Les maisons traditionnelles des Kiribati témoignent d’un savoir-faire architectural adapté aux contraintes d’un environnement difficile : îles basses coralliennes, vents dominants d’alizés, pluies tropicales et exposition aux cyclones. Elles reposent sur des matériaux locaux, une ingéniosité constructive éprouvée et un sens communautaire très fort. Selon le Secrétariat général de la Communauté du Pacifique (SPC), près de 60 % des habitations en milieu rural utilisent encore des matériaux traditionnels.
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Matériaux locaux et techniques constructives
Les maisons sont construites presque exclusivement avec des matériaux indigènes :
- Structure : poteaux en bois de cocotier (Cocos nucifera) ou de pandanus (Pandanus tectorius), sélectionnés pour leur résistance à la salinité.
- Liens d’assemblage : cordages en fibres de coco (sennit), produits à partir de l’écorce de la noix de coco. Selon l’université du Pacifique Sud (USP), ce matériau résiste mieux au sel.
- Toiture : chaume tressé en feuilles de pandanus séchées, réputé étanche pendant 5 à 7 ans.
- Parois : nattes tissées en feuilles de cocotiers ou pandanus, parfois inexistantes pour favoriser la ventilation croisée. Elles peuvent être retirées ou remplacées aisément après un cyclone.
Cette architecture ouverte répond au climat équatorial : fraîcheur naturelle, ventilation, résilience au vent. Le plancher est souvent en gravier de corail recouvert de nattes tressées, ce qui facilite l’entretien et limite les remontées d’humidité. Elle offre ainsi un confort thermique sans recours à l’énergie.

Formes d’habitat : simplicité et fonctionnalité
Dans les villages, les maisons sont organisées en petits ensembles familiaux composés :
- d’une maison d’habitation (te utu),
- d’une cuisine extérieure (te kainga),
- et d’un abri de stockage ou atelier (te bwia).
Certaines maisons sont surélevées pour éviter les infiltrations d’eau et les nuisibles. On observe aussi quelques exemples traditionnels à deux niveaux, utilisés pour le stockage ou comme dortoirs.
Les meubles sont rares. La vie quotidienne se déroule au sol, sur des nattes. Le couchage se fait sur la même surface et la cuisine s’effectue avec un four en pierres utilisant du coprah (charbon de noix de coco), combustible traditionnel. Ce mode de vie réduit les besoins matériels et favorise la simplicité.

Évolutions modernes : entre tradition et tôle ondulée
Avec l’influence missionnaire puis coloniale, les maisons ont progressivement intégré tôle ondulée, blocs de béton ou menuiseries modernes. Toutefois, selon un rapport du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD, 2021), les matériaux importés accélèrent parfois la vulnérabilité thermique : la tôle accumule la chaleur et le béton est inadapté aux sols coralliens instables.
Le gouvernement de Kiribati encourage désormais les matériaux traditionnels dans ses programmes de construction d’habitat résilient car ils résistent mieux au climat local et nécessitent beaucoup moins d’entretien (Ministry of Infrastructure and Sustainable Energy, Kiribati, 2019).
Une évolution intermédiaire courante concerne l’apparition de murs hybrides, visibles notamment dans plusieurs villages des îles Gilbert. Il s’agit de parois constituées d’un assemblage de plaques de contreplaqué, de fragments de bois récupérés ou de tôles, montés sur la structure traditionnelle en poteaux de cocotier. Cette solution naît d’un contexte de rareté des ressources et d’un accès limité aux matériaux importés, tout en permettant une meilleure protection contre la pluie et les embruns qu’avec des nattes tressées seules. Toutefois, ces murs mixtes présentent plusieurs limites : ils réduisent la ventilation naturelle, créent de la condensation à l’intérieur et peuvent accélérer la dégradation des charpentes en raison du manque d’aération. Selon un rapport du Pacific Centre for Environment and Sustainable Development (PaCE-SD, 2020), cette tendance traduit une adaptation pragmatique mais parfois mal maîtrisée techniquement, révélant les tensions actuelles entre habitat traditionnel et modernisation contrainte par le changement climatique et la pauvreté énergétique.

La maneaba : architecture communautaire et pouvoir social
Au cœur de chaque village des Kiribati se dresse la maneaba, une imposante maison de réunion. Elle est à la fois salle de réunion, tribunal coutumier, lieu de fête, de prière et de gouvernance traditionnelle. Sa construction est un acte collectif qui peut rassembler plusieurs dizaines de familles.
- Structure gigantesque en bois de cocotier
- Toit pyramidal bas pour résister au vent
- Absence de murs pour accueillir toute la communauté
- Assemblages en fibres végétales sans clous ni vis
Selon la UNESCO (Pacific Heritage Program, 2018), la maneaba n’est pas uniquement un bâtiment, « c’est l’institution fondatrice de l’ordre social kiribatien ». Son architecture est symbolique : chaque poutre porte un nom et représente un clan, rappelant la structure sociale du village.

Une architecture menacée par la montée des eaux
Kiribati est l’un des pays les plus exposés au changement climatique, selon de nombreux rapports internationaux. Avec un point culminant à 3 mètres au-dessus du niveau de la mer, l’élévation du niveau des océans augmente les infiltrations d’eau salée et fragilise les villages côtiers. Plusieurs programmes, soutenus par le Fonds vert pour le climat (2019), cherchent à adapter l’habitat traditionnel en :
- élevant les planchers sur pilotis,
- introduisant des toits mixtes pandanus + tôle anti-cyclonique,
- renforçant les assemblages traditionnels par des cordages modernes.