006 des journalistes de 60 minutes se sont glissés dans la jungle pour suivre la vie de ces « derniers cannibales », dans ce qui est devenu une histoire très chaudement disputée. Certains anthropologues et les habitants insistent sur le fait que le sensationnalisme de l’histoire est plus enraciné chez les reporters occidentaux désireux de voir des indigènes cannibales sauvages dans la réalité, et font valoir que le cannibalisme n’a pas été pratiqué depuis au moins 20 ans.
Conclusion
Les maisons arbres des Korowai sont une expression remarquable d’une architecture en symbiose avec la nature et la culture locale. Elles démontrent comment un groupe humain peut s’adapter de manière ingénieuse à son environnement tout en intégrant des éléments profondément symboliques. Alors que les pressions extérieures continuent de croître, la question de la préservation de ces structures uniques reste cruciale pour l’avenir des Korowai et pour la diversité du patrimoine architectural mondial.