Les maisons en bois traditionnelles du peuple Maroon au Suriname

Vous regardez une maison maroon et vous voyez tout de suite un langage clair : un volume compact, un toit très pentu, des planches horizontales, une porte étroite encadrée de bois sculpté. Rien n’est là par hasard. Ces maisons naissent dans la forêt, au bord des grands fleuves du Suriname, et répondent à la pluie, à la chaleur et aux usages du village. Partons à la découverte de ces habitations.

Qui sont les Maroons, et où voit-on ces maisons ?

Les Maroons du Suriname sont des descendants d’Africains réduits en esclavage pour travailler dans les plantations et qui se sont établis à l’intérieur des terres à partir du XVIIᵉ siècle. Ils ont formé des communautés autonomes sur les rivières (Haut-Suriname, Tapanahony, Maroni, Lawa…). Vous croiserez leurs villages le long des berges, sur des terrasses sableuses un peu surélevées, avec des maisons alignées et des espaces dégagés pour circuler, cuisiner et travailler le bois.

Plusieurs groupes existent (Saramaka, Ndyuka/Aukan, Aluku, Paramaka, Matawai, Kwinti). Les formes d’habitat varient un peu selon le fleuve et le groupe, mais l’ensemble est largement reconnaissable : gabarit bas, grand toit à deux pentes, façade en planches, porte sculptée.

village pingpe

Pingpe est un authentique village Maroon, avec environ 200 habitants. Dans les villages, ils ont bien conservé la culture de leurs ancêtres. Pour leurs moyens de subsistance, ils dépendent, entre autres, de la chasse, de la pêche, de l’agriculture de subsistance, de la foresterie, des plantes médicinales. En visitant les villages Pingpe et Semoisie, vous éprouvez le mode de vie authentique, l’atmosphère et la culture. Et parce que le tourisme est encore en phase infantile, la culture traditionnelle du village est préservée.

D’autres villages traditionnels comme Pingpe existe le long de la rivière Suriname. Les villages sont généralement bien entretenus, clairement structurés et les gens s’occupent et vivent le long de la rivière. Leurs sociétés, à toutes fins utiles, n’ont pas été aidé pendant des siècles, elles ont grandi, et ont construit des maisons, des bateaux et des meubles à partir de la myriade de ressources disponibles.

maisons en bois maroon

Une architecture de climat chaud-humide

Le climat commande la forme. La pluie arrive souvent en averses puissantes ; la chaleur et l’humidité demandent de l’air. D’où le toit très incliné qui évacue l’eau, les débords qui protègent les murs, le volume réduit qui se ventile vite. La maison se pose sur une lisse basse ou de courts pilotis pour garder le plancher au-dessus des flaques. Les ouvertures restent modestes, mais le jeu des planches et des jours sous toiture laisse passer une brise constante. Vous obtenez une pièce fraîche le jour et sèche la nuit.

Matériaux : du sol à la toiture

Bois : c’est la matière principale. On emploie des essences denses pour les pièces porteuses et des planches plus légères pour le remplissage. Les murs sont faits de planches horizontales fixées sur une ossature simple (poteaux d’angle, sablières, quelques montants). Le montage alterne souvent des planches claires et plus foncées. Cet effet suit l’ordre des pièces disponibles et la logique d’assemblage.

Fixations : historiquement, les chevilles et les attaches végétales suffisaient. Les clous en acier se sont imposés, visibles en tête sur les façades. Vous les reconnaîtrez en bandes régulières.

Sol et fondation : une semelle en bois dur ou un petit socle bétonné, posé à même le sable compacté. L’idée est de séparer la maison de l’humidité et d’éviter que les termites n’attaquent trop vite.

Toiture : deux grands cas. La couverture en feuilles de palmier, épaisse et isolante, garde la fraîcheur et amortit le bruit. La tôle ondulée, plus courante aujourd’hui, résiste au vent et dure plus longtemps, mais chauffe et résonne sous l’averse. Beaucoup de familles ajoutent alors un plafond léger ou une lame d’air pour limiter la chaleur. Parfois, on glisse des feuilles sous la tôle pour atténuer la chaleur et le bruit.

maison maroon au toit de tôle

La façade, carte d’identité de la maison

La façade frontale est courte, presque triangulaire, parce que le toit descend bas. Au centre, la porte. Autour, un encadrement sculpté. Vous verrez des motifs géométriques et végétaux, parfois des éléments figuratifs. Les Maroons appellent cet art du bois tembe. Il apparaît sur les encadrements, sur les linteaux, sur les coffres et les bancs. Le message est discret : bienvenue, protection, parfois un clin d’œil au couple ou à l’histoire de la maison. Dans certains villages, l’encadrement appartient à la femme ; il peut être offert ou réalisé lors d’un moment marquant de la vie du foyer.

