Yaodongs : les maisons troglodytes du plateau de Loess, en Chine

Dans les plaines du nord de la Chine, une forme d’habitat unique perdure depuis des siècles : les Yaodongs. Ces maisons troglodytiques, creusées dans le sol ou dans la roche, abritent encore aujourd’hui des millions de personnes, principalement dans les provinces du Shaanxi, du Shanxi, du Henan et du Gansu. On estime que plus de 40 millions de Chinois vivent ou ont vécu dans ce type d’habitation. Un habitat ancien, mais ingénieux, qui répond aux contraintes climatiques et géologiques de la région.

Un terrain idéal : le plateau de loess

Les Yaodongs se développent surtout sur le plateau de loess, une vaste région de collines et de vallées recouvertes d’un sol très particulier. Le loess est une terre jaune, fine et compacte, facile à creuser et assez stable pour soutenir des structures creusées dans la masse. Grâce à ses propriétés naturelles, les habitants peuvent y creuser des pièces spacieuses sans charpente en bois ou renfort métallique.

Ce sol a favorisé le développement de plusieurs formes de Yaodongs, toutes pensées pour maximiser le confort thermique dans un climat continental marqué par des hivers rigoureux et des étés très chauds.

façade yaodong chinois

Trois types de Yaodongs selon le relief

L’ingéniosité des Yaodongs est leur incroyable capacité d’adaptation au terrain. Contrairement à une architecture standardisée, les Yaodongs naissent toujours d’un dialogue entre l’homme et son environnement. En fonction de la nature du sol, de la présence de collines ou de l’absence totale de relief, ces habitations prennent des formes très différentes, mais conservent un objectif commun : offrir un confort thermique optimal tout en utilisant un minimum de matériaux rapportés.

Loin d’être une solution unique, ce mode de construction s’est décliné en trois grands types, chacun répondant à une configuration géographique précise. Dans les vallées encaissées, on creuse dans la paroi. Sur les plaines dégagées, on creuse vers le bas. Et quand la nature du terrain ne permet ni l’un ni l’autre, on construit, puis on recouvre. Chaque version est une autre façon d’habiter la terre, au sens propre.

Cette diversité architecturale témoigne de l’adaptabilité technique des bâtisseurs chinois, mais aussi d’une compréhension fine des contraintes climatiques locales. Été caniculaire, hiver glacial, vents chargés de poussière : les Yaodongs absorbent les défis du climat sans recours aux technologies modernes.

1. Les Yaodongs en falaise

C’est la forme la plus emblématique et la plus connue de la région. Ces maisons troglodites chinoises sont creusées directement dans une paroi abrupte ou le flanc d’une colline. Ce type de Yaodong s’intègre très bien au relief, avec une façade souvent maçonnée en briques ou en pierres. L’entrée principale est généralement orientée plein sud pour capter au maximum la lumière et la chaleur du soleil.

À l’intérieur, les pièces sont alignées en enfilade. Certaines maisons de ce type peuvent comporter plusieurs niveaux superposés, reliés par des escaliers taillés dans la roche.

2. Les cours souterraines (ou Yaodongs en cour creusée)

Quand aucun relief n’est disponible, les habitants creusent une cour rectangulaire, jusqu’à 10 mètres de profondeur. Les pièces sont ensuite aménagées tout autour, avec des entrées donnant sur la cour. Ce procédé n’est pas propre à la Chine. On le retrouve à Matmata, en Tunisie, et à Gharyan en Libye, où les habitants creusent une grande cour dans le sol, puis aménagent les pièces tout autour.

Mais revenons à nos yaodongs. Ces habitations reprennent l’organisation traditionnelle chinoise, avec une hiérarchie des espaces : les chambres au sud, les pièces secondaires à l’est et à l’ouest, les toilettes au nord, et un autel ancestral dans la pièce principale. Cette forme en creux offre une excellente protection contre le vent, le bruit et les variations de température. Voici les avantages des cours creusées :

  • Température constante (autour de 13-15° en hiver comme en été)
  • Protection contre les tempêtes de poussière
  • Intimité maximale
  • Recyclage de la terre creusée pour les murs ou cultures potagères
maison troglodyte en cours creusée

3. Les Yaodongs construits puis recouverts

Dans les zones où le loess est moins dense, ou dans les régions moins escarpées, les Yaodongs peuvent être construits en surface. Leur structure est d’abord édifiée avec des briques ou des pierres, puis entièrement recouverte de terre battue. Le toit devient alors une surface plane. Ce type d’habitation troglodyte dans le nord de la Chine combine les avantages thermiques des maisons dans les grottes avec la rapidité de la construction en surface. On voit ces modèles de yaodong souvent en lisière de village.

Une performance thermique remarquable

Les Yaodongs fonctionnent comme des maisons bioclimatiques. Leur structure enterrée ou semi-enterrée assure une régulation naturelle de la température, été comme hiver. En hiver, la chaleur intérieure est conservée ; en été, la fraîcheur du sol protège également contre la canicule.

À cela s’ajoute un système de chauffage ancestral appelé kang : un lit chauffant en briques creuses, connecté à un foyer de cuisine. La fumée chaude circule sous le lit avant d’être évacuée, diffusant une chaleur douce toute la nuit. Ce dispositif permet de chauffer la pièce sans gaspiller le combustible utilisé pour la cuisson. Il offre aussi un confort nocturne très apprécié dans les hivers rigoureux.

Un mode de vie rural en voie de disparition

Si les Yaodongs ont longtemps représenté une solution pratique et économique, ils sont aujourd’hui délaissés par les jeunes générations. La migration vers les villes, la standardisation des logements et le prestige associé aux appartements modernes ont largement éclipsé ce patrimoine rural.

Les Yaodongs sont parfois perçus comme vieillots, peu confortables ou associés à une pauvreté rurale. Pourtant, ils continuent d’abriter des familles, notamment des personnes âgées, et suscitent un regain d’intérêt chez certains architectes pour leur faible empreinte écologique.

yaodong en cours creusée à Qucun

Vers une reconnaissance patrimoniale ?

Face au risque de disparition, plusieurs chercheurs et institutions plaident pour la préservation de ces architectures traditionnelles. Certains Yaodongs sont restaurés pour devenir des maisons d’hôtes ou des musées ruraux. Des architectes chinois contemporains expérimentent également des versions modernisées, avec isolation renforcée, panneaux solaires et matériaux recyclés.

En tant que témoins d’une architecture vernaculaire profondément liée à son environnement, les Yaodongs méritent d’être documentés, protégés et (pourquoi pas) réinventés.

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