Icing House à Fuerteventura : une maison-gâteau face à l’Atlantique

La Icing House, au-dessus de la plage d’Esquinzo, fait partie de ces constructions qui déconcertent autant qu’elles intriguent. Sa silhouette paraît simple, mais sa peau blanche, travaillée comme un glaçage qui déborde des arêtes et enveloppe les volumes, lui donne l’allure d’une sculpture posée face à l’Atlantique. Rarement documentée, souvent photographiée, cette villa devenue logement de vacances est un bon exemple de ces architectures singulières qui échappent aux catégories habituelles.

Une maison-sculpture au bout de l’île

La Icing House est l’une de ces constructions qui semblent sortir d’un rêve plutôt que d’un permis de construire. Située sur la côte sud de Fuerteventura, dans le secteur d’Esquinzo, au-dessus des plages de Jandía, elle est aujourd’hui connue sous le nom de « Oceania Sugarhouse », une maison de vacances en bord de mer, avec jardin, grande terrasse et accès direct à la plage. Depuis la route, on perçoit d’abord une masse de pierre couleur terre, littéralement recouverte de coulures blanches. C’est cette enveloppe qui lui a valu son surnom de « Icing House » (maison au glaçage), au point d’être régulièrement citée parmi les maisons les plus insolites du monde dans les sélections touristiques internationales.

Un volume relativement simple, transformé par sa peau

Si l’on met de côté l’effet spectaculaire, la maison semble reposer sur une volumétrie assez simple : un socle bas, de un à deux niveaux selon les façades, en léger décroché sur le terrain, avec quelques émergences plus hautes qui jouent le rôle de tourelles ou de lanternons.

La composition n’a rien de monumental ; elle s’apparente plutôt à une villa côtière à l’échelle domestique, organisée pour profiter de la vue sur l’Atlantique et de l’orientation au soleil.

Le plan exact est inconnu (aucun document public ne détaille la distribution intérieure), mais les photos laissent deviner un corps principal rectangulaire prolongé par des ailes latérales, comme beaucoup de maisons traditionnelles de Fuerteventuira agrandies au fil du temps. La singularité de la Icing House ne vient donc pas de son gabarit, mais de la façon dont sa façade est travaillée comme une surface continue, sans hiérarchie claire entre mur porteur, corniche, allège, encadrement de fenêtre ou garde-corps.

Icing House à Fuerteventura

Pierre et « glaçage » blanc : une double matérialité

Architecturalement, la maison joue sur un contraste très fort entre deux matériaux. La structure de base est en maçonnerie de pierre locale, dans une teinte chaude, brune ou ocre, typique des murs en pierre sèche ou des façades rustiques des Canaries. Cette assise minérale ancre la maison dans son paysage, fait d’anciens champs de pierre, de murets et de coteaux battus par le vent.

Par-dessus, l’auteur du projet a appliqué une sorte de « glaçage » blanc : un enduit épais, probablement à base de mortier ciment ou de chaux, modelé en relief. Plutôt que de lisser les surfaces, ce revêtement dessine des coulures, des gouttes figées, des bourrelets qui débordent des arêtes, envahissent les encadrements et s’accumulent sur les corniches. L’image la plus juste est celle d’un gâteau que l’on aurait recouvert de glaçage royal en laissant volontairement déborder la matière. Selon la lumière, ces excroissances captent des ombres très nettes, ce qui accentue encore l’effet plastique : la façade devient un grand bas-relief abstrait, lisible depuis la route autant que depuis la plage.

Ouvertures et détails : un vocabulaire proche du conte

Les fenêtres sont encadrées par ce glaçage blanc comme par un décor de pâtisserie. Certaines baies sont rectangulaires et plutôt classiques, d’autres adoptent une forme plus organique, légèrement arrondie, parfois presque ovale. Sur les parties hautes, on repère de petits oculus ou des ouvertures rondes qui évoquent des hublots, renforçant le caractère presque nautique de certaines élévations.

Des observateurs ont rapproché cette maison des architectures organiques catalanes, en particulier de l’univers de Gaudí, tout en soulignant qu’ici la référence est poussée vers le kitsch assumé et la fantaisie gourmande. Les garde-corps, murets de clôture et portails sont traités comme des prolongements de la façade : la pierre sert de squelette, le glaçage blanc vient dessiner des arabesques, des formes florales ou des vagues, de façon quasi continue. L’ensemble donne une impression d’unité très forte ; on a le sentiment que la maison, le jardin et la limite de propriété appartiennent à la même sculpture.

Entre détournement du vernaculaire et architecture kitsch

Ce qui rend la Icing House intéressante pour un regard d’architecte, c’est le mélange entre références locales et mise en scène kitsch. Sur Fuerteventura, l’habitat traditionnel se compose le plus souvent de maisons de plain-pied, organisées en L ou en C, orientées au sud pour se protéger du vent du nord, avec des murs en pierre et des enduits à la chaux qui blanchissent les façades.

La Icing House reprend une partie de ce vocabulaire (socle en pierre, enduit blanc, volume assez bas) mais le détourne radicalement. Au lieu d’un blanc lisse et fonctionnel, censé réfléchir la chaleur, l’enduit devient décor, motif, presque caricature de lui-même. Au lieu de souligner la rationalité de la structure, il la masque volontairement sous des formes ludiques. On peut y voir une critique implicite de certains discours sur l’authenticité de l’architecture insulaire : ici, le matériau traditionnel est présent, mais mis au service d’un imaginaire : celui de la maison de pain d’épices ou du décor de parc à thème.

Une architecture presque anonyme

Un point frappe lorsqu’on enquête sur la Icing House : le silence relatif des sources. Les sites touristiques mentionnent la maison, mais sans citer d’architecte, ni de date précise de construction ; certains blogs se contentent de reconnaître qu’ils n’ont « aucune information » autre que son nom, sa localisation et son statut d’attraction locale. On ignore si le projet est l’œuvre d’un architecte identifié, d’un artisan-bâtisseur local ou d’un propriétaire bricoleur doté d’une grande patience. Ce flou biographique renforce la dimension un peu mythique de la maison : elle apparaît comme un geste isolé, spontané, sans manifeste ni discours théorique, à rebours des récits habituels sur l’architecture contemporaine.

Pour un regard de professionnel, cette absence de documentation complique l’analyse, mais elle ouvre aussi un espace d’interprétation : la Icing House peut être lue comme un exemple d’architecture brute, où le projet est moins porté par un style que par une obsession formelle : ici, l’idée du glaçage.

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