Au cœur de Moroni, sur le boulevard Karthala, un bâtiment discret attire l’attention par sa silhouette régulière et ses galeries ombragées. Aujourd’hui siège du Musée national des Comores, cette ancienne maison coloniale illustre la façon dont un édifice domestique peut être adapté, réemployé et chargé d’une fonction culturelle. Sa lecture architecturale met en lumière un vocabulaire ingénieux : maçonnerie enduite, galeries périphériques ventilées, débords de toiture protecteurs, dispositifs passifs d’adaptation thermique. Loin d’être un décor administratif reconverti, ce bâtiment parle de l’évolution de l’architecture comorienne du XXᵉ siècle, entre héritage swahili, contraintes tropicales et influences européennes.
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Histoire de cette maison coloniale des Comores
Probablement construite durant la première moitié du XXᵉ siècle, à l’époque où Moroni se dote d’un début de trame administrative sous domination française, la maison qui abrite aujourd’hui le Musée national des Comores appartient à la catégorie des « maisons de fonction ». Son gabarit à deux niveaux, sa galerie périphérique et sa façade ordonnancée indiquent un commanditaire officiel (très vraisemblablement l’administration coloniale ou un notable local allié au pouvoir en place).
Bien que les archives disponibles soient lacunaires, plusieurs indices convergent : emplacement stratégique le long du boulevard Karthala, proximité historique des bureaux administratifs, typologie inspirée du modèle des résidences de gouverneurs de district ou de chefs de service. Cette maison se distinguait déjà dans le paysage urbain naissant de Moroni par son langage constructif mêlant maçonnerie, symétrie et dispositifs climatiques empruntés aux architectures tropicales coloniales.
Après l’indépendance de 1975, comme d’autres bâtiments hérités de la période coloniale, la maison connaît une phase de réaffectation progressive. Plutôt que d’être abandonnée ou privatisée, elle est intégrée au patrimoine public naissant et confiée au Centre national de documentation et de la recherche scientifique (CNDRS), créé pour structurer la mémoire nationale. En 1989, l’édifice change officiellement de statut et devient le Musée national des Comores, premier lieu dédié à la valorisation du patrimoine culturel, historique et naturel du pays. Ce réemploi marque une reconquête symbolique : une architecture importée, initialement liée au contrôle colonial, devient un lieu de transmission.
Implantation et statut
Le Musée national des Comores occupe un bâtiment de la période coloniale situé boulevard Karthala, au sud du centre de Moroni. L’adresse figure dans des répertoires culturels, et les vues accessibles en ligne confirment l’implantation urbaine en léger surplomb, à proximité de l’axe côtier.
Ouvert en 1989, l’équipement relève du Centre national de documentation et de la recherche scientifique (CNDRS), avec quatre salles d’expositions thématiques. Ce cadrage institutionnel éclaire l’usage « public » d’un édifice d’origine domestique.
Typologie : une grande maison à galerie périphérique
L’édifice est une maison à deux niveaux organisée autour d’une galerie périphérique couverte au dernier étage : une typologie courante dans l’architecture coloniale tropicale, pensée pour ventiler, ombrer et circuler à l’abri. La photographie de référence montre une coursive continue portée par des colonnes régulières, une balustrade à balustres pleins et une toiture à pans débordante, couverte de tôle.
Au rez-de-chaussée, des travées ouvertes alternent avec des baies protégées par des grilles métalliques, tandis que l’étage accueille les espaces principaux sous la galerie. Ces choix architecturaux répondent directement à la chaleur, aux pluies saisonnières et à la nécessité de capter les vents.
Élément-clé n°1 : la galerie comme outil climatique
La galerie courante joue trois rôles :
- Thermique : elle met la façade à l’ombre et limite le rayonnement direct sur les murs porteurs.
- Aéraulique : elle favorise la ventilation croisée des pièces, la brise se chargeant de rafraîchir murs et sols. Ce flux naturel limite également l’humidité stagnante.
- Fonctionnel : elle offre une circulation extérieure continue, utile pour un musée (flux de visiteurs) et, historiquement, pour la vie domestique.
Dans les régions swahilies et sur les façades littorales d’Afrique de l’Est, ce dispositif de pièces sous galerie est un invariant climatique, que l’on retrouve dans les architectures locales en pierre de corail et dans les adaptations européennes. (Contexte régional sur la pierre de corail et l’architecture côtière.)
Élément-clé n°2 : structure massive et sobriété ornementale
La maçonnerie enduite et la sobriété des élévations traduisent une recherche de durabilité et de maintenance facile : volumes pleins, percements mesurés, ornement limité aux balustres et à l’alignement des colonnes. La lisibilité structurelle (poteaux réguliers, rythme des travées) facilite la réversibilité des usages (habiter hier, exposer aujourd’hui) et le contrôle des désordres (fissures, eaux ruisselées). Ces choix, encore visibles, sont caractéristiques des maisons coloniales tropicales « de fonction ».
Transformation en musée : réemploi et flux
Le passage à l’usage muséal a tiré parti de l’existant :
- Parcours : la galerie sert naturellement de déambulation entre les salles.
- Programmation : quatre salles thématiques occupent le cœur du volume (volcanologie, histoire et arts, océanographie, anthropologie sociale), avec des annexes au rez-de-chaussée.
- Accès : l’implantation sur le boulevard assure la lisibilité et la desserte.
Repères utiles
- Nom : Musée national des Comores (Le musée national des Comores)
- Localisation : Moroni, boulevard Karthala
- Mise en service comme musée : 1989
- Tutelle : CNDRS
- Thématiques des collections : histoire et arts ; volcanologie et sciences de la Terre ; océanographie et sciences naturelles ; anthropologie sociale.