Au cœur du Pakistan, des millions de personnes vivent sous la menace constante des inondations. Ces phénomènes, souvent amplifiés par le changement climatique, affectent les communautés rurales.
En 2022, des pluies torrentielles ont submergé un tiers du pays, déplaçant des millions de familles et détruisant des villages entiers. Dans ce contexte de crises récurrentes, une femme de 82 ans, Yasmeen Lari, redonne espoir. Architecte de renommée internationale, elle se consacre à concevoir des habitations capables de résister aux défis de demain, et apporte une réponse concrète et tangible.
Revisiter les traditions pour répondre aux enjeux modernes
Yasmeen Lari, première femme architecte du Pakistan, a quitté les gratte-ciel de Karachi pour se concentrer sur des solutions simples et efficaces. Son approche repose sur des principes d’architecture vernaculaire, inspirés par les techniques ancestrales des communautés locales. Contrairement aux constructions modernes en béton, ses maisons utilisent des matériaux naturels comme le bambou, l’argile et la chaux. Ces éléments abondants et peu coûteux, se révèlent aussi adaptés à l’environnement rural.
Ces huttes sphérique en terre sont une version améliorée des maisons traditionnelles « chaunra » d’une seule pièce vues dans la province du Sind, au sud du Pakistan, et au Rajasthan, en Inde
La conception surélevée des chaunras protège l’intérieur contre les montées des eaux en période d’inondations. Les bambous utilisés sont traités pour résister aux attaques de termites, et les murs en terre sont renforcés grâce à un mélange de chaux et de balle de riz. La toiture, composée de plusieurs couches de chaume, assure une ventilation optimale et maintient une température agréable à l’intérieur. De plus, les pentes du toit conique permettent de canaliser l’eau de pluie, évitant ainsi toute infiltration.
Construire ensemble pour renforcer la résilience
Ces maisons sont le fruit d’une démarche participative. Yasmeen Lari croit fermement que les solutions les plus durables naissent de l’implication des communautés elles-mêmes. Lors des phases de construction, les habitants reçoivent une formation leur permettant de bâtir leurs propres maisons. Cela leur donne un toit, mais aussi des compétences pour reconstruire en cas de catastrophe future.
Le processus favorise également l’inclusion sociale. Les femmes, souvent exclues des activités économiques, participent à la fabrication des murs ou à l’assemblage des structures en bambou, elles acquièrent une autonomie financière et un statut accru dans leurs villages.
Un impact mesurable sur les populations touchées
Depuis 2010, plus de 50 000 maisons résilientes ont vu le jour, touchant des centaines de milliers de vies. Ces huttes ne sont pas que des abris d’urgence, mais de véritables foyers. En 2022, lorsque les pires inondations depuis des décennies ont frappé le Pakistan, les villages équipés de ces structures ont mieux résisté que les autres. Alors que des régions entières se retrouvaient sous les eaux, les maisons construites selon les méthodes de Lari restaient debout, épargnant aux familles des pertes matérielles.
Ces constructions offrent aussi un avantage économique. Les coûts de construction d’une maison en bambou et en terre sont bien inférieurs à ceux des habitations en béton. Et elles nécessitent peu d’entretien, ce qui allège la charge financière pour des familles vivant souvent sous le seuil de pauvreté.
Un modèle respectueux de l’environnement
Les solutions proposées par Yasmeen Lari se distinguent par leur faible impact environnemental. Contrairement aux matériaux industriels, le bambou est une ressource renouvelable qui pousse vite. L’argile et la chaux permettent de maintenir une température agréable à l’intérieur des habitations, limitant ainsi la dépendance aux ventilateurs ou climatiseurs. Ce modèle favorise une construction neutre en carbone, indispensable dans un pays fortement touché par les effets du réchauffement climatique.
En s’inspirant des savoir-faire locaux, Yasmeen Lari remet également en question le rôle de l’architecture contemporaine. Les solutions technologiques complexes, bien que spectaculaires, sont souvent inaccessibles aux populations rurales du Pakistan. À travers ses initiatives, elle prouve qu’une approche ancrée dans la simplicité peut répondre efficacement aux défis environnementaux.
Une vision tournée vers l’avenir
Le travail de Yasmeen Lari ne se limite pas à bâtir des maisons. Elle milite activement pour un changement de paradigme dans la façon dont nous concevons l’habitat face aux crises climatiques. Selon elle, les catastrophes naturelles ne doivent pas condamner les communautés à une dépendance à long terme envers les aides internationales. Au contraire, elles doivent être l’occasion de renforcer leur résilience.
En lien avec des organisations locales et internationales, elle développe des outils pédagogiques pour transmettre ses méthodes à plus grande échelle. Son objectif est clair : faire en sorte que ces techniques puissent être reproduites, adaptées et améliorées par d’autres communautés dans le monde.
L’UNESCO a reconnu son travail comme un exemple de patrimoine vivant. En mêlant tradition et innovation, elle montre que des solutions locales peuvent avoir un impact global.
Ce que nous pouvons apprendre de cette initiative
Les maisons résistantes aux inondations de Yasmeen Lari sont plus qu’un simple concept architectural. Elles symbolisent une démarche qui place les besoins humains au cœur des solutions. Dans un monde où les catastrophes climatiques se multiplient, son travail inspire de nombreuses réflexions.
Nous pouvons tous tirer des enseignements de son approche. Soutenir des initiatives similaires dans d’autres régions du monde pourrait transformer la manière dont les sociétés réagissent aux crises. En s’appuyant sur les ressources locales, en favorisant la participation communautaire et en minimisant l’impact environnemental, nous construisons un avenir plus équitable et durable.
En fin de compte, ces maisons représentent l’espoir d’un avenir où chaque communauté, aussi isolée soit-elle, puisse affronter les défis climatiques avec dignité et confiance.
Crédit photo : Asif Hassan