Les maisons de Mdina : calcaire doré, ruelles et héritages superposés

Mdina est une ville façonnée par des siècles d’adaptations et de reconstructions. Dès que vous passez ses portes, vous découvrez un lieu construit couche après couche au fil des siècles. Derrière ses remparts, l’habitat mêle influences arabes, apports du Moyen Âge latin et grands chantiers baroques. Perchée sur une colline au centre de Malte, elle a longtemps concentré le pouvoir administratif et religieux de l’île. Ses fortifications massives, pensées pour résister à l’artillerie, rappellent encore ce rôle stratégique.

Aujourd’hui, ce centre fortifié, avec ses ruelles serrées et ses hautes maisons de calcaire doré, donne toujours l’impression d’une ville médiévale préservée. Peu de gens y vivent encore à l’année, ce qui renforce cette atmosphère suspendue. Pourtant, derrière les façades de Mdina, les maisons sont toujours aussi essentielles à à son identité que ses grandes églises ou ses palais de maître.

Tissu urbain médiéval : rues étroites et façades hautes

À l’intérieur des remparts, Mdina se lit d’abord comme un réseau serré de ruelles sinueuses, parfois à peine assez larges pour laisser passer une voiture. Des descriptions contemporaines de visiteurs et de voyageurs insistent sur ce « labyrinthe de ruelles étroites bordées d’édifices normands, baroques et médiévaux », où les maisons et les palazzi forment de véritables parois minérales.

Ces rues sont flanquées de maisons relativement hautes, bâties dans le calcaire local, dont les façades alignées créent une impression de « canyon » minéral. Certains voyageurs décrivent encore Mdina comme un enchaînement de ruelles médiévales très étroites, bordées de murs de pierre qui semblent vous envelopper. Cela confirme l’image d’un tissu urbain dense, tourné vers l’intérieur et façonné pour la protection autant que pour la vie quotidienne. Cet effet fait partie de son charme.

Calcaire doré : le matériau qui fait la ville

Comme le reste de l’archipel, la ville de Mdina est bâtie presque entièrement en calcaire maltais, parfois nommé globigérine limestone, une ressource abondante qui a façonné l’architecture du pays, des temples préhistoriques aux maisons traditionnelles maltaises ou aux habitations modernes.

Les maisons de Mdina, qu’il s’agisse de petits volumes médiévaux ou de grandes demeures, présentent des façades en pierre appareillée, aux joints fins. Le calcaire y est structurel et décoratif : encadrements de portes, chaînages d’angle, corniches sobres ou moulures baroques autour des baies. Des photos et des descriptions de la ville parlent de « maisons de ville pittoresques en calcaire » autour de places comme Pjazza San Publiju, ce qui montre que ce matériau est aussi lisible sur les maisons ordinaires.

calcaire doré dans les rues de Mdina

Palais nobles : la maison comme affirmation de statut

Mdina se distingue par une densité exceptionnelle de palais et demeures nobles qui sont, pour beaucoup, d’anciens lieux de résidence de familles aristocratiques. Des sources évoquent « de nombreux palais, dont la plupart servent aujourd’hui de résidences privées ou d’hébergements de vacances », ancrant l’idée que la trame résidentielle de Mdina est largement dominée par ces grandes habitations.

Parmi les exemples les mieux documentés figure le palais Falson, aussi appelé Norman House : un palais médiéval à deux niveaux, construit à partir de la fin du XVe siècle (en partie sur des structures plus anciennes) pour une famille de la noblesse, aujourd’hui transformé en maison-musée. Façade en pierre massive, fenêtres géminées d’inspiration siculo-normande, petite cour intérieure et distribution des pièces autour de celle-ci en font un modèle d’habitat aristocratique médiéval adapté au climat maltais.

Le palais Santa Sofia, dont le rez-de-chaussée remonte à 1233, est souvent cité comme le plus ancien bâtiment subsistant de Mdina. Sa base médiévale, surmontée d’un étage plus tardif, illustre la façon dont le bâti résidentiel a été rehaussé et remanié au fil des siècles sans perdre la trame d’origine.

Au XVIIIᵉ siècle, la reconstruction après le séisme de 1693 introduit un vocabulaire baroque plus spectaculaire. Le palais Vilhena, dessiné par l’architecte français Charles François de Mondion entre 1726 et 1728, en est un exemple majeur : façade ordonnancée, traitement monumental de l’entrée, articulation claire des volumes. S’il s’agit aujourd’hui d’un musée, il reste représentatif de la manière dont les maisons nobles de Mdina ont intégré le langage baroque en conservant la trame médiévale de la ville.

Maisons de ville et maisons de caractère

Toutes les habitations de Mdina ne sont pas des palais. On y trouve aussi des maisons de ville plus modestes, proches des maisons de ville ou maisons de caractère que l’on rencontre dans les noyaux historiques des villes maltaises. Des études et articles consacrés à ces maisons traditionnelles soulignent plusieurs constantes : façades en calcaire, hauteurs généreuses sous plafond, portes d’entrée marquées, parfois encadrées de moulures, et présence fréquente de balcons fermés en bois, les gallariji.

Ces habitations se développent généralement autour d’une cour intérieure : une des caractéristiques de l’habitat maltais traditionnel, mis en évidence par les travaux sur l’évolution de l’espace domestique dans les îles. Cette cour sert de puits de lumière, de régulateur thermique et de lieu de transition entre la rue et les pièces principales. Des sources décrivent d’ailleurs les maisons de caractère maltaises en insistant sur les cours intérieures, les vieux murs de pierre et les carreaux de ciment ou de céramique décoratifs.

