Les maisons de Pomerode : un héritage allemand au cœur du Brésil

Vous aimez comprendre une ville par ses maisons. À Pomerode, au sud du Brésil, c’est facile. Les façades à colombages attirent l’œil, les toits en tuiles brunes rythment les vallons, et les jardins sont impeccables. Vous lisez un paysage construit par des familles venues d’Europe du Nord au XIXᵉ siècle, puis adapté au climat subtropical. Et vous voyez comment une technique importée est devenue locale.

Un héritage germanique devenu brésilien

Pomerode se situe dans l’État de Santa Catarina, dans la vallée dite “européenne”. Les colons y ont apporté une manière de bâtir que le Brésil appelle enxaimel : un vrai squelette de bois visible, avec des remplissages en brique. Le résultat frappe : une maison droite, soignée, à l’échelle du piéton, avec un soubassement de pierre, un rez-de-chaussée clair et un pignon franc.

Vous croiserez ce bâti partout autour du quartier rural de Testo Alto. La municipalité a balisé un itinéraire de visite, la Rota do Enxaimel. Elle concentre, sur environ 16 km, une cinquantaine de maisons et bâtiments agricoles à colombages, l’une des plus fortes densités hors d’Europe. Le voisinage des forêts d’araucarias, des ruisseaux et des prés renforce le caractère du lieu. Ce même périmètre a reçu une mise en avant internationale : Testo Alto figure dans la liste Best Tourism Villages 2021 de l’organisation mondiale du tourisme. C’est un signal que l’architecture et les usages ruraux sont valorisés et transmis.

Enxaimel : qu’est-ce que c’est ?

L’enxaimel c’est la structure porteuse. Des montants, des traverses et des jambes de force en bois s’assemblent par tenon-mortaise et chevillage. Les vides sont comblés par des briques posées à la chaux. Dans la région, les bâtisseurs ont souvent surélevé le cadre en bois sur des piliers de pierre pour éloigner l’humidité du sol. Ce choix protège les pieds de poteaux et ventile le dessous de plancher.

Le dessin des façades suit la logique du squelette : trames régulières, diagonales visibles aux points sensibles, sablières bien marquées. Le bois reste apparent et foncé, les pans de brique ou d’enduit sont clairs. C’est lisible pour tout le monde : vous voyez où passe la charge.

façade maison pomerode

Le plan type : simple, net, habité

Dans sa version rurale, la maison de Pomerode est un rectangle profond sous un grand toit à deux pentes. L’entrée donne généralement sur une pièce polyvalente : on y mange, on y reçoit, on y travaille l’hiver. Les chambres s’alignent de part et d’autre ou s’ouvrent au fond. La cuisine occupe un volume à part quand on craint encore le feu ; ailleurs elle s’intègre au corps principal, avec une arrière-cuisine donnant sur le jardin. Sous le toit, un comble sert au stockage pour les outils, les semences et le linge.

Rien d’ostentatoire. Les moyens vont d’abord au gros œuvre et à la toiture. Les finitions viennent par étapes : volets, garde-corps, lambris, peinture, jardinières. Vous verrez souvent une chronologie lisible : la maison naît compacte, puis un auvent, une galerie ou une annexe s’ajoute dès que la famille peut.

Toitures et pluies : un langage du climat

Le climat de Pomerode est humide, avec des pluies marquées l’été. Le toit répond à ce contexte : pente prononcée, tuiles en céramique, débord raisonnable pour protéger les murs et les menuiseries. Les gouttières et les descentes sont soignées. La logique est simple : capter, conduire, éloigner.

Le pignon est une signature des maisons de Pomerade. Il offre un grand pan aux vents dominants et permet d’ouvrir une petite fenêtre haute pour ventiler les combles. Certaines maisons ajoutent un auvent bas côté jardin : on y casse le soleil d’après-midi, on s’y repose quand l’air devient lourd.

maison de pomerode

Façades : rigueur et petits plaisirs

Le colombage impose une trame. Mais les habitants s’amusent avec ce cadre. Couleurs de volets : vert, bleu, brun rouge. Boîtes à fleurs sous les fenêtres. Frises peintes ou découpées sur les pannes de rive. Et parfois une galerie fine, avec un garde-corps perforé. Vous repérez aussi des inscriptions discrètes : date de construction, initiales, motif floral. C’est modeste, mais cela donne une signature.

Les ouvertures suivent des proportions constantes : allège assez haute, menuiseries à battants, carreaux étroits. Les volets pleins ou persiennés font double usage : protection et gestion de l’air. Et, oui, vous croiserez des huisseries d’aluminium sur des maisons anciennes ; les propriétaires composent entre le confort et le respect des règles quand un bien est inventorié.

Matériaux : du local bien choisi

Le bois du cadre provient d’essences locales : denses et stables, capables de travailler sans se fendre. Les briques sont moulées puis cuites en petite série, ce qui explique les nuances d’ocre et de rose ; elles laissent parfois un appareillage apparent, parfois reçoivent un enduit à la chaux. Le soubassement associe blocs de pierre et mortier maigre. Les sols du rez-de-chaussée varient : plancher épais sur lambourdes, brique posée à plat dans les pièces de service, carreaux plus tardifs dans les parties rénovées.

rue de pomerode

Adapter un modèle européen au sud du Brésil

Tout n’a pas été recopié. Les pionniers ont ajusté. Les galeries et auvents sont plus présents qu’en Europe du Nord : c’est logique sous les pluies d’orage. La ventilation croisée compte plus, avec des fenêtres en vis-à-vis et des persiennes. Les murs reçoivent des mises en peinture minérales que l’on ravive selon les saisons. Dans les zones basses, on préfère un porão (un vide sanitaire) bien aéré qui évite la remontée d’humidité. L’orientation du pignon et des pièces de jour tient compte du soleil et des vents locaux.

