Hundertwasserhaus à Vienne : un manifeste de couleur et de nature

La Hundertwasserhaus porte la griffe indubitable de l’artiste Friedensreich Hundertwasser, dont le nom de naissance était Friedrich Stowasser. La façade colorée attire l’attention presque par magie. Tous ceux qui vivent dans ce bâtiment ont également le droit de décorer la façade autour des fenêtres entièrement à leur goût. Plus de 200 arbres et arbustes sur les balcons et terrasses de toit font de la Hundertwasserhaus une oasis de verdure au cœur de la ville. La Hundertwasserhaus peut seulement être vu de l’extérieur.

La Hundertwasserhaus est située dans le 3ème arrondissement de Vienne. Le bâtiment a été construit entre 1983 et 1985. Il a été réalisé architecturalement avec la collaboration de l’architecte Josef Krawina en tant que co-créateur et de l’architecte Peter Pelikan. Le résultat est connu dans le monde entier.

L’immeuble d’appartements est situé au 34-38 de la rue Kegelgasse et ne peut être vu que de l’extérieur. Dans ce quartier de Vienne, la rue Kegelgasse est une petite zone piétonne avec des bancs et une fontaine, idéale pour admirer le bâtiment à proximité et pour prendre quelques photographies.

Découvrez aussi la maison Hundertwasser en Allemagne.

Histoire de la Hundertwasserhaus

La bâtisse a été construite entre 1983 et 1985 sous la direction du maire Helmut Zilk. La première pierre a été posée le 16 août 1983 et le 17 février 1986, la maison était présentée aux habitants. Friedensreich Hundertwasser était sur le chantier tous les jours pendant un an. 70 000 personnes l’ont visité lors de la journée portes ouvertes. Depuis sa construction, elle a fait la presse internationale et a été visitée par des millions de personnes. Elle se compose d’une construction en brique. Les appartements ont divers plans au sol. Il y a des appartements d’un étage et de deux étages. De nombreux appartements ont des balcons ou des pergolas et des loggias en saillie. 900 tonnes de terre ont été utilisées pour le reboisement.

Plusieurs terrasses sont accessibles au public, d’autres sont exclusives aux appartements et certaines sont réservées à la végétation spontanée. Les zones d’herbe et de forêt représentent plus de 100% du plan au sol. Ce qui a été retiré de la nature par la construction du bâtiment a été restauré sur les toits.

Les mosaïques sur les murs, dans les escaliers et dans les couloirs ont été créées par les ouvriers avec les carreaux dans les cuisines et dans les salles de bains, qui ont été posées irrégulièrement pour éviter un système de grille. Avec cette maison Hundertwasser a prouvé qu’une architecture plus humaine en harmonie avec la nature est possible dans un temps de construction raisonnable, avec un budget financier d’un projet public, et dans les lois de construction actuelles sans aucun permis spécial.

La Hundertwasserhaus est déjà un objet architectural intéressant en soi. Pour la comprendre pleinement et offrir à vos lecteurs un contenu solide, il est utile de la replacer dans la pensée de son créateur, dans l’histoire du logement social viennois et dans le réseau de lieux voisins qui prolongent cette expérience.

façade de la Huntdertwarsserhaus

F. Hundertwasser : une philosophie mise en façade

Friedensreich Hundertwasser (1928-2000) n’était pas architecte, mais peintre, militant écologiste et théoricien d’une « architecture de la joie » qui réhabilite la couleur, la courbe et le vivant. Il développe l’idée des « cinq peaux » (la peau du corps, les vêtements, la maison, l’environnement social, la planète) et défend le droit de chacun à intervenir sur son espace habité, en particulier sur les fenêtres.

Dans ses manifestes architecturaux, il fustige la ligne droite industrielle, les façades standardisées et l’aliénation produite par le logement moderne. La Hundertwasserhaus est une démonstration grandeur nature de ces principes : rendre visible la singularité des habitants, réintroduire la nature dans la ville, montrer qu’un immeuble public peut être autre chose qu’un bloc anonyme.

