Les bungalows de l’ère coloniale en Inde occupent une place significative dans le paysage architectural du pays. Ils incarnent une fusion unique entre les influences locales et les styles européens apportés par les colonisateurs britanniques. Ces habitations, qui devinrent courantes au 19ème siècle, servaient principalement à loger les administrateurs britanniques et les officiers militaires. Cependant, avec le temps, les bungalows sont devenus emblématiques de l’urbanisme dans plusieurs villes indiennes.
Le terme « bungalow » est dérivé du mot hindoustani « bangla », qui signifie « de style bengali ». À l’origine, il faisait référence aux habitations traditionnelles des paysans de la région du Bengale. Les premiers colons britanniques en Inde adoptèrent ce style architectural, en l’adaptant à leurs besoins et goûts. Ces habitations étaient simples, pratiques et adaptées au climat tropical de l’Inde.
Caractéristiques architecturales
Le bungalow colonial se distingue par plusieurs caractéristiques qui reflètent son adaptation au climat indien. Tout d’abord, la structure de ces maisons était généralement de plain-pied (mais pas toujours, il pouvait y avoir un étage ou deux), avec une large véranda qui entourait souvent l’habitation.
Les toits des bungalows étaient inclinés et souvent recouverts de tuiles rouges ou de chaume, matériaux largement disponibles en Inde. Ces toits étaient conçus pour évacuer facilement l’eau de pluie, particulièrement abondante durant la mousson. La hauteur sous plafond était importante, permettant une meilleure ventilation et réduisant ainsi la chaleur à l’intérieur des pièces.
Les murs des bungalows étaient épais, souvent construits en briques ou en pierre, pour maintenir la fraîcheur à l’intérieur. Les fenêtres étaient nombreuses et larges, favorisant une circulation d’air constante et apportant de la lumière naturelle. Parfois, ces fenêtres étaient équipées de persiennes en bois.
Les jardins étaient un autre élément notable des bungalows coloniaux en Inde. Les Britanniques, habitués aux espaces verts de leur pays, reproduisirent cette esthétique en Inde. Les vastes jardins qui entouraient souvent ces habitations jouaient un rôle à la fois esthétique et fonctionnel. Ils offraient une barrière naturelle contre la chaleur et contribuaient à un environnement plus agréable.
Les bungalows reflètent les différents styles architecturaux en vogue au début du 20ème siècle, depuis les cottages rustiques à l’ancienne jusqu’à l’Art déco. De nombreuses maisons coloniales en Inde sont également dotées de magnifiques vitraux et de ferronneries délicates au-dessus des portes.
Fonctionnalité et vie quotidienne
Les bungalows coloniaux servaient également de lieux de travail pour les officiers et administrateurs britanniques. L’aménagement intérieur était généralement simple, mais spacieux. Les pièces étaient grandes, avec un salon ou une salle à manger au centre, entouré de chambres, de bureaux et de pièces annexes. Ce plan répondait aux besoins de confort et de prestige des occupants.
Les cuisines étaient souvent situées à l’extérieur du bâtiment principal, pour éviter que la chaleur et les odeurs ne pénètrent dans les pièces de vie. Ce modèle rappelle certaines habitations traditionnelles indiennes, où les zones de cuisson étaient séparées du lieu de vie principal.
Les domestiques indiens jouaient un rôle dans l’entretien des bungalows. La plupart des bungalows disposaient de logements séparés pour le personnel domestique, parfois intégrés dans le jardin ou à l’arrière de la maison. Ces logements étaient plus modestes, mais ils permettaient aux domestiques d’être disponibles à tout moment, contribuant à la gestion quotidienne du foyer.
Influences régionales
Bien que les bungalows coloniaux suivaient un style architectural général, ils n’étaient pas uniformes. Leur conception variait selon les villes et régions, en s’adaptant aux conditions locales et aux matériaux.
Dans le nord de l’Inde, par exemple, où les hivers sont plus rudes, les bungalows avaient souvent des cheminées pour réchauffer les pièces. Les toits étaient aussi conçus pour résister à la neige et aux vents plus forts. À l’inverse, dans le sud de l’Inde, où le climat est plus humide et chaud, les bungalows avaient souvent des toits encore plus inclinés et des fenêtres plus grandes pour favoriser la ventilation.
Dans les régions côtières, comme Bombay (aujourd’hui Mumbai), les bungalows coloniaux intégraient des éléments de l’architecture maritime. Le bois était plus souvent utilisé, en particulier pour les poutres et les encadrements des fenêtres, tandis que la présence de terrasses et de balcons se multipliait, offrant une vue sur la mer et un espace de détente face aux brises marines.
Dans les collines, comme à Simla ou Darjeeling, où de nombreux Britanniques se retiraient pendant l’été, les bungalows arboraient un style alpin. Le bois était le matériau dominant, et les toits étaient souvent en pente raide pour évacuer la neige pendant les mois d’hiver. Ces bungalows, avec leurs cheminées et leurs toits de chaume, ressemblaient parfois aux chalets suisses, un style qui plaisait aux colons.
Héritage et évolution postcoloniale
Après l’indépendance de l’Inde en 1947, de nombreux bungalows coloniaux furent nationalisés ou vendus à des particuliers indiens. Leur fonction évolua, certains devenant des résidences officielles pour les hauts fonctionnaires ou des hôtels de luxe pour les touristes.
Le bungalow devint un symbole de statut social pour la classe moyenne émergente en Inde. Les promoteurs immobiliers adoptèrent ce style architectural pour répondre à la demande croissante de maisons individuelles, souvent dans des lotissements résidentiels en banlieue. Bien que ces bungalows modernes soient souvent plus petits et moins ornés que leurs prédécesseurs, ils conservaient certaines caractéristiques typiques : toits inclinés, vérandas et jardins.
Cependant, au fil des décennies, le modèle du bungalow colonial indien fut progressivement remplacé par des immeubles d’appartements et des complexes résidentiels plus denses, surtout dans les grandes villes comme Delhi, Mumbai et Bangalore. Le manque d’espace et la pression immobilière forcèrent les architectes à repenser l’urbanisme et à privilégier les constructions verticales.
Conservation et patrimoine
Aujourd’hui, de nombreux bungalows coloniaux en Inde sont protégés en tant que patrimoine historique. Ils témoignent d’une époque marquée par la domination britannique, mais aussi par l’interaction entre les cultures occidentale et indienne. Leur préservation est devenue une priorité pour plusieurs associations et organismes, qui cherchent à maintenir leur authenticité tout en les adaptant aux besoins modernes.
Dans certaines villes, comme Calcutta ou Pondichéry, des quartiers entiers de bungalows ont été restaurés, attirant aussi bien des touristes que des passionnés d’architecture. Ces bâtiments rénovés sont souvent transformés en hôtels, restaurants ou musées, tout en conservant leur charme d’origine.
La réhabilitation de ces bungalows est un défi, car beaucoup d’entre eux nécessitent d’importantes réparations. Le climat tropical et l’usure du temps ont endommagé certaines structures, rendant la restauration des anciennes bâtisses complexe et coûteuse. Malgré ces obstacles, la préservation des bungalows coloniaux reste un enjeu architectural majeur pour le patrimoine indien.
Les photos de cet article ont été prises à Bandra (ouest de Mumbai) et appartiennent à Minor Sights.