Les maisons à Ouarzazate : une architecture en terre sud-marocaine

Ouarzazate vit entre montagne et désert. L’hiver peut être froid, l’été tape fort, le vent souffle, la pluie arrive d’un coup puis s’en va. Les maisons répondent à ce climat sec et à la lumière vive. Elles le font avec la terre, la pierre, le bois de palmier et des plans compacts. Vous voyez des volumes sobres, des murs épais, des ouvertures comptées. Rien n’est laissé au hasard. Chaque choix a une raison simple : garder la fraîcheur, évacuer l’eau rare mais violente, tenir dans le temps avec des matériaux locaux.

Ouarzazate a été construite en 1928 et est le point de départ pour des voyages dans le sud du Maroc. La Kasbah de Taourirt, avec ses bâtiments en adobe ocre, a été reconnue par l’UNESCO comme site du patrimoine mondial de l’humanité. Cette ancienne demeure du Pacha Glaoui a été restaurée en utilisant des techniques traditionnelles; Le village, avec ses milliers d’habitants, est un trésor unique.

Le patrimoine culturel de Ouarzazate se compose de résidences majestueuses (Kasbah) et de villages communautaires (Ksour). Ce patrimoine représente, avec de nombreux chefs-d’œuvre architecturaux, représente les valeurs culturelles de nombreuses générations. En conséquence, ces établissements humains ont été structurés sur la base de règles et de règlements communautaires établis qui ont été considérés comme les liens originaux entre l’homme et son environnement social et naturel.

Une ville de terre : kasbahs, ksour et tighremt

Le cœur historique s’organise autour de bâtiments fortifiés. La kasbah de Taourirt et celle de Tifoultoute racontent ce langage. À l’échelle des villages voisins, on parle de ksar (ensemble groupé) et de tighremt (maison-tour). Même idée : une enveloppe compacte, des tours d’angle, un haut parapet dentelé, un rez-de-chaussée aveugle ou presque. On protège les habitants et les vivres. On filtre la lumière. On réduit la surface exposée au soleil. Ces formes défensives marquent tout le paysage du Sud marocain.

Un détail se voit vite quand vous le savez : la base est en pierre, légèrement débordante, pour couper les remontées d’humidité et résister aux ruissellements. Au-dessus, la terre forme les murs porteurs. Les façades portent un décor géométrique discret, simple appareil de briques crues, niches en creux, frises. Rien d’ostentatoire. Juste assez pour donner du rythme et signaler le rang de la maison.

rue de ouarzazate

La matière première : le pisé et l’adobe

La terre est la star. Deux techniques dominent. Le pisé (terre argileuse tassée dans un coffrage) et l’adobe (brique de terre crue moulée et séchée au soleil). Le chantier commence par un tri : graviers, sables, limons, argiles. On cherche un bon mélange, ni trop gras ni trop pauvre. Un peu de paille hachée peut améliorer la tenue. Une poignée d’eau, un test dans la main, et l’on sait si la terre “tient”.

Le pisé donne de grands pans continus. On tasse à la dame couche par couche. On retire le banchage, on laisse tirer, on remonte. L’adobe offre des modules réguliers maniables par deux maçons. Sur place, les murs affichent 40 à 80 cm d’épaisseur. Ce n’est pas du luxe : c’est de l’inertie. Le jour, la masse absorbe la chaleur. La nuit, elle la relâche doucement. Et vous dormez au frais.

Un chef d’équipe m’a glissé un jour, devant un pan de mur encore humide : “Si je démoule trop tôt, je perds la saison.” Tout se joue là. Le bon tempo entre malaxage, montage et séchage. Le rythme des chantiers suit la météo, pas l’inverse. Ici, la terre impose son calendrier, jamais l’homme.

Toits-terrasses, bois locaux et “tataoui”

Le toit est plat, léger, réparable. Des troncs de palmier-dattier ou de tamaris portent des voliges, puis un treillis de roseaux ou de palmes (le fameux tataoui dans l’Atlas et les oasis du Sud). Par-dessus, une couche de terre mêlée de fibres, damée, parfois couverte d’un lait de chaux pour mieux réfléchir le soleil et limiter l’absorption d’eau. C’est une couverture modeste, mais logique pour le climat local.

