Imaginez un village où les habitations semblent naître de la terre elle-même, où chaque maison raconte une histoire de savoir-faire ancestral et d’adaptation à l’environnement. Les maisons en terre de Madagascar sont plus que des constructions; elles incarnent une philosophie de vie, en symbiose avec la nature. C’est dans cet esprit que nous souhaitons vous faire découvrir ces habitations si particulières, qui ont su traverser les siècles et les changements, tout en conservant leur âme authentique.
L’architecture en terre : simplicité et technique
À Madagascar, l’utilisation de la terre comme matériau de construction est une tradition ancrée dans la culture. Les maisons en terre sont omniprésentes dans les hautes terres, notamment dans la région des Hautes Terres Centrales, où le climat et les ressources locales ont façonné ce mode de construction. Contrairement aux structures modernes, ces maisons sont souvent érigées à la main, sans machines ni procédés complexes. La terre constitue la matière première de ces habitations.
La simplicité apparente de ces maisons ne doit pas cacher la complexité des techniques employées. Les briques en terre sont façonnées une à une, puis séchées au soleil pendant plusieurs jours avant d’être utilisées. Ce processus nécessite une maîtrise du temps et du climat. Une fois les briques prêtes, elles sont assemblées sans ciment, mais avec de la boue, pour former des murs épais et robustes.
Description de la maison en terre malgache
Jean Laborde a introduit à Antananarivo la technique de fabrication des briques en terre cuite en 1831. Les maisons traditionnelles que nous voyons aujourd’hui ont été bâties avec cette technique de construction. Pour former les murs, les briques en terre cuite sont assemblées avec un mortier de terre. Puis, ils sont enduits de terre latéritique (une roche rouge ou brune), d’où provient la couleur orange des maisons traditionnelles malgaches. Les toitures sont généralement en paille ou en tuile.
Au fil du temps, et surtout avec la colonisation de Madagascar par les Français, ces maisons en briques de terre (connues sous le nom de trano gasy) ont connu une évolution constante. La forme la plus simple de la maison en terre est d’un étage de haut, rectangulaire, et comporte un toit de chaume avec des auvents légèrement surplombants pour diriger la pluie loin de la fondation et empêcher ainsi son érosion.
Les familles plus riches remplacent le chaume par des tuiles en terre cuite et construisent une terrasse sur la face ouest du bâtiment, soutenue par quatre colonnes équidistantes. Cette conception est encore plus efficace pour protéger les fondations du bâtiment de l’érosion des effets des précipitations.
Dans les banlieues et les zones rurales, le rez-de-chaussée du trano gasy est souvent réservé comme enclos pour le bétail, tandis que la famille habite les étages supérieurs. L’entrée est orientée vers l’ouest; La cuisine est souvent au sud, tandis que la famille dort dans la partie nord. Cette configuration est cohérente avec celle observée dans les maisons traditionnelles en bois des Zafimaniry.
Une adaptation parfaite à l’environnement
L’une des grandes forces des maisons en terre malgaches réside dans leur intégration à l’environnement. La terre, un matériau naturellement isolant, permet de maintenir une température agréable à l’intérieur, même en période de chaleur intense. En hiver, ces mêmes murs gardent la chaleur à l’intérieur.
De plus, ces habitations sont très résistantes face aux aléas climatiques. Les murs épais absorbent les chocs et offrent une protection efficace contre le vent. Cependant, l’entretien des maisons en terre demande de la vigilance. Il faut réparer les fissures qui apparaissent, surtout après de fortes pluies.
Le savoir-faire traditionnel : un héritage familial
Dans les villages malgaches, la construction d’une maison en terre est souvent une affaire de famille. Les techniques de fabrication des briques et de construction des murs se transmettent de génération en génération. Les anciens jouent le rôle de guide pour les plus jeunes, tout en partageant leur expertise. Chaque maison devient ainsi le reflet d’un savoir-faire transmis et perfectionné au fil du temps.
Les dimensions et les formes des maisons varient, mais certaines caractéristiques se retrouvent fréquemment. Elles sont souvent rectangulaires, avec un toit à double pente en chaume ou en tuiles. Les fenêtres, peu nombreuses, sont petites pour limiter les pertes de chaleur. Une cheminée intérieure est généralement présente, pour chauffer, mais également pour cuire les aliments.
Construction d’une maison en terre crue
Il existe plusieurs techniques de construction. Parmi les plus connues, on retiendra le pisé et l’adobe. Le Pisé est un procédé de construction en terre crue qui consiste à étendre par couches successives entrecoupées de périodes de séchage une boue malaxée. Son but principal est de consolider l’ensemble des matériaux. Après séchage complet, les planchers sont ensuite posés et la charpente assemblée.
