Les maisons traditionnelles de Ghadamès : un trésor saharien

Ghadamès, surnommée la « perle du désert », est une oasis historique située au sud-ouest de la Libye, dans le district de Nalut. Cette ville millénaire incarne une forme unique d’habitat adaptée aux contraintes du climat saharien et aux besoins socioculturels d’une société traditionnelle berbère. Son tissu urbain dense, ses passages ombragés, ses maisons verticales et son organisation sociale intégrée en font un joyau architectural inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1986.

Un exemple rare d’habitat pré-saharien

Occupée depuis l’Antiquité, Ghadamès était connue des Romains sous le nom de Cydamus. Si les bâtiments actuels ne datent pas de cette époque, la structure urbaine et les pratiques architecturales qui s’y sont développées témoignent d’une continuité d’adaptation aux conditions extrêmes du désert. La vieille ville, aujourd’hui préservée, est enserrée dans une enceinte informelle composée des murs extérieurs des maisons périphériques. Une forme compacte, protectrice et communautaire.

L’architecture de Ghadamès repose sur l’usage de matériaux locaux et écologiques : brique de terre crue, mortier de chaux, troncs de palmiers pour les planchers et les poutres. Cette construction en terre assure une régulation thermique naturelle, gardant les intérieurs frais en été et tempérés en hiver,.

ghadames vue du ciel

Une maison verticale, multifonctionnelle et genrée

Les maisons traditionnelles de Ghadamès sont organisées sur plusieurs niveaux, répondant chacun à une fonction spécifique, dans un agencement à la fois logique, intime et climatiquement efficace.

Le rez-de-chaussée : espace utilitaire

L’entrée donne sur un couloir étroit menant à une pièce servant de cellier où sont entreposées les provisions, les jarres d’eau, les outils agricoles et parfois des animaux. L’absence d’ouvertures extérieures renforce l’isolation thermique et la sécurité. Un espace clos qui reste frais et sûr, même en été.

Le premier étage : espace familial

Un escalier discret mène au premier étage, le cœur de la vie domestique. C’est ici que se trouvent les pièces à vivre, les chambres et parfois un salon de réception. Les espaces sont décorés de stucs blancs, de tapis et de motifs géométriques traditionnels. Les fenêtres y sont rares et petites, orientées vers les ruelles ombragées ou les cours intérieures, pour préserver l’intimité et limiter la chaleur.

Le toit : territoire féminin

Le dernier niveau, ouvert sur le ciel, forme une terrasse interconnectée avec celles des maisons voisines. Ces terrasses sont réservées aux femmes, qui peuvent ainsi circuler, converser, partager des tâches domestiques ou se retrouver à l’abri des regards masculins. Ce réseau de toitures constitue un espace public horizontal au sommet de la ville, un concept unique dans l’urbanisme saharien.

Une ville souterraine à ciel ouvert

L’un des aspects les plus intéressant de Ghadamès est son réseau de ruelles couvertes, appelées « passages souterrains » en raison de leur faible luminosité. Ces passages en arcade relient les différentes parties de la ville, tout en assurant une ventilation naturelle et une protection solaire. En été, la température dans ces ruelles peut être jusqu’à 15° inférieure à celle des zones non couvertes.

Ces zones sont aussi socialement genrées : les galeries basses sont le domaine des hommes, alors que les toits appartiennent aux femmes, illustrant une forme d’organisation sociale intégrée dans le bâti.

galerie à ghadames

Un urbanisme organique et défensif

La ville ancienne de Ghadamès a une forme approximativement circulaire, pensée pour limiter l’exposition au vent du désert et faciliter les déplacements piétons. Les maisons sont étroitement imbriquées, formant une enceinte urbaine continue qui protège la communauté des agressions extérieures et du climat aride.

Les portes d’accès à la médina sont peu nombreuses, certaines renforcées ou dotées de bastions, soulignant une dimension défensive historique, probablement héritée des périodes d’instabilité.

Un modèle d’architecture durable et contextuelle

En bien des aspects, l’habitat traditionnel de Ghadamès incarne des principes contemporains de l’architecture durable :

  • usage exclusif de matériaux biosourcés
  • adaptation fine au climat
  • gestion passive de la lumière et de la ventilation
  • densité urbaine réduisant l’emprise au sol
  • séparation des fonctions sociales dans l’espace

C’est un exemple inspirant pour les architectes en quête de solutions adaptées aux environnements extrêmes et aux enjeux écologiques actuels.

maison traditionnelle ghadames

Ghadamès aujourd’hui : entre mémoire et renouveau

La ville ancienne est aujourd’hui partiellement abandonnée au profit de constructions modernes plus étalées, souvent climatisées artificiellement. Pourtant, Ghadamès continue de fasciner les architectes, les anthropologues et les voyageurs, qui y voient un exemple abouti d’intelligence constructive.

Des projets de valorisation, soutenus par l’UNESCO et diverses ONG, visent à réhabiliter les maisons, relancer le tourisme culturel, et surtout transmettre les pratiques constructives traditionnelles aux nouvelles générations.

Les maisons traditionnelles de Ghadamès ne sont pas seulement des structures d’habitation. Ce sont des manifestations vivantes d’une culture, d’un mode de vie et d’une intelligence vernaculaire. Leur conception illustre comment l’homme peut bâtir en harmonie avec son environnement, sans le dominer ni le détruire. Un message précieux pour le futur de l’architecture dans les régions arides… et ailleurs.

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