Pelourinho à Salvador de Bahia : un quartier colonial coloré au Brésil

Perché sur les hauteurs de Salvador de Bahia, au nord-est du Brésil, Pelourinho attire les regards par ses façades vibrantes. Inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1985, ce quartier colonial concentre quelques-unes des plus belles maisons anciennes du pays. Mais derrière la carte postale se cache un héritage architectural complexe, façonné par les époques, les influences européennes et la créativité afro-brésilienne. Décryptage pour amateurs de belles bâtisses et passionnés de rénovation.

En tant que première capitale du Brésil, de 1549 à 1763, Salvador de Bahia a connu le mélange des cultures européennes, africaines et amérindiennes. C’était aussi, dès 1558, le premier marché des esclaves du Nouveau Monde, avec des esclaves arrivant pour travailler sur les plantations de sucre. La ville a réussi à préserver de nombreux bâtiments remarquables de la Renaissance. Une caractéristique particulière du quartier est les maisons aux couleurs vives, souvent décorées avec de beaux travaux de stuc.

Une identité forgée par l’histoire coloniale

Pelourinho (littéralement petit pilori, lieu où les esclaves étaient punis) tire son nom d’un poteau de supplice qui se dressait autrefois sur la place principale, rappelant l’esclavage qui a marqué l’histoire de Bahia. Fondé au XVIᵉ siècle, ce centre historique fut longtemps le cœur administratif et religieux de la ville, accueillant églises baroques, demeures de notables et bâtiments publics.

Avec l’essor du commerce sucrier, les riches familles portugaises rivalisaient d’ornementations : balcons ouvragés, encadrements en pierre de taille, corniches sculptées. Malgré les années de déclin et de négligence, la structure urbaine a survécu, offrant aujourd’hui un témoignage précieux de l’architecture coloniale portugaise sous climat tropical. A côté de certains bâtiments majeurs des 17ème et 18ème siècles, comme la cathédrale, les couvents de São Francisco, São Domingos, Carmo ou Santo Antonio, le Pelourinho conserve de nombreux palais du 16ème siècle et de l’époque baroque. Les rues pavées sont caractéristiques de la ville coloniale, et sont bordées de maisons aux couleurs vives. Le « Pelô », comme on l’appelle, est un quartier très populaire et animé et le centre de la vie nocturne à Salvador.

Des façades polychromes devenues emblème

Si les maisons de Pelourinho plaisent tant, c’est grâce à leurs couleurs chatoyantes : bleu azur, rose pastel, jaune safran ou vert menthe ; chaque façade s’affirme, créant un patchwork joyeux au détour des ruelles étroites. Cette palette n’est pas qu’un caprice esthétique : historiquement, la peinture à la chaux colorée permettait de protéger les murs en pierre ou en pisé contre l’humidité et la chaleur.

Aujourd’hui, la mise en couleur est strictement encadrée lors des restaurations : les nuances doivent respecter la tradition tout en s’adaptant aux besoins contemporains. Ainsi, refaire une façade dans le quartier de Pelourinho exige de choisir des teintes conformes aux recommandations patrimoniales, tout en employant des peintures résistantes au climat tropical, à la fois salin et humide.

façades colorées à Pelourinho

Caractéristiques architecturales typiques

Au-delà de leurs teintes, ces demeures coloniales présentent des détails caractéristiques :

  • Toiture en tuiles canal : typiquement ibérique, elle favorise l’évacuation rapide des pluies.
  • Fenêtres à battants et persiennes : indispensables pour ventiler les pièces et limiter la surchauffe.
  • Balcons en fer forgé ou en bois : un savoir-faire encore perpétué par certains ferronniers.
  • Patio intérieur : souvent discret depuis la rue, il apporte fraîcheur et intimité.

L’intérieur se distingue par des pièces en enfilade, des sols carrelés en damier et parfois des fresques ou plafonds peints, héritage baroque métissé d’influences africaines.

Où admirer ces maisons ?

Pour apprécier tout le caractère des maisons de Pelourinho, rien de mieux qu’une promenade à pied depuis le Largo do Pelourinho jusqu’à la Praça da Sé. Parmi les rues incontournables :

  • Rua Alfredo de Brito : un alignement spectaculaire de façades pastel.
  • Largo do Cruzeiro de São Francisco : face à l’église São Francisco, une perspective sur les plus beaux balcons de fer forgé. Des musiciens animent souvent la place.
  • Rua das Laranjeiras : moins fréquentée, elle dévoile des exemples de restaurations plus discrètes.

Des visites guidées sont organisées par des associations locales pour comprendre les enjeux de conservation et rencontrer des artisans spécialisés.

Un modèle inspirant pour la rénovation urbaine

Le renouveau de Pelourinho, amorcé dans les années 1990, a permis de sauver plus de 800 bâtiments. Ce projet de réhabilitation a transformé un quartier en déshérence en pôle culturel et touristique. Il prouve qu’allier préservation architecturale et dynamisme économique est possible.

Pour tout passionné de rénovation, Pelourinho reste un exemple : restaurer avec soin, valoriser la couleur, transmettre des techniques ancestrales et offrir aux habitants un cadre de vie attrayant. Une démarche dont bien des centres historiques, au Brésil comme ailleurs, pourraient s’inspirer.

Pelourinho n’est pas qu’un décor de carte postale : c’est un quartier vivant, où chaque maison colorée rappelle une époque, un style et un art de bâtir adapté aux tropiques. Entre contraintes patrimoniales et créativité locale, la conservation de ces trésors architecturaux prouve qu’une maison, lorsqu’elle est respectée, peut continuer à raconter son histoire pour des siècles encore.

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