En ce qui concerne l’adobe, c’est également une des techniques de construction d’une maison en terre crue. Ce procédé consiste à fabriquer des briques en terre crue élaborées et moulées à partir de pâte d’argile (souvent mêlé de sable). Les briques sont cuites au four ou séchées au soleil. Elles sont ensuite utilisées comme matériaux de construction, généralement en forme d’un parallélépipède rectangle. Puis, ces briques sont assemblées entre elles à l’aide d’un mortier de terre.
Une architecture conviviale et familiale
Les maisons en terre malgaches sont au cœur de la vie sociale et familiale. Elles abritent plusieurs générations sous le même toit, favorisant les échanges et la transmission des valeurs. La cour, souvent située à l’avant de la maison, est un lieu de rassemblement. C’est là que les familles se réunissent pour partager des repas, discuter ou tout simplement profiter de la fraîcheur du soir.
De plus, la construction elle-même reflète cette dimension collective. Lorsqu’un membre du village souhaite bâtir une maison, il peut compter sur l’aide de ses voisins. C’est un moment de solidarité où chacun contribue, que ce soit en façonnant les briques ou en élevant les murs.
Les constructions mixtes de Madagascar
Du côté est de Madagascar, il n’y a quasiment aucune zone de transition entre les maisons en terre des Hautes Terres et les maisons en matériel végétal des régions côtières. Cependant, dans les vastes étendues peu peuplées entre les Hautes Terres et les zones côtières de l’ouest, les habitants utilisent les matériaux disponibles localement pour construire des habitations qui présentent des caractéristiques des deux régions. Le plus souvent, le trano gasy est petit (une pièce et sans étage ou un seul) et construit à partir d’un squelette de bâtons disposés horizontalement apposé sur le cadre de la maison en bois.
Mais à la différence des maisons côtières où ce squelette de bâton sert de base pour fixer des matériaux naturels pour former des murs, de la terre peut-être utilisée pour remplir le cadre. Le toit est couvert de chaume pour compléter l’habitation. Ces maisons intermédiaires sont aussi souvent distinguées par la présence de colonnes en bois de style Hautes Terres raccourcies sur la face ouest pour soutenir l’avant-toit allongé du toit en pente, tout comme ils soutiennent les terrasses des plus grandes maisons d’Imerina. Le sol est typiquement en terre et peut être recouvert de tapis tissés d’herbes ou de raphia.
Les défis contemporains et la préservation des traditions
Bien que les maisons en terre fassent partie intégrante du paysage malgache, elles sont aujourd’hui confrontées à plusieurs défis. L’urbanisation croissante et l’attrait pour les matériaux modernes comme le béton ou la tôle menacent cette architecture traditionnelle. Beaucoup de jeunes, attirés par la modernité, délaissent ces maisons en terre au profit de constructions plus “occidentalisées”.
Cependant, des initiatives locales et internationales cherchent à préserver ce patrimoine. De plus en plus de projets architecturaux mettent en avant la terre crue comme un matériau écologique, durable et adapté aux conditions locales. La prise de conscience autour de l’impact environnemental du moderne pousse à redécouvrir les techniques ancestrales, moins énergivores et respectueuses de la nature.
Vers une redécouverte de la terre crue
Aujourd’hui, les maisons en terre malgaches inspirent de nombreux architectes à travers le monde. Ces constructions sont en effet un modèle d’efficacité énergétique et de simplicité. En France, par exemple, certaines régions redécouvrent l’usage de la terre crue pour des projets de construction durable.
À Madagascar, ce retour à la terre est vu comme une manière de renouer avec les racines et de préserver une identité culturelle unique. Les villages qui maintiennent ces techniques traditionnelles deviennent des modèles à suivre pour allier modernité et respect de l’environnement.
Un regard sur l’avenir des maisons en terre
Les maisons en terre malgaches sont représentent une harmonie avec la nature, une solidarité villageoise et un savoir-faire ancestral. Elles sont aussi le symbole d’un mode de vie simple, centré sur l’essentiel. Il serait regrettable de voir disparaître ces constructions au profit d’une urbanisation galopante.
Cependant, les initiatives visant à redécouvrir et réhabiliter les techniques traditionnelles offrent une lueur d’espoir. En intégrant des éléments modernes tout en respectant les traditions, il est possible de donner une nouvelle vie à ces maisons en terre, tout en répondant aux exigences contemporaines.
Nous espérons que cet article vous aura permis de mieux comprendre la richesse et la beauté des maisons en terre malgaches. À travers elles, c’est tout un pan de la culture malgache qui se dévoile, avec ses valeurs de partage, de respect de l’environnement et de savoir-faire. Un patrimoine qui, nous l’espérons, continuera de rayonner pour de nombreuses générations.