Une architecture contre la ligne droite

Vue de près, la Hundertwasserhaus ne se contente pas d’être « colorée » : elle déconstruit méthodiquement le vocabulaire moderniste classique. Les aplats irréguliers de couleurs primaires et de tons terre se juxtaposent comme des fragments de tableaux. Les bandes de carrelage, les colonnes en céramique, les encadrements libres autour des fenêtres créent une façade sans trame répétitive.

Les sols légèrement ondulés dans les parties communes répondent à la conviction de Friedensreich Hundertwasser qu’un sol vivant et irrégulier est plus humain qu’une surface parfaitement plane.

Sur le plan fonctionnel, le bâtiment est une opération municipale : environ 50 logements (selon la fiche officielle Hundertwasser, 50 appartements, un cabinet médical, un café et des places de stationnement) sont intégrés dans une structure en brique habillée par le vocabulaire artistique de l’auteur.

Les plans, variés, évitent la répétition : appartements d’un ou deux niveaux, balcons en encorbellement, pergolas, loggias. Ce jeu formel vise à rompre avec la monotonie des ensembles standardisés et à affirmer qu’un immeuble social peut être singulier sans perdre en fonctionnalité.

La nature comme copropriétaire

Hundertwasser revendique la présence de la nature comme un droit fondamental du citadin. La Hundertwasserhaus est pensée comme un « organisme » où arbres et arbustes deviennent de vrais habitants. Plus de 200 arbres et arbustes se déploient sur les balcons et les toitures, nourris par quelque 900 tonnes de terre installées sur 14 grandes et de nombreuses petites surfaces plantées.

Particularité souvent commentée : les « arbres-locataires », qui poussent littéralement dans les embrasures ou en façade, brouillent la frontière entre bâti et végétal. Hundertwasser insiste sur le fait que les surfaces de gazon et de forêt en toiture compensent, voire dépassent, l’emprise au sol de l’immeuble : ce qui a été soustrait à la nature au niveau du sol est symboliquement restitué en hauteur.

Dans le contexte des débats actuels sur les toitures végétalisées, la renaturation des villes et l’architecture durable, la Hundertwasserhaus apparaît comme un prototype de « bâtiment vert » expérimental, réalisé pourtant avec les normes de construction ordinaires d’une ville européenne dans les années 1980.

Huntdertwarsserhaus architecture

Vivre dans le bâtiment : un immeuble social expérimental

La Hundertwasserhaus n’est ni un décor de parc à thème ni un hôtel de luxe, mais une résidence de la Ville de Vienne. Les logements relèvent du parc de logements sociaux municipaux, avec des loyers réglementés. Hundertwasser tenait à ce que son architecture bénéficie à des habitants ordinaires, pas uniquement à un public fortuné ou touristique. Deux aspects renforcent ce caractère expérimental :

  • Le « droit à la fenêtre » : chaque locataire peut personnaliser la zone autour de ses fenêtres, dans certaines limites, pour affirmer sa présence individuelle dans la façade. Ce principe est explicitement mentionné comme partie intégrante de l’esprit des lieux.
  • L’accès restreint : l’intérieur n’est pas ouvert aux visites touristiques. Cette règle protège l’intimité des occupants et rappelle qu’il s’agit d’un immeuble habité, non d’un décor muséal.

Cette tension entre visibilité mondiale (un des bâtiments les plus photographiés de Vienne) et vie quotidienne d’habitants anonymes fait partie de l’intérêt architectural et urbain du projet.

Huntdertwarsserhaus couleurs sur la façade

Hundertwasser Village et Kunst Haus Wien

Si la Hundertwasserhaus ne se visite qu’en façade, l’univers de l’artiste se découvre pleinement dans deux lieux proches, qui complètent naturellement une visite sur le site :

Le Hundertwasser Village

Juste en face de la Hundertwasserhaus, l’artiste transforme en 1990-1991 un ancien atelier de pneus en « village » intérieur : sol ondulé, puits, café, boutiques, plafond arboré. Le lieu, librement accessible, reprend ses codes formels (couleurs, colonnes, absence de lignes droites) dans une version commerciale assumée. Il offre aux visiteurs une immersion dans son esthétique sans pénétrer dans la résidence.

