Au cœur de la ville de Tiumen se trouve un bâtiment hors du commun : baptisé « Дом-книга » (« maison-livre »), il présente sur sa façade une illusion architecturale : une rangée de reliures de livres géants peints à l’échelle du bâtiment. Il ne s’agit pas que d’un effet visuel ou d’un simple projet de street-art, mais d’une intervention qui interroge la relation entre architecture, culture du livre et patrimoine.
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Contexte urbain et localisation
Le bâtiment est situé dans la cour de la Гимназия № 5, au 51a/1, rue Минская (Minskaya ul.), à Tiumen. Il fait originellement partie d’un bâtiment scolaire ou d’annexe ; avant la transformation, c’était un « serye zdanie » (un bâtiment gris, ordinaire) selon la presse locale. L’intervention s’inscrit dans un contexte de revitalisation visuelle d’un espace urbain souvent inséré dans un tissu post-soviétique à faible décor.
Architecture, volumétrie et façade trompe-l’œil
Architecturalement, l’intérêt de ce trompe-l’œil réside dans l’usage d’un procédé de façade atypique : non pas un revêtement ou un bardage, mais une illusion d’optique peinte qui transforme la perception du bâtiment. : la surface verticale est recouverte d’un rendu pictural représentant des tranches de livres de hauteur équivalente à toute l’élévation du bâtiment. Ainsi, les fenêtres sont intégrées dans les reliures, comme si elles faisaient partie du décor. Sur un plan purement volumétrique, il s’agit d’un bâtiment modeste, mais la façade métamorphosée crée un effet de surprise et de monument.
Le choix des proportions est notable : les « livres » sont d’une hauteur d’étage + toiture, ce qui amplifie visuellement le bâtiment. Ce procédé rappelle les interventions contemporaines où l’on sculpte le volume architectural existant par un décor fort plutôt que par une restructuration lourde.
Signification culturelle et littéraire
Le thème du livre est doublement symbolique : d’une part, l’édifice étant lié à une école, le motif valorise l’apprentissage, la lecture et le patrimoine intellectuel. D’autre part, les titres peints évoquent des classiques de la littérature russe ainsi que des œuvres liées à la région de Tiumen. Par exemple : Anna Karénine, Les Voiles écarlates, Hamlet, mais aussi des ouvrages comme Tioumen ma fierté.
Cette articulation entre architecture et lecture donne à la façade un statut ludique et pédagogique : la maison-livre devient art, mais aussi un bâtiment valorisant l’écrit dans l’espace public.
Processus et acteurs de la transformation
Selon un article daté du 10 octobre 2012, une des parois du bâtiment a été transformée en « étagère géante » en une «единственный день», et les échafaudages ont été retirés le 9 octobre. Le projet a été réalisé par un collectif d’artistes de la ville de Tiumen, à l’initiative de la direction de l’école et des autorités locales, dans le cadre d’un aménagement urbain visant à redonner vie à un bâtiment banal.
Ainsi, sans modification majeure du volume ou de la structure, l’intervention architecturale-graphique a permis de créer un lieu repère, renforçant l’identité du quartier.
Impact architectural et urbain
Architecturalement, ce projet constitue un exemple de valorisation d’un bâti modeste (hors monument historique) par une intervention graphique forte qui ne nécessite ni extension ni réfection complète. Il s’agit d’une stratégie douce de « ré-habillage » du bâtiment existant.
Sur le plan urbain, la transformation a deux effets : elle augmente la visibilité de l’école et de son bâtiment, et elle participe à l’humanisation de l’espace extérieur, en installant un motif qui capte l’attention et invite à la curiosité. Le fait qu’il s’agisse d’un « mur-étagère » géant en plein cours d’école rend l’architecture accessible et sociale. Cela transforme un lieu quotidien en repère visuel et poétique.
La «maison-livre» de Tiumen illustre une approche originale de l’architecture urbaine : transformer un bâtiment ordinaire en support d’art et de culture, avec un fort impact visuel, en lien direct avec la lecture et l’éducation. Pour un public intéressé par l’architecture non conventionnelle, elle montre comment une peinture monumentale peut changer la lecture d’un volume banal et participer à la vie urbaine.