Bakou est la plus grande ville du Caucase et la capitale de l’Azerbaïdjan. Située sur la côte occidentale de la mer Caspienne, à l’extrémité sud de la péninsule d’Absheron, la ville présente trois grands ensembles urbains : la vieille ville fortifiée (İçəri Şəhər), la ville soviétique planifiée et les quartiers modernes issus du boom pétrolier du XXIᵉ siècle. Parmi eux, İçəri Şəhər est le noyau le plus ancien et le plus fascinant.
Inscrite en 2000 au patrimoine mondial de l’UNESCO avec la Tour de la Vierge et le Palais des Chirvanchahs, la vieille ville forme un tissu habité dense de 221 000 m² où vivent encore plus de 1 300 familles. C’est un exemple rare de ville médiévale encore habité au cœur d’une capitale moderne. Vous pouvez découvrir les bâtiments modernes de la ville de Bakou dans l’architecture de Bakou.
Origines et évolution historique
L’origine exacte de la vieille ville est encore discutée. La Tour de la Vierge (Qız Qalası), emblème de Bakou en photographie ci-dessous, pourrait remonter au VIIᵉ siècle avant notre ère selon certaines hypothèses archéologiques. La plupart des chercheurs situent cependant le développement urbain structuré entre les XIIᵉ et XIVᵉ siècles, période durant laquelle la ville devint un port prospère sur la Route de la Soie.
En 1806, lors de l’annexion par l’Empire russe, la vieille ville comptait environ 500 foyers, 707 boutiques et 7 000 habitants (source : Archives impériales russes, 1812). Les murailles furent restaurées et renforcées, et deux portes principales régulaient l’accès : Salyan Kapısı au sud et Şamaxı Kapısı au nord.
Cette période marque aussi l’expansion au-delà des remparts et l’apparition des termes Ville Intérieure (İçəri Şəhər) et Ville Extérieure (Bayır Şəhər), encore utilisés aujourd’hui par les habitants de Bakou.
Morphologie urbaine et organisation traditionnelle
İçəri Şəhər illustre bien la structure urbaine des villes islamiques médiévales du monde caucasien :
- des ruelles étroites et sinueuses adaptées au climat chaud et venteux,
- un réseau hiérarchisé entre rues principales (küçə) et ruelles secondaires (dalans),
- des quartiers organisés autour de petites mosquées ou fontaines,
- un habitat dense tourné vers l’intérieur.
La ville suit également un modèle social communautaire avec des mahallas (quartiers traditionnels auto-organisés) où coexistaient mosquée, hammam, lieux d’artisanat et habitat.
Matériau identitaire : la pierre calcaire d’Absheron
Les maisons traditionnelles de la vieille ville de Bakou sont presque entièrement construites en pierre calcaire blonde extraite localement sur la péninsule d’Absheron. Ce matériau, abondant et facilement taillable, a façonné l’identité architecturale de la ville. Ses avantages techniques sont multiples :
- bonne inertie thermique (fraîcheur en été, chaleur conservée en hiver),
- résistance à l’humidité saline de la mer Caspienne,
- grande durabilité.
Cette pierre est également utilisée pour les décors ciselés appelés şəbəkə daş (motifs sculptés) visibles sur les linteaux et encadrements de portes. Elle résiste bien au temps et garde des détails nets.
Typologie des maisons traditionnelles
On distingue deux grandes catégories d’habitations traditionnelles à Bakou :
1. La maison à cour intérieure (evli həyət)
C’est le modèle le plus ancien, présent depuis le Moyen Âge. Il se compose :
- d’un mur d’enceinte discret sur rue,
- d’un portail massif en bois clouté,
- d’une cour centrale privative souvent ombragée par une vigne,
- de pièces distribuées autour de la cour,
- de terrasses en toiture pour la ventilation nocturne.
L’organisation répond aux règles culturelles de la région où la vie familiale est tournée vers la sphère privée. La façade extérieure reste volontairement sobre, parfois aveugle.
2. La maison urbaine à façade sur rue (XIXᵉ – début XXᵉ)
Influencée par le boom pétrolier de Bakou entre 1880 et 1910, une nouvelle forme architecturale apparaît avec les maisons en pierre à deux ou trois niveaux avec balcons suspendus en bois appelés şəbəkəli balkon. Ces éléments, décorés de moucharabiehs d’inspiration persane ou ottomane, permettent de ventiler les pièces et d’observer la rue sans être vu. Ils traduisent aussi un statut social plus élevé.
Décors et motifs symboliques
Les maisons de la vieille ville se distinguent aussi par leurs éléments décoratifs :
- Portes massives sculptées en noyer ou chêne,
- Fenêtres à treillis de bois ajouré (şəbəkə),
- Encadrements de pierre finement ciselés,
- Balcons en bois suspendus à consoles sculptées,
- Motifs géométriques et floraux hérités de l’art islamique.
Vie domestique et aménagement intérieur
Les pièces principales sont souvent organisées selon un schéma fonctionnel simple :
- Otaq : pièce centrale polyvalente,
- Təndir otağı : espace dédié à la cuisson,
- Sərdabə : cave ou espace semi-enterré servant de stockage rafraîchi,
- Eyvan : balcon ouvert pour les repas estivaux.
Les sols étaient traditionnellement couverts de tapis azerbaïdjanais produits dans les ateliers du Karabagh ou de Shirvan. Ces tapis servaient d’isolant thermique et d’élément décoratif. Leurs motifs géométriques variaient selon les régions et exprimaient souvent une identité familiale ou tribale.
Sauvegarde et restauration
Après l’effondrement de l’URSS en 1991, la vieille ville de Bakou a subi des dégradations, ce qui a conduit son inscription sur la liste du patrimoine en péril de l’UNESCO en 2003. Grâce à un plan de gestion architectural et urbain adopté en 2009, elle a été retirée de cette liste la même année (UNESCO, Rapport d’état de conservation 2010). Aujourd’hui, les défis sont multiples pour ces bâtisses :
- préserver l’authenticité architecturale,
- éviter la gentrification excessive,
- maintenir les habitants historiques,
- contrôler les restaurations abusives en béton ou PVC.