En Gambie, plus de 80 % de la population vit encore dans des villages ruraux. Si une partie de la jeunesse quitte ces zones pour rejoindre la capitale et vivre dans une maison moderne de Banjul en quête d’éducation ou de travail, la majorité est attachée aux structures communautaires traditionnelles. Cette organisation influence autant la vie sociale que la forme de l’habitat.
Organisation du village et rôle des autorités
Chaque village est dirigé par un chef appelé Alkalo, généralement le plus âgé des hommes issus de la famille fondatrice. Il est assisté d’un proche parent chargé de l’appuyer dans la gestion quotidienne. Ses responsabilités incluent la perception des impôts, la liaison avec les instances administratives, l’attribution des terres et la résolution des conflits locaux.
La société villageoise est structurée par les Kabillo, c’est-à-dire les clans de lignée. Le chef de clan, aussi appelé Kabillo, est lui aussi le plus ancien des hommes de sa lignée. Les Kabillo travaillent en lien étroit avec l’Alkalo et l’Imam de la mosquée locale. Ensemble, ils forment le Conseil des Anciens, organe décisionnel qui gère les affaires du village, qu’elles soient sociales, religieuses ou foncières.
L’un des espaces majeurs de la vie communautaire est le Bantaba. Cet espace central, ombragé et aménagé avec des bancs ou des sièges rudimentaires, est le lieu où les hommes se réunissent pour débattre des travaux collectifs et prendre des décisions. C’est également un endroit de transmission orale où l’on raconte aux enfants les récits liés à l’histoire et aux valeurs du village.

Structure générale de l’habitat rural
Les maisons rurales gambiennes sont généralement construites avec des matériaux locaux, disponibles en abondance et adaptés au climat chaud et humide du pays. L’argile, la latérite, les branchages et le chaume constituent la base de ces constructions. Le choix des matériaux et des formes vise à maintenir une température intérieure modérée et à résister aux intempéries. Deux formes principales d’habitation coexistent : la hutte ronde traditionnelle et la maison rectangulaire plus récente.
1. La hutte ronde traditionnelle
La hutte circulaire, fréquente dans les villages de Gambie, repose sur un soubassement en pierres ou en terre battue. La structure verticale est formée de poteaux en bois dur, ancrés dans le sol, reliés par des perches horizontales. Les parois sont comblées par un mélange de boue, d’argile et parfois de paille hachée qui, une fois séché, forme un mur dense et résistant.
Le toit conique est recouvert de chaume, issu de tiges de mil ou d’herbes hautes, fixé sur une charpente en bois. Cette couverture offre une excellente protection contre les pluies tout en permettant une ventilation naturelle par la partie supérieure. Un léger débord du toit protège les murs des ruissellements. La porte, basse et étroite, limite les pertes de fraîcheur et renforce la stabilité structurelle.
À l’intérieur, l’espace est généralement unique, parfois subdivisé par des cloisons légères en nattes tressées. Le sol est en terre battue, souvent lissé et durci à l’aide d’un mélange d’argile et de bouse de vache pour améliorer sa résistance. Cette surface est balayée chaque jour pour rester compacte.


2. La maison rectangulaire
À côté des huttes rondes, on trouve des maisons rectangulaires inspirées de modèles plus récents ou influencées par les constructions urbaines. Elles utilisent parfois des briques de terre crue moulées et séchées au soleil, ou des briques de ciment dans les zones mieux approvisionnées. Le toit peut être en tôle ondulée, ce qui réduit l’entretien mais accentue la chaleur intérieure. Pour contrer cet inconvénient, certaines maisons disposent de faux plafonds en bois ou en panneaux légers.
Ces habitations rurales de Gambie comportent souvent plusieurs pièces, contrairement à la hutte ronde, avec une répartition fonctionnelle : un espace de repos, une pièce réservée au stockage, et parfois un petit vestibule ou une véranda ouverte. Le sol peut être recouvert de terre lissée ou de béton brut.

Organisation spatiale dans le village
L’agencement des maisons dans un village rural gambien n’est pas aléatoire. La plupart des villages en Gambie sont composés de plusieurs enceintes d’un même clan. Une enceinte est habituellement composée d’une famille élargie dans plusieurs maisons autour d’une cour. Cette cour est un espace multifonction : préparation des repas, séchage des récoltes, travaux artisanaux, discussions.
Les bâtiments annexes sont fréquents : petits greniers surélevés pour stocker le mil, cuisines séparées pour limiter les risques d’incendie et réduire la chaleur à l’intérieur des habitations, enclos pour le bétail.


Techniques et entretien
La construction traditionnelle repose sur un savoir-faire transmis oralement. Les charpentiers et maçons du village maîtrisent les proportions, les techniques d’assemblage des perches et la préparation des enduits. Les réparations sont régulières, surtout après la saison des pluies. Le chaume est remplacé tous les deux à cinq ans, en fonction de la qualité des herbes et de l’exposition aux vents. Les murs en terre peuvent être réenduits chaque année pour combler les fissures et maintenir l’étanchéité.

Fonctions sociales et symboliques de l’habitat
L’habitat n’est pas qu’une réponse aux besoins matériels. Sa forme, sa disposition et ses matériaux reflètent l’appartenance à un clan et l’intégration dans une communauté.
Les huttes d’un même foyer peuvent être disposées en cercle, signe de cohésion familiale. Les couleurs appliquées sur les façades, quand elles existent, proviennent de pigments naturels et peuvent avoir une valeur esthétique ou marquer un événement particulier, comme une cérémonie.
Le Bantaba, en plus de son rôle politique, est un marqueur d’identité collective, tout comme la mosquée du village. L’ensemble bâti exprime ainsi un équilibre entre vie privée et vie communautaire.


Évolutions récentes
La construction en ciment et en tôle progresse dans les zones où les revenus le permettent, souvent grâce aux transferts d’argent envoyés par des proches vivant en ville ou à l’étranger. Ces matériaux réduisent l’entretien mais modifient les conditions thermiques et acoustiques des maisons. Cependant, dans de nombreux villages, la hutte traditionnelle reste privilégiée pour son confort climatique, son faible coût et la disponibilité des matériaux. Elle est aussi plus rapide à construire avec les ressources locales.
Les programmes d’aide et certaines ONG proposent des formations pour améliorer la résistance des toits, l’assainissement ou la ventilation, tout en respectant les formes traditionnelles. Cela permet de préserver le savoir-faire vernaculaire tout en répondant à des besoins contemporains.