Sous les pignons, de petites frises ajourées ventilent la pièce. Elles allègent aussi la façade. Vous repérez alors une composition en bandes : planches lisses, bande sculptée, planches lisses.

façade maison maroon suriname

Plan et organisation du village

La maison principale sert surtout à dormir et à ranger. Cuisiner sous un grand toit fermé ferait monter la température. Vous trouverez donc, à quelques mètres, un abri de cuisson ouvert : quatre poteaux, une toiture basse, un foyer surélevé. C’est là que l’on prépare le manioc, que l’on fume le poisson, que l’on chauffe l’eau. L’abri laisse la fumée filer et protège les braises de la pluie.

Autour, d’autres petites constructions :

  • un abri pour les visiteurs ou pour la famille élargie.
  • un petit grenier.
  • selon les groupes, une maison rituelle ou un espace réservé aux objets qui ne doivent pas partager le quotidien. Parfois, cet espace sert aussi à conserver les objets des ancêtres.

Les circulations sont directes. La vie se passe dehors : on s’assoit à l’ombre, on tresse, on taille, on discute. La maison ferme bien, mais elle n’a pas vocation à tout contenir.

village maroon aux toits de chaume

Dimensions et proportions

Les maisons sont basses et étroites, avec une profondeur plus grande que la largeur. Cette proportion favorise l’écoulement de l’eau et réduit l’emprise au sol. Le faîtage est souvent à hauteur d’un homme et demi à deux hommes ; les avancées protègent l’entrée et les façades latérales. Vous pouvez entrer en inclinant légèrement la tête. Une fois dedans, l’espace est plus haut parce que le toit monte vite.

Construire une maison : déroulé d’un chantier

Choix de l’emplacement : sol stable, pas trop près de la berge, un peu au-dessus de la crue ordinaire. On défriche et on dresse une plate-forme en terre battue.

Préparation du bois : arbres abattus à la saison sèche, débités en madriers et planches. Aujourd’hui, une partie du bois vient de scieries, ce qui rend le débit régulier et accélère la pose.

Ossature : on fixe d’abord la lisse basse et les poteaux d’angle, puis la sablière haute. Vient ensuite la ferme principale qui dessine le pignon. Un entrait et deux arbalétriers suffisent pour le petit gabarit.

Murs : les planches se posent horizontalement. Entre chaque rangée, on insère parfois une lame de bois dur pour caler l’ensemble. Un clouage régulier maintient tout en place.

Porte et encadrement : la huisserie est épaisse. Le battant se renforce par des traverses. L’encadrement sculpté se pose en dernier. Il devient le visage de la maison.

Couverture : si c’est du palmier, on fabrique des chaumes liés, puis on les accroche sur des liteaux serrés, en couches denses, du bas vers le haut. Si c’est de la tôle, on pose des plaques chevauchées, fixées sur des pannes. Le faîtage reçoit une pièce de recouvrement pour éviter les infiltrations.

Finitions : un petit perron en planches, parfois un auvent, des étagères, un coffre de rangement. Et le sol ? Souvent, la terre tassée suffit. Dans certains villages, on ajoute un plancher léger pour isoler du sable.

maisons traditionnelles maroons

Pourquoi ces choix fonctionnent ?

  • Grand toit : l’angle fort accélère l’évacuation de l’eau, limite les fuites, et crée un volume d’air chaud qui s’accumule en hauteur. Il protège aussi mieux la maison des branches qui tombent.
  • Débords : les murs prennent moins la pluie, sèchent vite et durent plus longtemps.
  • Façades en planches : elles se démontent et se remplacent facilement. Une planche fendue se change en une heure, sans tout refaire. C’est une logique d’entretien continu.
  • Abri de cuisson séparé : la maison reste fraîche, et le risque d’incendie baisse.
  • Sculptures ajourées : rôle décoratif et de ventilation en haut de façade.