Ferme, maison, atelier : un même monde

Dans la campagne de Pomerode, la maison n’est pas seule. Elle s’accompagne d’un galpão (bâtiment de travail), d’un petit fumoir, d’un four à pain, parfois d’un séchoir et d’un abri pour la charrette. L’ensemble se place au plus près de l’eau et des pentes douces. Le langage architectural reste cohérent : colombages sur le logement, bois plein sur les volumes de service, tuiles partout.

En ville, le principe se décline autrement. Le rez-de-chaussée s’ouvre sur la rue pour une activité : commerce, atelier, bureau. La façade garde sa trame, mais les vitrines et les portes s’agrandissent. Et l’on ajoute souvent un pignon tourné vers l’angle pour capter le flux des passants.

La Rota do Enxaimel : une mise en valeur très concrète

La Rota do Enxaimel n’est pas une idée abstraite. C’est un vallon habité, avec environ 50 maisons à colombages, des vergers, des élevages et des ateliers familiaux. L’itinéraire se parcourt en voiture, à vélo ou à pied. Les familles y accueillent les visiteurs dans des cafés, des petites boutiques et des pousadas installées dans des bâtiments restaurés. Le périmètre a été reconnu et récompensé à plusieurs reprises pour ses pratiques de préservation et son dynamisme local.

L’inscription dans le réseau Best Tourism Villages a joué un rôle de levier : elle attire un public curieux et encourage les jeunes à garder les métiers du lieu, de l’agriculture à la menuiserie. Vous entendrez parfois le pomerano, dialecte d’origine, dans une ferme ou à la sortie d’une église. Et au printemps, les Osterbäume (arbres de Pâques) décorés d’œufs peints apparaissent dans quelques jardins. Ce ne sont pas des attractions plaquées : ce sont des gestes de famille, transmis.

Combien de maisons ? Ce que disent les recensements

Les chiffres varient selon les périmètres et les dates, mais l’ordre de grandeur reste parlant. À l’échelle de la ville, un recensement local a identifié plus de deux cents maisons à colombages. Sur la route patrimoniale de Testo Alto, l’inventaire retient une cinquantaine de constructions emblématiques. L’idée à retenir : l’ensemble forme l’une des plus fortes concentrations d’enxaimel hors d’Europe.

maison en briques de pomerode

Ce que vous pouvez observer sur place

  • Le soubassement : cherchez les assises de pierre qui surélèvent le bois. Elles racontent l’attention portée à l’humidité. Elles servent aussi à séparer la maison du sol pour la faire durer.
  • La trame : comptez le rythme poteau-traverse. Les diagonales se densifient près des ouvertures et des angles, là où les efforts se concentrent.
  • Les briques : observez les nuances d’argile. Certaines maisons ont l’appareillage visible, d’autres préfèrent un badigeon clair. Ces variations parlent de cuisson artisanale et matière locale.
  • Les menuiseries : notez les divisions fines, les volets, les petits loquets astucieux. Et regardez la profondeur des embrasures : elle aide à ombrer le vitrage.
  • Les eaux pluviales : méfiez-vous de leur discrétion. Quand la pluie tombe fort, ces descentes bien placées évitent des dégâts. Elles témoignent d’une expérience fine du climat.
  • Le jardin : potager, fleurs, fruitiers. Le bâti et l’usage vont ensemble.

Trois idées reçues à oublier

  1. “Le colombage, c’est seulement décoratif.” Faux. À Pomerode, le bois attire l’œil parce qu’il porte la maison. Les maçonneries comblent, isolent et protègent, mais elles ne tiennent pas la charge principale. Sans son ossature en bois, la maison ne tiendrait pas debout.
  2. “Ces maisons datent toutes du XVIIIᵉ.” Non. La grande vague de constructions locales correspond à l’installation des familles à la fin du XIXᵉ et au début du XXᵉ siècle. C’est visible dans les plans, les tuiles, les menuiseries et les dates inscrites en façade.
  3. “On ne peut rien changer.” On peut, et on le fait : consolider un poteau, ventiler un vide sanitaire, raviver un enduit à la chaux, poser une isolation $sous toiture. L’enjeu consiste à intervenir dans le sens de la structure plutôt que contre elle. Les orientations de l’IPHAN vont dans ce sens.

Ce que racontent ces maisons aujourd’hui

Pomerode n’affiche pas un décor figé. Les familles habitent, travaillent, accueillent. La Rota do Enxaimel relie ces points de vie, tout en transmettant une manière de construire adaptée au lieu. Vous pouvez venir pour la photo, repartir avec des idées, et surtout comprendre un peu mieux comment une technique de charpente voyage et s’ancre ailleurs. La ville et ses voisins ont su donner un cadre ; les habitants l’animent chaque jour. Et c’est bien cela qui compte : un patrimoine utilisé, compris, transmis.

1 réflexion au sujet de « Les maisons de Pomerode : un héritage allemand au cœur du Brésil »

  1. J’ai vu un reportage à la télévision et j’ai trouvé le reportage incroyable

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