Le Kunst Haus Wien – Museum Hundertwasser

À quelques minutes à pied, la Kunst Haus Wien, installée dans une ancienne usine Thonet réinventée par Hundertwasser, présente une exposition permanente sur son œuvre et des expositions temporaires tournées vers l’écologie, la photo et l’art contemporain. Le musée se définit comme un « Green Museum », engagé sur les questions environnementales, en cohérence avec la pensée de l’artiste.

Si vous êtes intéressé par l’architecture, c’est le seul bâtiment viennois signé Friedensreich Hundertwasser dont l’intérieur se visite largement et permet de comprendre le lien entre ses tableaux, ses manifestes et ses projets bâtis.

Visiter la Hundertwasserhaus avec respect

La Hundertwasserhaus se situe au 34-38 Kegelgasse, dans le 3e arrondissement de Vienne. On y accède facilement en tram ou en bus depuis le centre historique. Le meilleur point de vue pour faire des photos est la petite zone piétonne aménagée devant la façade, avec bancs et fontaine, qui permet d’observer les volumes, les arbres en façade et les détails de mosaïque, sans gêner les résidents.

L’intérieur des logements n’est pas ouvert au public. Évitez de photographier directement les habitants, de pénétrer dans les entrées ou les cours réservées, ou de traiter l’immeuble comme un simple décor Instagram. Pour une découverte plus immersive, nous vous recommandons fortement :

  • Une halte au Hundertwasser Village (accès libre) pour voir comment les codes formels de Friedensreich Hundertwasser sont transposés dans un espace semi-public.
  • La visite de la Kunst Haus Wien pour replacer la Hundertwasserhaus dans le parcours global de l’artiste. On y découvre aussi ses maquettes et ses projets écologiques.

Cette approche permet de concilier curiosité architecturale, respect des habitants et compréhension culturelle. Elle invite à voir le lieu comme une œuvre vivante et partagée.

balcon bleu Huntdertwarsserhaus

Symbole d’une écologie devenue carte postale ?

Depuis son inauguration, la Hundertwasserhaus divise autant qu’elle plait. Les uns y voient une utopie joyeuse : un manifeste concret en faveur de la biodiversité urbaine, de la réappropriation individuelle de l’habitat et d’une esthétique libérée des dogmes modernistes. D’autres la jugent comme un objet kitsch, spectaculaire, récupéré par l’industrie touristique. Cette ambivalence fait précisément sa force critique.

Pour œil sur l’architecture, il est intéressant de la lire comme :

  • un laboratoire précurseur des toitures végétalisées et des façades plantées, aujourd’hui largement promues par les politiques urbaines et les architectes engagés dans la transition écologique.
  • un contre-modèle aux grands ensembles standardisés, rappelant que le logement social peut être un terrain d’innovation poétique, pas juste un exercice de rationalisation budgétaire.
  • un cas d’école sur la collaboration complexe entre un artiste radical, des architectes (Josef Krawina, puis Peter Pelikan) et une municipalité soucieuse de son image, collaboration qui donnera lieu à des débats et à des procédures judiciaires autour de la paternité architecturale.

La Hundertwasserhaus incarne une vision rare de l’architecture : celle d’un lieu où chaque détail traduit le dialogue entre l’humain et la nature. Par sa forme libre, ses couleurs et sa végétation, elle affirme qu’un immeuble peut nourrir la créativité, le bien-être et le lien social sans renoncer à sa fonction. Friedensreich Hundertwasser y a semé une idée puissante : la ville gagne à être un organisme sensible, façonné par ses habitants autant que par ses bâtisseurs. Son héritage inspire encore d’aujourd’hui.

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