Les maisons rurales en bois de Cuba : analyse architecturale et diversité

À Cuba, loin de l’agitation de La Havane ou de Santiago, s’étendent de vastes zones rurales où subsiste un patrimoine architectural unique : la maison rurale en bois, ou « bohío ». Malgré l’évolution des matériaux et des modes de vie, le bois demeure, dans de nombreux villages isolés, la matière première de référence. Il façonne non seulement l’aspect des habitations mais reflète aussi une adaptation séculaire au climat tropical, aux ressources locales et à la vie quotidienne des familles cubaines.

Utilisation du bois dans les campagnes cubaines

L’architecture rurale cubaine privilégie historiquement les matériaux issus de l’environnement immédiat. Dans les campagnes, le bois provient des forêts secondaires, des palmiers royaux (Roystonea regia) et de diverses essences locales : cèdre (Cedrela odorata), acajou, goyavier, ou encore pin. Les techniques de coupe et d’assemblage sont le fruit d’un savoir-faire artisanal transmis au fil des générations. La pénurie de bois dans les zones urbaines contraste avec l’abondance relative de cette ressource dans certaines régions rurales, où elle demeure la solution la plus accessible pour la construction d’habitats familiaux.

Les maisons sont construites selon un mode ossature bois, composé de poteaux, de poutres et de lattes, recouverts de planches disposées horizontalement. Ce système autorise une grande souplesse : agrandissements latéraux, ajouts de porches ou d’annexes, adaptation de la toiture. La structure repose souvent sur de simples plots de pierre ou sur un soubassement bas, ce qui protège le bois de l’humidité du sol. Cette surélévation, même modeste, limite les infiltrations lors des fortes pluies.

entrée d'une maison en bois à Cuba

Toitures et évolutions des matériaux de couverture

L’un des éléments distinctifs de ces maisons est leur toiture. Traditionnellement, elle est réalisée en feuilles de palmier royal entrelacées, puis fixées sur une charpente en bois. Cette technique garantit une bonne étanchéité et une ventilation naturelle : l’air circule sous le chaume, limitant la surchauffe à l’intérieur. L’épaisseur du chaume peut dépasser 30 cm, contribuant à l’isolation thermique de l’habitation.

À partir du XXe siècle, la diffusion de la tôle ondulée (zinc ou acier galvanisé) bouleverse l’aspect des maisons rurales. Ce matériau, plus durable mais moins isolant, remplace souvent le chaume, notamment dans les régions où la maintenance des toitures végétales devient difficile ou coûteuse. Les solutions hybrides (mélange de chaume sur certaines pentes et tôle sur d’autres) témoignent d’une adaptation progressive, imposée par la disponibilité des matériaux et les aléas climatiques.

Morphologie et organisation spatiale

La grande majorité des maisons rurales en bois présentent un plan rectangulaire simple, parfois légèrement trapézoïdal pour s’ajuster au terrain. Elles s’organisent sur un seul niveau, la mezzanine étant très rare. L’habitation principale regroupe une ou deux pièces de vie (souvent polyvalentes), flanquées d’une ou plusieurs chambres, parfois séparées par des cloisons légères en planches.

L’ajout d’un porche ou d’une galerie couverte est une caractéristique courante : ces espaces ombragés protègent l’entrée, servent de lieu de travail ou de repos, et favorisent la ventilation. Les annexes (cuisine, remise, latrines, poulailler) sont érigées à proximité immédiate, souvent avec les mêmes matériaux.

maison en bois à Cuba

Ouvertures, ventilation et adaptation au climat

Les ouvertures sont généralement de petite taille pour limiter l’exposition à la chaleur et aux pluies torrentielles parfois présentes dans la région. Les fenêtres, munies de volets à persiennes ou de simples battants, permettent de moduler l’apport d’air selon la saison. Ce système, simple et ingénieux, garantit l’aération et la protection contre les intempéries ou les intrusions animales.

L’élévation du plancher, parfois de quelques dizaines de centimètres, favorise la circulation de l’air sous l’habitation et limite également l’accumulation d’humidité. Cette solution technique s’avère déterminante dans les régions exposées aux fortes précipitations et à la chaleur constante.

maison en bois et toit de chaume à Cuba

Palette de couleurs et entretien des façades

La finition des maisons rurales varie en fonction des ressources disponibles et des usages locaux. Dans certaines régions, les planches sont laissées brutes ; ailleurs, elles sont blanchies à la chaux ou badigeonnées avec des pigments naturels. Le badigeon joue un rôle de protection contre les insectes xylophages et améliore la réflexion solaire, contribuant à limiter la surchauffe.

L’ajout de couleurs vives (bleu, vert, turquoise, ocre) confère aux villages une identité visuelle forte. Les volets, les portes ou les encadrements de fenêtres sont parfois repeints avec des restes de peinture. Cette pratique traduit une appropriation esthétique de l’habitat, en phase avec l’environnement tropical.

maison en bois colorée à Cuba

Diversité régionale et résilience

La maison rurale en bois à Cuba n’est pas uniforme : selon les provinces (Pinar del Río, Camagüey, Granma, Holguín…), elle se décline en variantes adaptées aux contraintes écologiques et culturelles. L’orientation des bâtiments, la pente des toits, la profondeur des galeries, ou la présence d’annexes agricoles (séchoirs à tabac, hangars pour le bétail) témoignent d’une capacité d’adaptation constante.

L’architecture rurale cubaine intègre la gestion du risque : les maisons en bois, plus flexibles que les maisons en maçonnerie, résistent mieux aux secousses cycloniques. Leur légèreté permet de reconstruire vite en cas de destruction. L’usage du chaume représente un atout dans cette logique de résilience.

Vie quotidienne et lien social

La vie rurale à Cuba se structure essentiellement autour de la maison en bois : c’est le centre d’un réseau d’activités agricoles, artisanales et sociales. Les espaces extérieurs, les portails et les galeries, deviennent des lieux de partage, de travail et de convivialité. Les scènes de linge suspendu, d’animaux de basse-cour ou de meubles rustiques participent à l’identité de ces habitats. Malgré la modernisation progressive, ces maisons témoignent d’une tradition vivante, transmise au sein des familles et adaptée aux enjeux contemporains. Les transformations récentes (introduction de la tôle, récupération de matériaux de construction, adaptation aux nouveaux usages) confirment la vitalité de ce patrimoine bâti.

Loin des stéréotypes sur l’architecture coloniale ou les hôtels de la côte, la maison rurale en bois est l’un des symboles les plus authentiques de la culture cubaine, en parallèle avec les maisons colorées de Cuba. Elle incarne un savoir-faire, une adaptation à la nature et une résilience collective, dans un paysage social et écologique en constante mutation. Son étude permet de saisir la richesse et la complexité de l’architecture vernaculaire cubaine, et d’en apprécier la valeur patrimoniale.

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