Les maisons rurales en Iran sont des témoins de l’adaptation humaine aux conditions climatiques et géographiques variées du pays. Elles illustrent un savoir-faire transmis de génération en génération, associant fonctionnalité, esthétique et respect de l’environnement. Chaque région iranienne possède des styles architecturaux uniques, révélant la diversité culturelle et l’ingéniosité des populations rurales.
Origines et premières maisons rurales
Les premières formes d’habitations rurales en Iran étaient souvent des structures temporaires, adaptées au mode de vie nomade. Les tentes, appelées « yurts » ou « siah chadors » chez les tribus Bakhtiari et Qashqai, constituaient des abris facilement démontables et transportables. Fabriquées en laine de chèvre tissée, ces tentes étaient résistantes aux intempéries tout en permettant une bonne ventilation. Elles symbolisaient la flexibilité et la mobilité nécessaires pour suivre les troupeaux dans les pâturages.
Avec la sédentarisation progressive, ces abris ont laissé place à des structures plus permanentes. Les premières maisons en pisé et en briques crues ont été construites pour mieux résister au climat tout en conservant certains aspects des tentes, comme la forme circulaire ou l’organisation centrée autour d’un espace commun.
Adaptation au climat et à l’environnement
Les habitations rurales iraniennes tirent parti des ressources naturelles locales. Elles utilisent des matériaux comme l’argile, la pierre et le bois, en fonction des conditions climatiques. Dans les régions arides, l’argile est prédominante. Les briques de terre crue, appelées « khesht », assurent une bonne isolation thermique. Elles maintiennent l’intérieur frais pendant l’été et conservent la chaleur en hiver.
Dans les zones montagneuses, la pierre est privilégiée pour sa robustesse face aux intempéries. Au nord, où les forêts abondent, le bois est largement utilisé pour la structure et les finitions.
Conception et techniques de construction
Les techniques de construction varient selon les régions. Dans les déserts, les murs épais et les petites ouvertures réduisent l’exposition au soleil. Les toits plats servent de terrasse et de lieu de repos lors des nuits chaudes. Dans les régions humides, les maisons sont souvent surélevées sur pilotis pour éviter l’humidité du sol. Les toits en pente facilitent l’écoulement des eaux pluviales.
Certaines maisons rurales intègrent des systèmes de ventilation naturelle, tels que les badgirs (tours à vent). Ces structures, courantes dans les zones chaudes, permettent d’améliorer la circulation de l’air. Elles fonctionnent en captant les brises et en les dirigeant à l’intérieur pour rafraîchir les pièces.
Organisation des espaces intérieurs et extérieurs
Les maisons rurales iraniennes sont souvent organisées autour d’une cour centrale. Cet espace polyvalent sert de lieu de rassemblement familial, de jardin et de zone de travail. Les pièces principales, comme les salons et chambres, donnent sur cette cour. Cette disposition favorise la ventilation naturelle et la lumière. Les cuisines et zones de stockage sont généralement placées à l’arrière ou dans des annexes.
Dans certaines régions, les maisons possèdent des caves ou sous-sols appelés « sardabs », utilisés comme espaces frais pendant l’été. Ces caves offrent une protection contre la chaleur intense et conservent les aliments. Elles servent également d’abris lors des tempêtes de sable ou des fortes températures. Certains sardabs sont conçus avec des systèmes de ventilation naturelle pour améliorer le confort. Ils peuvent également accueillir des réserves d’eau potable et des provisions pour l’hiver.
Diversité régionale et caractéristiques distinctives
En Iran, chaque région présente des caractéristiques architecturales uniques.
1. Régions du nord le long de la mer Caspienne
Dans le nord de l’Iran, l’abondance de l’eau et des sols fertiles pour l’agriculture a entraîné une dispersion des villages. De plus, la superficie des parcelles résidentielles est relativement élevée et les environnements résidentiels sont entourés d’agrumes. Les autochtones de ces régions vivaient de l’agriculture, du jardinage, du travail dans les rizières et de la pêche. Il n’y a pas si longtemps, les maisons étaient construites en bois puis recouvertes de chaume d’argile et de paille. Les plafonds étaient recouverts de sufal (argile cuite), de cannes ou de tiges de riz. Les forêts denses au bord de la mer Caspienne et des montagnes fournissent le bois nécessaire à la construction des maisons. Les plafonds, les piliers et dans certains cas, les murs et les fondations des maisons étaient en bois.
2. Pentes des montagnes d’Alborz et de Zagros
Les pentes d’Alborz et de Zagros sont le siège de la plupart des villes et villages d’Iran. Les maisons sont pour la plupart des bâtiments possédant un étage et comprennent un salon pour recevoir les visiteurs qui bénéficie d’un meilleur état par rapport aux autres pièces et dispose d’une entrée séparée.
Le salon se trouve à l’étage avec plusieurs ouvertures pour fournir de la lumière et une bonne vue au visiteur. Dans ces maisons, le rez-de-chaussée est utilisé comme lieu de garde du bétail, d’écurie, d’entrepôt, de cuisine, et l’étage est conçu comme des espaces de vie comme le salon.