Variantes selon les rivières et les groupes

Sur le Haut-Suriname, vous verrez des pignons avec de larges bandeaux de bois sombre et des encadrements très travaillés. Dans des villages ndyuka, les façades montrent des rythmes de planches claires et foncées et des frises sculptées en damier. Chez les Aluku, l’encadrement de porte peut avoir des motifs plus figuratifs. Ces différences tiennent aux lignages, aux maîtres charpentiers et aux échanges entre villages. Mais la logique générale est la même : maison compacte, toit puissant, bois apparent.

village maroon

Tôle ou feuilles de palmier ? Un choix concret

Vous vous poserez peut-être la question en visitant. La tôle arrive par pirogue, coûte un peu mais évite un remplacement fréquent. Elle garde mieux l’étanchéité pendant les vents forts. En contrepartie, elle chauffe et fait du bruit. On compense par un plafond de planches fines ou par un jour au faîtage.

Les feuilles de palmier demandent un approvisionnement et de la main-d’œuvre, mais elles offrent un confort thermique supérieur. Dans certains villages, on voit des dispositifs hybrides : tôle au-dessus, couche de feuilles en dessous ; ou tôle sur la maison principale et palmier sur l’abri cuisine.

Propriété, transmission et rôle des femmes

Chez beaucoup de Maroons, l’organisation sociale suit la lignée maternelle. La parcelle et la maison appartiennent souvent au groupe de la mère. Les hommes se déplacent plus, selon les travaux et les unions, et participent aux chantiers. Ce cadre social explique l’attention portée à la maison de la femme : elle doit être solide, identifiable, soignée dans ses détails. Le décor de la porte tient lieu de signature.

porte maison maroon

Lire une maison en quelques indices

Quand vous arrivez dans un village, vous pouvez repérer vite ce qui fait la qualité d’une maison :

  • pente du toit : plus elle est forte, plus la couverture se défend contre l’averse ;
  • régularité du clouage et des joints : signe d’un montage rigoureux ;
  • encadrement de la porte : dessin, ajours, symétrie ;
  • hauteur des débords : ils protègent la base des murs ;
  • état de l’abri cuisine : cœur des gestes du quotidien ;
  • propreté du pourtour : évacuation de l’eau, traces de pas, place de l’ombre.

Modernisations et continuités

Les changements ne manquent pas : tôles neuves, fenêtres vitrées, moustiquaires, panneaux solaires sur un poteau, réservoir d’eau de pluie. Et pourtant, l’allure générale demeure. Le toit garde son angle, l’encadrement sculpté reste au centre, l’abri cuisine fonctionne toujours. Certaines familles construisent un second volume à côté : l’un pour dormir, l’autre pour accueillir. Vous verrez aussi des maisons peintes, souvent dans des tons clairs. La peinture protège, mais le bois laissé visible continue d’être apprécié.

L’art tembe appliqué à la construction

Le tembe ne se limite pas aux portes. Il apparaît aussi sur les abouts de pannes, sur des consoles, sur des caissons de rangement et sur des bancs. Les motifs sont découpés, ajourés, parfois cloutés pour créer un relief. Vous retrouverez ces dessins sur des objets mobiles (peignes, pagaies, boîtes) et sur des textiles. La façade devient alors un support de mémoire : elle dit d’où vient la famille, ce qu’elle aime, ce qu’elle souhaite montrer. Certains motifs sont transmis entre générations comme une signature familiale.

encadrement porte sculptée

Conseils si vous documentez ces maisons

  • Prenez des photos de face et de biais : on voit mieux l’angle du toit et la profondeur.
  • Notez les essences quand on vous les nomme ; elles changent selon les rivières.
  • Regardez le sol : sablière posée ou pilotis courts ?
  • Repérez l’ordre de montage par les têtes de clous.
  • Demandez l’histoire de la porte ; c’est souvent la partie la plus commentée.
  • Si l’on vous montre l’abri cuisine, observez la gestion de la fumée et la protection contre la pluie. Vous y lirez beaucoup sur la vie quotidienne.

Ces maisons en bois ne sont pas des survivances figées. Elles s’adaptent, accueillent des matériaux venus de l’extérieur, gardent leurs repères (toit, façade, porte sculptée), et continuent d’abriter la vie des villages du fleuve. Si vous prenez le temps de les regarder, vous verrez une intelligence constructive directe, un rapport mesuré aux ressources, et une façon de faire où la technique et le lien social avancent ensemble.

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