Les cabanes « wilderness » : un patrimoine de nature à préserver

Une « wilderness hut » (cabane sauvage), « backcountry hut » (cabane d’arrière-pays), ou « backcountry shelter » (refuge d’arrière-pays) est un refuge simple et sans loyer pour un hébergement temporaire, habituellement situé dans des zones sauvages, des parcs nationaux et le long des chemins de randonnées. Ces abris se trouvent dans de nombreux pays, comme la Finlande, la Suède, la Norvège et le nord de la Russie, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Canada et les États-Unis. Les cabanes sont souvent basiques, sans équipements, sans eau courante, et contiennent parfois des vivres d’urgence.

Utilisation des « wilderness huts »

En général, ces cabanes temporaires et rurales n’ont pas d’entretien réguliers ni aucun personnel d’entretien payé. Des règles d’utilisation non officielles se sont développées au fil du temps.

Les visiteurs doivent quitter la cabane dans l’état dans laquelle ils veulent la trouver en arrivant. Les feux ne doivent jamais être laissés sans surveillance, et si l’approvisionnement en bois de chauffage est utilisé, les visiteurs doivent le remplacer. Certaines zones sont désignées comme poêle à combustible uniquement, car la cuisson sur un fourneau à combustible peut réduire l’utilisation du bois de chauffage. Certaines huttes contiennent des aliments d’urgence comme des conserves et de l’eau en bouteille, destinés à être consommés dans des situations urgentes. Souvent, aucune toilette n’est présente, et la règle générale exige que les déchets soient enterrés loin du cours d’eau le plus proche ou de la cabane.

Moscow Villa à Victoria en Australie
Moscow Villa à Victoria en Australie

Généralement, aucune eau courante n’est disponible dans les huttes « wilderness ». Il est recommandé d’utiliser de l’eau à partir d’un courant, et que l’eau soit bouillie pendant au moins cinq minutes.

Les détergents, le dentifrice et le savon (même biodégradable) peuvent nuire à la vie aquatique. En quittant la cabane, les visiteurs doivent la laisser propre et sécurisée, avec le feu éteint et les portes et fenêtres bien fermées. Les déchets ne doivent pas être enterrés. Les boîtes, les bouteilles en plastique ou le verre brisé sont souvent déterrés par des animaux et peuvent les blesser. Tous les déchets doivent être éliminés de façon appropriée. Les règles peuvent différer entre l’Europe, l’Australie et les États-Unis.

Hutte "wilderness" en Autriche
Hutte « wilderness » en Autriche

Les cabanes « wilderness » en Finlande

Les huttes officielles « wilderness » sont principalement entretenues par Metsähallitus, la société finlandaise de gestion forestière. La plupart des cabanes « wilderness » en Finlande sont situées dans les parties nord et est du pays. Leur taille peut varier considérablement : à titre d’exemple, le chalet Lahtinen dans la zone sauvage de Muotkatunturi peut à peine abriter deux personnes, tandis que le gîte Luirojärvi, qui se trouve dans le parc national d’Urho Kekkonen, peut accueillir jusqu’à 16 personnes.

Une cabane « wilderness » ne peut pas être préalablement réservée, et elles sont ouvertes à tous, qu’ils soient à pied, à ski ou avec d’autres moyens. Les séjours commerciaux à la nuit sont interdits dans les huttes appartenant à Metsähallitus. Des huttes non officielles et non entretenues existent également.

Les cabanes qui étaient libres pour tout le monde sont apparues à la fin du 18ème siècle en Finlande, lorsque des lieux d’habitation ont été construits le long des sentiers pédestres pour les passants. Au 19ème siècle, les autorités ont commencé à construire ces fameuses huttes « wilderness ». Beaucoup plus tard dans le 20ème siècle, elles ont commencé à être construites pour les voyageurs.

La hutte "wilderness" d'Oahujoki dans le parc national de Lemmenjoki peut accueillir sept personnes
La hutte « wilderness » d’Oahujoki dans le parc national de Lemmenjoki peut accueillir sept personnes

La Finlande est réputée pour la richesse et la diversité de ses abris en pleine nature, une institution pour les amateurs de grands espaces. Les refuges et abris de Finlande se déclinent en plusieurs formes, chacune adaptée à un usage spécifique : le laavu, abri en appentis ouvert sur un foyer ; le kota, hutte d’origine sami circulaire et protectrice contre les intempéries ; la päivätupa, cabane de jour accessible sans réservation pour une halte au chaud ; et l’autiotupa, cabane sauvage équipée pour la nuit avec lits superposés et parfois même une cuisinière à gaz. À cela s’ajoutent les nombreux nuotiopaikka, simples foyers publics installés dans toute la Finlande, lieux de convivialité locale. Répartis sur tout le territoire, les refuges et abris de Finlande offrent une accessibilité rare à la nature, quel que soit le niveau d’aventure recherché, et reflètent l’esprit d’accueil et de partage qui caractérise la culture finlandaise.

Les huttes « wilderness » en Nouvelle Zélande

La Nouvelle-Zélande possède un réseau d’environ 950 cabanes d’arrière-pays.  Elles sont officiellement entretenues par le Département de la conservation (DOC), bien que certaines ont été adoptées et sont entretenues par les clubs locaux de randonnée et de chasse par arrangement. Il y a aussi des huttes non officielles et privées dans certains endroits. Elles varient des petits abris en bois aux grandes cabanes modernes pouvant accueillir jusqu’à 40 personnes, avec des zones de cuisson séparées.

