Les Navajos (ou Diné, selon leur nom autochtone) sont l’un des peuples amérindiens les plus nombreux d’Amérique du Nord. Leur territoire s’étend aujourd’hui sur une grande réserve située aux confins de l’Arizona, du Nouveau-Mexique et de l’Utah. Si leur quotidien a largement évolué, leur architecture traditionnelle reste un pilier de leur identité culturelle. Le hogan en est l’expression la plus forte.
Une maison, un repère spirituel
Le hogan (ou hooghan en navajo) représente le cœur symbolique de la vie navajo. Construit selon des principes sacrés, il reflète l’équilibre entre les forces naturelles, les cycles du soleil, et les valeurs du peuple Diné. Sa forme, son orientation, sa structure… tout est codifié. L’architecture est ici un langage spirituel.
La porte, toujours orientée à l’est, s’ouvre sur le lever du soleil, considéré comme une source de sagesse et de renouveau. Cette orientation symbolise l’entrée dans le monde de la lumière, le commencement du jour, mais aussi la clarté de l’esprit. Lors de chaque lever du soleil, les rayons viennent bénir l’intérieur du hogan. Cette lumière matinale marque aussi le début des prières et des chants traditionnels.
Le feu central agit comme un axe du monde. Il incarne le lien entre les ancêtres, la terre et le ciel. Autour de lui s’organise la vie rituelle : bénédictions, soins, enseignements spirituels ou prières. Les cérémonies de guérison comme la Blessingway ou les rituels de chant s’y déroulent, guidés par des medicine men.
Même les matériaux choisis ont une signification : le bois vient de l’arbre vivant, la terre représente la Mère nourricière, et la forme ronde rappelle le cycle de la vie. Chaque étape de la construction du hogan est accompagnée de chants et de gestes sacrés, pour s’assurer que l’esprit de la maison soit bienveillant.
Aujourd’hui encore, malgré l’évolution des modes de vie, nombreux sont les Navajos qui conservent un hogan sur leur terrain. Il devient un espace de recueillement, de retour aux racines, un lieu où les anciens transmettent les histoires du clan et les savoirs ancestraux aux plus jeunes.

Des formes variées selon les usages
Il existe plusieurs types de hogans, adaptés aux saisons ou aux fonctions rituelles :
- Le hogan femelle : rond ou octogonal, utilisé en hiver, symbole de stabilité.
- Le hogan mâle : conique, plus simple, autrefois utilisé l’été ou pour des fonctions spécifiques.
- L’abri d’été : plus ouvert, avec un toit en écorce, conçu pour ventiler.
- La maison à transpirer (sweat lodge) : structure fermée pour les rituels de purification.
- La maison semi-enterrée : ancienne forme, protégée du froid extrême.
Toutes ces constructions ont un point commun : leur porte orientée à l’est. Elle capte la lumière du matin, symbole de renouveau et d’orientation spirituelle. Cette orientation n’est pas un simple choix pratique : elle répond à une cosmologie précise. L’est représente la naissance, la sagesse et le chemin de vie. Tourner le dos à l’est serait, symboliquement, se détourner de l’équilibre et de la connaissance.

Une construction simple et ingénieuse
Traditionnellement, les Navajos construisaient leur hogan avec les matériaux disponibles localement : bois, écorce, terre, pierre. Le processus est manuel, communautaire, et respecte des règles précises. La forme conique ou polygonale dépend de l’usage et du contexte climatique.
Le cadre en bois est monté avec des perches inclinées à 45°, puis recouvert d’herbes, d’écorce ou de boue. Une ouverture au sommet permet à la fumée du feu central de s’échapper. Le sol en terre battue est parfois humidifié pour améliorer la fraîcheur par évaporation.
Un exemple ancien d’architecture durable
Avant même que les termes “écologie” ou “énergie passive” n’existent, le hogan traditionnel des Navajos en appliquait les principes. Il offrait une régulation thermique naturelle :
- L’épaisseur des murs en terre isole du froid l’hiver et garde la fraîcheur l’été.
- La cheminée maintient la chaleur accumulée dans les parois (principe de masse thermique).
- L’orientation est permet d’éclairer et de réchauffer l’intérieur dès les premières lueurs du jour.


Avantages écologiques du hogan traditionnel
Le hogan illustre une parfaite symbiose entre habitat humain et environnement. Construit avec des matériaux locaux (bois, terre, pierre, écorce) il ne nécessite ni transport long ni transformation industrielle. La terre utilisée pour recouvrir les murs provient souvent du site même de la construction, ce qui réduit considérablement l’empreinte écologique du bâtiment. En fin de vie, le hogan retourne à la terre sans générer de déchets durables, à l’inverse des constructions contemporaines.
Grâce à ses murs épais en terre crue, le hogan conserve une température intérieure stable. Ce principe, appelé masse thermique, permet de garder la fraîcheur en été et la chaleur en hiver. Le feu central diffuse sa chaleur lentement. L’humidification du sol en terre battue favorise une légère évaporation, créant un microclimat intérieur confortable, même dans les zones arides du plateau du Colorado.
Le design même du hogan participe à cette performance énergétique. Sa forme basse et enveloppante limite les pertes de chaleur, tandis que son toit compact réduit l’exposition au vent. Aucun besoin d’isolation artificielle ni de systèmes mécaniques coûteux. L’aération naturelle, le bon sens architectural et l’intelligence des matériaux suffisent à assurer un confort thermique sans dépendre d’énergies externes. Une leçon d’architecture durable, bien avant l’heure, comme les constructions en adobe.

Le hogan aujourd’hui : entre mémoire et modernité
De nos jours, peu de nouveaux hogans sont construits pour l’habitation quotidienne. Les maisons modernes en pierre, bois ou parpaings ont pris le relais. Elles intègrent des éléments comme les toits plats, et adoptent parfois des formes hybrides entre hogan traditionnel et maison moderne.
Pourtant, le hogan n’a pas complètement disparu. Il vit autrement : dans les cérémonies, les programmes de revitalisation culturelle, ou les projets d’architecture durable. Des architectes contemporains s’en inspirent pour concevoir des habitats écologiques et adaptés aux climats arides.