Ce toit est une pièce à vivre quand la température tombe. On y sèche les dattes, on y répare des objets, on y prend l’air. On y remonte l’eau à la bassine. Après un orage, on vérifie vite les gargouilles et les petites saignées d’évacuation. Une maison bien entretenue se reconnaît à ces détails.

plafond en tataoui

Ouvertures, ombre et air : la règle des petites choses

La façade face au soleil a peu d’ouvertures. Les fenêtres sont modestes, profondes, protégées par des claustras, des moucharabiehs ou des volets pleins. La porte d’entrée s’ouvre sur un coude, jamais sur la pièce principale. L’air circule par des différences de niveau, des soupiraux, des treillis végétaux. L’ombre fait le travail. Vous pouvez passer une heure dans une pièce en mi-lumière sans allumer le moindre luminaire en journée. C’est le but. Ici, la lumière se dose comme une matière, pas comme un décor.

Dans les grandes maisons, la galerie intérieure longe un patio. Les pièces s’ouvrent sur cet espace calme, à l’abri du vent. On cuisine dans des volumes ventilés, on dort derrière une deuxième porte. La hiérarchie des espaces est simple à comprendre quand vous traversez la maison. Public à l’avant, intime au fond, stockage en haut. Tout dans la maison suit une logique d’usage avant toute idée d’apparat.

Enduits, couleurs et entretien

Les enduits à la terre ou à la chaux protègent la structure. Ils ferment la peau du mur, corrigent les petites fissures, repoussent l’eau. Les teintes reprennent la palette du sol : ocres, bruns, roses, gris chauds. Quelques façades reçoivent un badigeon clair qui renvoie le soleil. La chaux laisse passer la vapeur d’eau et limite les cloques. Vous verrez souvent des reprises par plaques. C’est normal. On répare à la saison sèche, zone par zone, sans tout refaire. Ici, l’entretien est saisonnier, pas une rénovation spectaculaire.

Un conseil que donnent les artisans du Sud : surveiller les angles et les pieds de murs. Ce sont les points faibles. Une rigole bien profilée vaut souvent mieux qu’un enduit épais. L’eau gagne toujours si on la sous-estime. Dans ces maisons, la durabilité tient souvent à une simple rigole bien pensée.

La kasbah de Taourirt : un manuel à ciel ouvert

Face à la ville nouvelle, Taourirt sert d’école à qui veut apprendre. Les tours d’angle carrées, les créneaux, les décrochements, tout est lisible. Les façades superposent plusieurs campagnes de travaux. On repère les reprises à la couleur des terres, aux traces de coffrage, aux joints plus clairs. La plupart des percements sont petits. Quelques loges en saillie percent la ligne du ciel. À l’intérieur, la séquence des pièces montre la logique bioclimatique : pièces aveugles pour le stockage, salles hautes éclairées par le haut, couloirs étroits qui font tampon. Taourirt condense des siècles d’adaptation au climat en une seule façade.

Un visiteur pressé regarde les merlons et prend une photographie. Un visiteur curieux reste dix minutes face à un angle. Il voit le soubassement en pierre, la levée en pisé, la reprise en adobe près d’une fenêtre, le chaînage en bois sous le parapet. Il ressort avec un plan de maison dans la tête.

kasbah de Taourirt

Entre ancien et récent : la ville qui grandit

Ouarzazate a changé avec les studios de cinéma, les routes et les nouveaux quartiers. Le béton armé et la brique cuite ont gagné du terrain. Les immeubles actuels reprennent parfois la silhouette locale : teintes de terre, bandeaux, merlons stylisés, petites baies en façade sud, loggias au nord. Quand le dessin reste compact et l’orientation pensée, le confort suit. Quand l’immeuble s’ouvre trop au sud, la clim remplace la logique de la matière. Le décor a changé, mais le climat, lui, impose toujours ses règles.

On voit aussi des maisons “mixtes” : structure poteaux-poutres en béton, remplissages en briques, isolation par l’intérieur, enduit coloré. Ce compromis tient la route si l’on respecte quelques règles : débords, protections solaires, ventilation croisée, matériaux réversibles. Une bonne nouvelle pour la maintenance : un enduit à la chaux posé sur une maçonnerie récente, bien préparée, vieillit mieux qu’une peinture filmogène. Ces alliances prouvent que la cohérence vaut mieux que la copie.

Ce que le climat dicte, ce que le plan répond

Le soleil d’altitude, le vent du chergui, les nuits fraîches imposent une trame. Compacité. Murs lourds. Ombre portée. Façades sud peu ouvertes. Façades nord plus généreuses. Patios et cours comme poumons. Toits praticables. Ces principes valent pour les maisons historiques et pour les projets d’aujourd’hui. Ils ne coûtent pas plus cher quand ils sont pensés dès le départ.