Mt Fell Hut, une cabane de montagne publique située dans le parc forestier Mt Richmond, Nouvelle-Zélande
Mt Fell Hut, une cabane de montagne publique située dans le parc forestier Mt Richmond

Les « wilderness huts » aux USA

Aux États-Unis, les services forestiers, les parcs nationaux, comme le parc national Great Smoky Mountains, peuvent fournir des cabanes.  Elles sont souvent situées le long des itinéraires de randonnée.

Le Tenth Mountain Huts est un système de 29 cabanes extérieures dans les Rocheuses du Colorado en honneur aux hommes de la 10ème Division de montagne de l’armée américaine, qui ont été formés pendant la Seconde Guerre mondiale à Camp Hale dans le centre du Colorado. Ils offrent une possibilité unique pour le ski de fond, le VTT ou la randonnée tout en étant un refuge sûr et confortable.

Cabane "wilderness" dans le parc national d'Urho Kekkonen
Cabane « wilderness » dans le parc national d’Urho Kekkonen

Les cabanes « wilderness » en Suède et en Norvège

La tradition des abris est également très présente en Suède et en Norvège, où l’on parle respectivement de « vindskydd » ou « övernattningsstuga » et de « nødbu » ou « turisthytte ». Ces cabanes sont disséminées dans les vastes forêts, le long des itinéraires de trek ou dans les montagnes lapones.

En Suède, le réseau de cabanes « wilderness » est géré en partie par les collectivités locales, mais aussi par la Svenska Turistföreningen (STF), qui s’occupe de l’entretien de certains refuges. Certaines sont très rudimentaires, tandis que d’autres offrent un minimum de confort, comme des lits superposés.

En Norvège, la Den Norske Turistforening (DNT) coordonne plus de 500 hyttes, dont beaucoup sont accessibles toute l’année et reposent sur le principe de la confiance : les randonneurs laissent une petite participation pour financer l’entretien, même dans les abris non gardés. Là encore, l’accès fonctionne sur le principe du droit d’accès à la nature (allemannsretten), qui permet de circuler et de s’abriter librement, dans le respect de la nature et des autres usagers. Ce système favorise une atmosphère de confiance.

Équipements et ambiance : entre sobriété et convivialité

Que ce soit en Scandinavie, en Amérique du Nord ou en Océanie, la philosophie des « wilderness huts » est la même : simplicité, autonomie et respect. L’équipement est réduit à l’essentiel :

  • Un abri étanche, un ou deux bancs, parfois un poêle à bois
  • De quoi cuisiner si la sécurité incendie le permet
  • Un livre d’or ou cahier de passage, où les visiteurs laissent un mot, une anecdote ou des conseils

L’ambiance dépend de la saison et de l’isolement du lieu. Parfois, vous dormirez seul au cœur de la forêt boréale ou près d’un lac gelé. D’autres fois, la cabane devient un foyer temporaire, où des randonneurs venus de toute l’Europe partagent leur repas, des récits de voyage et des moments d’entraide.

Rôle dans la culture et le tourisme

Les cabanes « wilderness » sont au centre de la pratique du tourisme de nature. En Finlande, la hutte de bois symbolise le lien entre l’homme et la forêt, l’art de vivre dehors (« ulkoilu ») et l’autonomie. Nombre de Finlandais conservent le souvenir d’une nuit passée dans une cabane de l’Erämaa (« pays sauvage ») : feu de bois, odeur de résine, silence total, et lever de soleil sur les tourbières. En Nouvelle-Zélande, le réseau de cabanes structure le fameux « tramping » (trekking) et rend la nature accessible au plus grand nombre, en évitant la surfréquentation de certains sites. Aux USA et au Canada, les abris « backcountry » perpétuent une tradition d’exploration et de découverte de territoires vastes et préservés.

Les défis actuels

L’essor du tourisme de plein air pose cependant de nouveaux défis :

  • Entretien et surfréquentation : certaines cabanes souffrent d’un manque de moyens, d’incivilités ou de surfréquentation durant la haute saison.
  • Respect de l’environnement : l’équilibre est fragile dans la nature. Les déchets, le surcoup de bois et l’utilisation inconsidérée des ressources peuvent avoir des conséquences durables.
  • Adaptation au changement climatique : dans les régions nordiques, la fonte du permafrost ou l’intensification des tempêtes nécessitent des aménagements spécifiques et une vigilance accrue.

Pour répondre à ces enjeux, de nombreux gestionnaires renforcent les messages de sensibilisation, misent sur l’autogestion et encouragent les usagers à s’impliquer dans la préservation de ces lieux.

Symboles d’un mode de vie tourné vers la nature, les cabanes « wilderness » incarnent un art du voyage où la simplicité prime sur le superflu. En offrant un toit modeste et accessible à tous, elles rappellent que l’aventure commence souvent par le respect : respect des lieux, des autres voyageurs et de la nature sauvage elle-même. Dormir dans une « wilderness hut », c’est renouer avec la solidarité : un esprit d’entraide, de liberté et de responsabilité qui fait le charme de ces abris perdus au bout du monde.

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