Au cœur du Swaziland, aujourd’hui appelé Eswatini, l’architecture vernaculaire reste très marquée et influencée par les traditions locales. L’un des exemples les plus emblématiques est la hutte « ruche » Nguni. Cette habitation ancestrale tire son nom de sa forme caractéristique en dôme, semblable à une ruche d’abeilles, et reflète les pratiques sociales et culturelles du peuple swazi.
Une architecture ronde et ingénieuse
La hutte Nguni est construite à partir d’un cadre semi-sphérique formé de poteaux en bois souple recouverts de chaume. Le tout est solidement lié avec des cordes tressées à partir de fibres végétales. Ce type d’architecture ne nécessite ni clous, ni ciment, ni fondation profonde, ce qui la rend particulièrement adaptée à l’environnement local. La structure est démontable si besoin.
Le chaume utilisé pour le toit est une herbe grossière, résistante aux intempéries et renouvelable. Sa forme arrondie permet une bonne circulation de l’air à l’intérieur, tout en limitant l’exposition au vent.

Fonctionnalité et spiritualité
Chaque hutte a une fonction précise. Dans une ferme swazi traditionnelle, surtout dans les foyers polygames, chaque épouse dispose de sa propre hutte ainsi que d’une cour privée, séparée des autres par des palissades de roseaux. On distingue trois types de huttes principales :
- La hutte pour dormir, souvent la plus intime.
- La hutte pour cuisiner, avec un foyer central permanent.
- La hutte de stockage, dédiée aux récoltes ou aux objets de valeur.
Dans les grandes fermes, des huttes supplémentaires sont construites pour les fils célibataires ou comme espaces de réception. La grande hutte centrale, souvent plus imposante, est consacrée aux esprits ancestraux. Elle est considérée comme un lieu sacré et reste vide ou utilisée pour les rituels.

Une porte basse et un cercle protecteur
L’entrée des huttes Nguni est volontairement très basse. Les personnes doivent se courber pour entrer, un geste perçu comme un signe de respect mais également une mesure défensive : en cas d’attaque, un ennemi ne peut pas pénétrer rapidement. Le plan circulaire de la hutte, sans angles, repose également sur une croyance : les esprits malins ne peuvent pas se cacher dans les coins.
Cette disposition circulaire se retrouve à l’échelle de la propriété entière. Les huttes sont généralement regroupées, formant un petit village familial, avec des tailles variables selon leur fonction ou le statut de la personne qu’elles abritent. Ce regroupement renforce les liens familiaux et facilite la répartition des tâches quotidiennes. Les enfants peuvent passer d’une hutte à l’autre en toute sécurité, sous l’œil des aînés. L’agencement circulaire crée aussi un espace central partagé, souvent utilisé pour les réunions, rites ou célébrations. Cette configuration favorise la cohésion sociale et symbolise l’unité du clan.

Confort naturel et hygiène intégrée
Malgré leur apparente simplicité, les huttes Nguni sont particulièrement efficaces sur le plan thermique. Elles restent fraîches en été grâce à la ventilation naturelle du chaume, et conservent la chaleur en hiver grâce à leur forme fermée et à la densité du toit. Le sol est recouvert de sable finement ratissé, parfois durci à l’argile. Un feu est maintenu au centre pour chauffer, cuisiner ou éloigner les insectes. La fumée s’échappe lentement à travers les interstices du toit, créant un effet de fumigation naturelle.
Traditionnellement, il n’y avait ni meubles ni chaises. Les habitants s’asseyaient ou dormaient sur des tapis en herbe tressée, avec pour oreillers des appuis-tête en bois sculpté, utilitaires et esthétiques.

Une adaptation contemporaine pour le tourisme
Aujourd’hui, de nombreuses huttes Nguni ont été adaptées pour accueillir des touristes. Dans des lodges comme Hawane, Mlilwane, Nisela ou Phophonyane, les huttes conservent leur forme traditionnelle mais incluent des lits modernes, parfois une douche intérieure, tout en respectant l’esprit du lieu.
Cette valorisation touristique permet de préserver le savoir-faire de la maison ruche traditionnelle du Swaziland, tout en offrant des revenus complémentaires aux communautés locales.