Une étude de l’Université Cadi Ayyad sur les habitats en terre du Sud marocain a montré des écarts de température intérieure de 6 à 10 °C entre pièces bien orientées et pièces mal orientées en été, à matériaux égaux. Ce n’est pas un détail. C’est votre confort quotidien qui se joue sur un croquis de plan.

maisons à ouarzazate

Ce que vous pouvez apprendre d’une visite

Prenez une heure à Taourirt, puis perdez-vous dans les quartiers qui montent vers les collines. Comparez. Les épaisseurs changent, les teintes varient, les formes se simplifient. Un habitant vous dira peut-être, avec un sourire, que “la maison respire mieux qu’une machine”. Il n’a pas tort. Une maçonnerie de terre bien protégée régule l’humidité, amortit les pics de chaleur, se répare sans outillage lourd.

Cas parlant : une famille a rehaussé son toit-terrasse pour gagner une chambre. Bois local, treillis de roseaux, petite chape de terre, enduit de chaux. La pièce reste fraîche jusqu’à la fin de l’après-midi en été. Le soir, on ouvre deux grilles et l’air se renouvelle. Pas de miracle, des choix logiques, adaptés au lieu.

Film, image et réel

Ouarzazate s’est fait connaître par le cinéma. Les décors donnent envie. Ils inspirent parfois des façades “à motif”. L’architecture du quotidien, elle, vit de solutions sobres. Un projet solide tient d’abord par la coupe et par l’orientation, puis par la matière. Le décor vient après. Si vous hésitez devant un dessin trop chargé, retirez deux éléments et gardez le reste. La maison gagnera souvent en confort.

commerce typique dans la vieille ville de ouarzazate

D’autres lieux à découvrir dans les environs

  • Le Ksar d’Aït Ben Haddou : probablement le plus célèbre à proximité de Ouarzazate. Il est classé au patrimoine mondial de l’UNESCO. C’est l’un des exemples les plus aboutis d’architecture en pisé du Maroc, avec ses tours crénelées et ses maisons imbriquées qui épousent la colline.
  • La Kasbah de Tifoultoute : à environ 8 km de Ouarzazate, elle domine la vallée et montre des signes de restauration et de ruine partielle. Construite au XIXᵉ siècle, elle servait de résidence fortifiée aux caïds de la région. Ses tours massives et ses passages voûtés témoignent d’une organisation défensive et domestique, typique des grandes kasbahs du Sud marocain.
  • La Kasbah de Tamnougalt : moins médiatisée, mais citée parmi les kasbahs intéressant autour de Ouarzazate et dans la vallée du Drâa. Elle s’étend sur plusieurs niveaux, entre palmeraie et oued, avec un réseau complexe de ruelles couvertes et de pièces d’habitation en pisé encore habitées.
  • La Kasbah de Telouet : sur la route entre Marrakech et Ouarzazate, elle est souvent mentionnée dans les circuits des kasbahs du sud. Ancienne demeure des Glaoui, elle mêle architecture de défense et décors raffinés, avec des plafonds sculptés, des zelliges marocains et des stucs.
  • Les kasbahs de Skoura : dans la palmeraie de Skoura, de nombreuses kasbahs moins spectaculaires mais typiques, comme celle d’Amridil. La kasbah d’Amridi illustre le savoir-faire local : murs en pisé, escaliers étroits, tours d’angle et espaces pensés pour les récoltes et la famille.
Ksar Aït Ben Haddou
Ksar d’Aït Ben Haddou

Ce que les maisons de Ouarzazate nous apprennent

Elles montrent qu’un habitat peut être ancré sans tourner le dos au présent. Elles prouvent qu’une matière brute sait rendre un intérieur doux. Elles rappellent que le climat est un allié quand on le respecte. Et elles donnent une leçon utile à tout projet dans les régions sèches : faire court, faire dense, faire ombre. Si vous deviez ne garder que trois repères pour votre maison ici, gardez ceux-ci. Un plan compact. Des murs épais qui respirent. Des protections solaires réelles et pas uniquement décoratives. Vous aurez un logement agréable toute l’année, facile à entretenir, et fidèle à l’esprit du lieu.

Derniers conseils avant de repartir

Regardez autour de vous. Les artisans ont des gestes précis, acquis sur des générations. Demandez à voir un chantier en cours. Touchez un mur en fin de matinée et le même mur au coucher du soleil. La différence dit tout. Et si vous achetez, prenez le temps après une pluie. Les traces d’écoulement montrent la vérité mieux que n’importe quelle annonce. Ici, la maison se lit au toucher et à la lumière.

Ouarzazate ne cherche pas l’effet. Elle bâtit des maisons de terre qui tiennent, qui gardent la fraîcheur et la lumière. Cette sobriété n’est pas une nostalgie. C’est une méthode de construction. Vous pouvez l’appliquer, à l’ancienne ou avec des moyens actuels. Le résultat sera juste, pour vous et pour le lieu.

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