Les maisons coloniales de Maurice : une architecture hybride unique

L’architecture distinctive de l’île Maurice reflète l’histoire de l’île en tant que base commerciale coloniale reliant l’Europe à l’Est. Les styles et les formes des maisons introduites par les colons hollandais, français et britanniques à partir du 17ème siècle, mélangés aux influences de l’Inde et de l’Afrique de l’Est, ont abouti à une architecture hybride unique de signification historique, sociale et artistique internationale. Les maisons ont une variété de dessins, de matériaux et d’éléments décoratifs qui sont uniques au pays.

Des décennies de changements politiques, sociaux et économiques ont entraîné la destruction systématique du patrimoine architectural mauricien. Entre 1960 et 1980, les maisons historiques des hautes terres de l’île (les maisons créoles de Maurice) ont disparu à des taux alarmants.

Ces dernières années, on a assisté à la démolition de plantations, de résidences et de bâtiments civils qui ont été défrichés ou considérablement rénovés pour de nouveaux développements afin de servir une industrie touristique en expansion. La capitale, Port-Louis, est restée relativement inchangée jusqu’au milieu des années 1990, mais reflète maintenant les dommages irréversibles qui ont été infligés à son patrimoine bâti. La valeur des terres en hausse est confrontée à la valeur culturelle des structures historiques à Maurice, alors que les coûts prohibitifs de l’entretien et le déclin constant des compétences traditionnelles de construction rendent plus difficile l’investissement pour la préservation.

Maison Eurêka : la créolité mauricienne

Située à Moka, au cœur des Hautes Terres, la Maison Eurêka est l’une des demeures coloniales les plus célèbres et les mieux préservées de l’île Maurice. Construite en 1830, cette maison en bois et tôle, typique de l’architecture créole, fut d’abord la propriété de riches planteurs français. Sa vaste varangue en fer à cheval, ses 109 portes et fenêtres, ses toits à quatre pans et ses parquets en bois précieux (bois de natte, teck, acajou) témoignent de l’ingéniosité des bâtisseurs de l’époque pour s’adapter au climat tropical.

Aujourd’hui, la Maison Eurêka est ouverte au public en tant que musée et propose un voyage dans le passé colonial de l’île Maurice, entre mobilier d’époque, objets d’art, souvenirs familiaux et jardins luxuriants. La maison est aussi réputée pour sa cuisine mauricienne servie sur place, perpétuant ainsi l’art de vivre créole. Un écrin d’histoire : la Maison Eurêka incarne la mémoire des grandes familles mauriciennes et l’équilibre subtil entre héritage français, influences asiatiques et savoir-faire local.

Maison Eurêka à Maurice

Maison de La Villebague : symbole du patrimoine sucrier

Parmi les rares exemples de demeures du XVIIIe siècle ayant survécu aux cyclones et aux transformations, la Maison de La Villebague, dans la région de Pamplemousses, occupe une place à part. Construite vers 1740 par le gouverneur Mahé de La Bourdonnais pour son épouse, elle fut le centre d’une immense plantation sucrière. Le bâtiment, classé monument historique, illustre le raffinement des premières maisons de maîtres coloniales, avec ses charpentes en bois, ses toitures inclinées et sa galerie.

La demeure fut maintes fois restaurée et adaptée, mais conserve son caractère d’origine : murs épais pour résister aux cyclones, hauteurs sous plafond pour la ventilation, et un grand escalier menant à l’entrée principale. La Maison de La Villebague rappelle la centralité des plantations dans l’économie et la société coloniale, tout en témoignant des réseaux d’influence entre l’île Maurice, Madagascar et l’Inde.

Maison de La Villebague à Maurice

Maison du domaine Saint-Aubin : élégance tropicale

Située au sud de l’île, la maison du domaine Saint-Aubin, construite en 1819, est l’un des plus beaux exemples d’architecture coloniale créole. Cette vaste bâtisse en bois, posée sur des fondations en pierre, est coiffée d’un large toit à quatre pans, caractéristique des grandes maisons de planteurs. Elle est entourée d’une élégante véranda ajourée, idéale pour profiter de la fraîcheur et de la lumière.

Restaurée dans le respect des techniques anciennes, Saint-Aubin est aujourd’hui un domaine où l’on découvre la fabrication du rhum, une vanilleraie, des jardins botaniques et un restaurant gastronomique. La maison coloniale du domaine Saint-Aubin symbolise très bien la capacité des maisons coloniales mauriciennes à se réinventer, tout en conservant leur âme et leur vocation d’accueil.

maison coloniale du domaine saint aubin à Maurice

Château de Labourdonnais : splendeur victorienne

Le Château de Labourdonnais, bâti entre 1856 et 1859 à Mapou, est le plus majestueux des édifices coloniaux résidentiels de l’île. Cette demeure spectaculaire, inspirée du style néoclassique et victorien, se distingue par sa symétrie parfaite, ses colonnades blanches, ses salons en enfilade, ses planchers en teck et ses vastes escaliers de marbre. Un décor raffiné et emblématique du XIXe siècle à Maurice.

Le château, entièrement restauré et meublé dans l’esprit du XIXe siècle, accueille aujourd’hui un musée, des expositions temporaires et de nombreux événements culturels. Les jardins à la française, la distillerie de rhum et le verger historique forment un ensemble patrimonial remarquable. Prestige et patrimoine : le Château de Labourdonnais reflète le rayonnement social et économique des grandes familles de planteurs, tout en offrant un témoignage unique sur la vie quotidienne à l’époque coloniale.

Maison du Domaine des Aubineaux : tradition coloniale

Le Domaine des Aubineaux, à Forest-Side près de Curepipe, abrite une demeure coloniale construite en 1872, entourée de jardins à l’anglaise et d’une ancienne distillerie de thé. La maison, toute en élégance victorienne, est l’une des rares encore debout sur les hauts plateaux mauriciens. L’intérieur présente un mobilier d’époque, des photographies anciennes et une collection de porcelaines.

Aujourd’hui ouverte à la visite, la Maison des Aubineaux propose de découvrir l’histoire des grandes familles franco-mauriciennes et du développement de la culture du thé à Maurice. Mémoire des hauts : cette maison coloniale témoigne de la diversité des modes de vie et des paysages dans l’île.

Domaine des Aubineaux à Maurice

L’île Maurice ne serait pas tout à fait la même sans ses maisons coloniales, témoins d’un passé complexe, mêlant influences européennes, africaines et asiatiques. Ces demeures, parfois majestueuses, parfois plus discrètes, sont l’histoire des familles, des savoir-faire et des paysages mauriciens. Leur préservation est aujourd’hui un défi majeur, tant face à l’urbanisation rapide qu’à la perte progressive des techniques traditionnelles. Mais chaque maison sauvée, restaurée ou admirée rappelle la richesse du patrimoine bâti de l’île et l’importance de transmettre ce précieux héritage aux générations futures. Un patrimoine à regarder, à protéger et à réinventer, pour que l’âme créole de Maurice continue de rayonner.

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