On retrouve ce type d’organisation à Mdina, à petite comme à grande échelle : l’entrée mène à un vestibule ou un passage voûté qui débouche sur une cour, parfois équipée d’un puits ou d’une citerne, autour de laquelle s’articulent escalier, salons et pièces de service. Les exemples comme le palais Falson montrent comment cette cour devient un cœur de maison, sur lequel ouvrent galeries et loggias.

cour de maison à Mdina

Façades : portes, balcons et détails

Les façades des maisons de Mdina sont volontairement sobres, surtout si on les compare à certaines rues de La Valette aux nombreux balcons maltais. Ce minimalisme tient autant à la tradition médiévale d’architecture introvertie qu’aux contraintes défensives d’une petite ville fortifiée.

Les éléments qui structurent ces façades sont néanmoins très lisibles : grandes portes en bois souvent surmontées d’un arc en pierre, encadrements saillants autour des baies, petites niches religieuses, et, sur les maisons patriciennes, balcons en pierre ou gallariji en bois qui avancent légèrement sur la rue. Des guides récents décrivant Mdina mentionnent précisément ces « maisons patriciennes avec d’imposants balcons en bois » qui donnent à la ville une allure aristocratique.

Les ouvertures sont généralement de taille mesurée, fréquemment groupées par deux ou par trois, ce qui permet de maîtriser l’ensoleillement tout en offrant des vues filtrées vers les rues étroites. L’effet d’ensemble est celui d’un ruban continu de pierre, ponctué de fenêtres alignées et de portes monumentales, parfois colorées, mais sans profusion décorative.

mdina maison avec balcon en bois

Intérieurs : entre confort et héritage aristocratique

Dans les maisons les mieux conservées, comme le palais Falson, l’intérieur combine plusieurs constantes des demeures maltaises historiques : pièces en enfilade autour de la cour, escaliers en pierre, plafonds voûtés ou soutenus par des poutres apparentes, sols en pierre ou carrelages à motifs.

Les articles consacrés aux maisons traditionnelles maltaises insistent par ailleurs sur la générosité des hauteurs sous plafond et l’usage de matériaux massifs (épais murs de calcaire, dalles de pierre) pour assurer un certain confort thermique dans un climat chaud. Ces caractéristiques se retrouvent à Mdina, même dans des maisons moins aristocratiques, où les volumes sont simplement plus réduits.

Entre héritage médiéval et reconstructions baroques

L’architecture résidentielle de Mdina n’est pas homogène. Une partie importante du bâti remonte au Moyen Âge ou au début de l’époque moderne, avec des volumes simples, des ouvertures mesurées et un vocabulaire proche du style siculo-normand. Ces maisons conservent des traces : encadrements en pierre massifs, fenêtres géminées, petites cours ouvrant sur des pièces accolées les unes aux autres.

Le baroque apparaît plus tard, après le séisme de 1693 qui a touché une grande partie de l’île. Les familles nobles comme l’administration ecclésiastique ont alors reconstruit ou remanié leurs demeures : façades plus ordonnancées, entrées élargies, balcons en pierre plus sculptés, escaliers monumentalisés. Le XVIIIᵉ siècle laisse ainsi une empreinte nette dans plusieurs palazzi, mais aussi dans certaines maisons de ville dont la façade a été réinterprétée sans transformation profonde des plans intérieurs.

La ville de Mdina présente donc un visage extrêmement singulier : les maisons médiévales, souvent sobres et compactes, cohabitent avec des interventions baroques qui viennent affirmer le rang de leurs propriétaires tout en respectant l’échelle dense de la ville. Cette superposition explique l’atmosphère si particulière de Mdina : une cité où les époques dialoguent sans jamais s’effacer.

Contraintes de conservation et cadre réglementaire

Mdina et son environnement sont soumis à une protection très stricte. Le noyau historique est identifié comme une zone de conservation urbaine, dans laquelle toute intervention susceptible d’altérer la silhouette de la ville ou la lecture de ses murs est examinée de près. Des documents récents soulignent que cette zone vise à protéger « l’intégrité visuelle de la plus ancienne ville fortifiée de Malte ».

On voit concrètement cette vigilance dans des décisions où l’Autorité de planification a refusé la reconstruction de volumes en ruine sous les bastions, au motif que cela porterait atteinte au paysage culturel et à la valeur scénographique de la ville de Mdina. Ces positions complètent les démarches plus larges visant à reconnaître Mdina comme site patrimonial d’importance mondiale, la ville figurant depuis plusieurs années sur la liste indicative du patrimoine mondial de l’UNESCO.

Lire Mdina par ses maisons

Regarder Mdina par le prisme de ses maisons, c’est comprendre que la ville n’est pas uniquement un décor de remparts et de cathédrale. Dans les ruelles silencieuses, chaque façade montre une étape de l’histoire maltaise : base médiévale en pierre nue, ajouts baroques après le séisme, cours intérieures adaptées au climat, balcons en bois hérités d’une longue tradition urbaine.

Les palais aristocratiques, les petites maisons de caractère et les maisons de ville composent un ensemble bâti très cohérent, où la matière (le calcaire doré) et le plan (la cour centrale et la rue étroite) assurent la continuité. C’est cette cohérence, plus que la monumentalité, qui fait de Mdina un cas d’école pour qui s’intéresse à l’architecture domestique méditerranéenne.

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