3. Centre de l’Iran
Le centre de l’Iran est un désert de sel aride, au caractère rude, avec des précipitations annuelles moyennes inférieures à 200 mm. La vie dans ces régions n’est possible qu’autour ou à proximité de qanats (aqueducs) et de sources. Les aqueducs sont des systèmes souterrains durables qui permettent de faire remonter les ressources en eau souterraines à la surface. Il s’agit du résultat d’une véritable innovation iranienne en matière d’irrigation, qui fait remonter lentement l’eau souterraine à la surface et qui fournit de l’eau depuis des milliers d’années. La pénurie d’eau dans cette région a fait des aqueducs un élément inestimable, de sorte qu’aucune goutte d’eau n’est gaspillée. La taille des villages et leur population dans cette région sont déterminées par la quantité d’eau disponible.
L’argile et l’argile séchée au soleil sont les matériaux de base de l’habitation dans les zones désertiques d’Iran. Les maisons ont été construites très proches les unes des autres dans un contexte dense. L’application d’argile résistante à la chaleur a permis de vivre pendant les étés chauds. Les maisons sont introverties et la cour est placée au centre (modèle de cour centrale) pour protéger la maison de la nature rude et des vents chauds, tout en offrant aux habitants un espace ouvert approprié.
Les pièces sont des unités séparées et ouvertes sur la cour. En parfaite harmonie avec les changements saisonniers et afin d’assurer aux habitants un confort à l’intérieur de la maison, certains mouvements sont nécessaires pour les membres de la famille des parties ensoleillées de la maison (adaptées à l’hiver) vers les parties au soleil et les parties ombragées (adaptées à l’été). Les membres de la famille montent, descendent et se déplacent vers les eyvans (porches) nord ou sud de la maison.
4. Golfe Persique et mer d’Oman dans le sud
Les villageois vivant aux marges du golfe Persique et de la mer d’Oman (sud de l’Iran) vivent de la pêche, de la culture de palmiers, du commerce et du transport de marchandises vers les pays du golfe Persique. Le climat chaud et humide et le manque d’eau potable ont donné lieu à un mode de vie particulier, assez différent des autres régions d’Iran. Afin de faciliter la circulation de l’air et de réduire l’humidité relativement élevée, les villages sont dispersés afin que les brises côtières puissent facilement circuler.
Cela a également affecté la conception de la maison ; les maisons sont construites de façon à ce que le vent puisse circuler facilement à l’intérieur. C’est pourquoi des fenêtres sont conçues des deux côtés de la maison pour laisser l’air circuler à l’intérieur afin d’assurer le confort des habitants. La plupart des maisons de cette région sont équipées de badgir pour profiter des brises venant de la mer.
Afin de réduire l’absorption de chaleur et d’améliorer la réflexion de la lumière du soleil, la couleur des habitations est généralement est vive. De plus, les maisons rurales iraniennes sont conçues de manière à ce que les murs ne soient pas directement exposés au soleil et fournissent de l’ombre.
Dans tous les cas évoqués ci-dessus, les unités résidentielles rurales, tout en étant simples et épurées, utilisent un style architectural adapté aux fonctions de subsistance et aux environnements naturels, et chaque région suit un modèle esthétique et visuel particulier qui la différencie des autres régions par son utilisation particulière des matériaux et ses connaissances vernaculaires en matière d’habitation.
Les maisons en adobe rouge d’Abyaneh
Le village de montagne d’Abyaneh, situé dans la province d’Ispahan, est célèbre pour ses maisons en adobe rouge. Ces habitations, construites en argile ferrugineuse, se fondent dans le paysage rocheux environnant. Les teintes rouges donnent au village un aspect distinctif et attrayant.
Les maisons d’Abyaneh sont organisées en terrasses, s’adaptant aux pentes abruptes de la montagne. Elles présentent des balcons en bois sculptés et des fenêtres ornées de motifs traditionnels. Cette disposition en gradins permet de maximiser l’exposition au soleil tout en assurant la ventilation.
Ce village, vieux de plus de mille ans, est un exemple vivant de l’architecture rurale persane. Les toits plats des maisons servent souvent de terrasses ou d’espaces de séchage pour les récoltes. Abyaneh attire de nombreux visiteurs, fascinés par son atmosphère historique et ses maisons pittoresques.
Symbolisme et fonctionnalité
Les maisons rurales iraniennes révèlent souvent des aspects culturels et symboliques. Les décors en stuc, les peintures murales et les motifs géométriques témoignent d’une richesse artistique. Les couleurs et motifs ont parfois des significations religieuses ou spirituelles. Les portes ornées et les niches intérieures ajoutent une dimension esthétique tout en servant des fonctions pratiques.
Modernisation et préservation du patrimoine
L’urbanisation et la modernisation ont entraîné des changements dans l’architecture rurale en Iran. Beaucoup de maisons traditionnelles iraniennes sont abandonnées ou remplacées par des structures modernes. Cette transformation menace le patrimoine culturel et architectural.
Des projets de restauration ont vu le jour. Certains villages ont été réhabilités pour promouvoir le tourisme. Ces initiatives encouragent la rénovation des bâtiments anciens en respectant leur conception originale. Des artisans locaux y participent, transmettant des techniques traditionnelles. Ces efforts visent également à créer des opportunités économiques pour les communautés rurales.
Source : http://article.sapub.org/10.5923.j.arch.20120201.01.html