Bait Areesh : histoire et caractéristiques d’un habitat vernaculaire du Golfe

Les régions désertiques de la péninsule Arabique ont vu naître des formes d’architecture ingénieuses, conçues pour s’adapter à un climat extrême, tout en valorisant les ressources locales. Parmi les habitats traditionnels emblématiques du Golfe, le Bait Areesh occupe une place à part. Cette maison, construite en feuilles de palmier, témoigne de l’ingéniosité des sociétés oasiennes et maritimes dans leur gestion des matériaux, de l’espace et du confort thermique. Voici son histoire et ses caractéristiques.

Origines et évolution du Bait Areesh

Le terme Bait Areesh (arabe : بيت عريش) désigne littéralement la « maison d’areesh », l’areesh étant un assemblage de palmes de dattier tressées. Cet habitat apparaît dès l’Antiquité dans les régions arides de la péninsule Arabique, notamment sur les côtes du Golfe Persique, dans l’actuel Émirats arabes unis, au Qatar et dans l’est de l’Arabie Saoudite. Le développement du Bait Areesh résulte d’un contexte marqué par l’absence de bois de construction massif, la rareté de la pierre et la nécessité de bâtir des logements adaptés à des températures pouvant dépasser 45°.Ce choix découle des ressources locales.

L’évolution du Bait Areesh accompagne les dynamiques économiques et sociales du Golfe jusqu’au milieu du XXe siècle. Longtemps associée à la sédentarisation partielle de groupes nomades, cette architecture s’est généralisée dans les villages de pêcheurs, les oasis de palmeraies, mais aussi dans certains campements de perliers et de commerçants. Son usage s’est étendu à différents modes de vie.

entrée Bait Areesh

Implantation et usage

Le Bait Areesh s’intègre naturellement dans son environnement. Sa construction privilégie des emplacements bénéficiant d’une ventilation naturelle, souvent en bordure d’oasis, près des puits ou à proximité des zones de pêche. Cette maison sert d’habitation principale pendant les mois les plus chauds, tandis qu’en hiver, certaines familles optaient pour des habitations plus massives en pierre ou en torchis.

Les usages du Bait Areesh varient : habitation familiale, annexe domestique, entrepôt ou abri saisonnier. Sa modularité permet d’en adapter la taille et la configuration selon les besoins. On retrouve ainsi des modèles allant de l’unique cellule à plusieurs pièces juxtaposées, parfois avec une cour intérieure.

ancien Bait Areesh au pied d'un barjeel

Techniques de construction et matériaux

La spécificité du Bait Areesh réside dans l’emploi quasi-exclusif de matériaux végétaux issus du palmier dattier (Phoenix dactylifera). Trois éléments structurants composent la maison :

  • Les madan : longues tiges de palmier utilisées pour le bâti de la charpente et la structure des murs.
  • Les barasti : nattes épaisses tressées à partir de feuilles de palmier, servant à habiller les murs et la toiture. Elles assurent l’isolation et la protection contre les rayons du soleil.
  • Les cordages en fibres végétales : liens souples assurant la fixation des différents éléments, notamment au niveau des jonctions entre la charpente et les parois.

La construction commence par la pose de pieux verticaux ancrés dans le sol, reliés par des traverses horizontales. Les nattes de barasti sont ensuite fixées sur cette ossature pour former murs et toiture. Ce système autorise une réalisation rapide, souvent en quelques jours à peine, sans outillage lourd.

Parfois, des éléments minéraux, comme des blocs de corail ou de calcaire, sont intégrés à la base des murs pour stabiliser l’ensemble, ou dans les régions littorales, pour mieux résister à l’humidité.

Confort climatique et ingénierie vernaculaire

L’efficacité du Bait Areesh face aux contraintes du climat désertique s’explique par plusieurs facteurs architecturaux. Les murs tressés laissent circuler l’air, favorisant la ventilation naturelle et évacuant la chaleur accumulée le jour. La toiture, inclinée ou légèrement bombée, limite l’accumulation d’air chaud et résiste aux vents. Ce dispositif améliore nettement le confort intérieur des habitants.

La faible inertie thermique des matériaux végétaux empêche la surchauffe intérieure. En journée, l’ombre produite par les murs de barasti et la circulation de l’air assurent un rafraîchissement appréciable. À la nuit tombée, la maison évacue rapidement la chaleur, garantissant un sommeil plus confortable.

Les ouvertures sont réduites, souvent limitées à une porte basse et quelques petites fenêtres en hauteur. Certaines maisons sont équipées de claies mobiles permettant de moduler l’entrée de lumière et de brise.

intérieur Bait Areesh

Fonction sociale et valeur patrimoniale

Le Bait Areesh structure la vie sociale des communautés. Dans de nombreux villages, plusieurs maisons sont organisées autour d’une cour commune, créant des espaces de rencontre et de solidarité. L’assemblage collectif du Bait Areesh est l’occasion de mobiliser le savoir-faire local.

Aujourd’hui, le Bait Areesh est un élément fort du patrimoine immatériel du Golfe. Sa simplicité constructive, son adaptation parfaite au climat et son faible impact environnemental lui confèrent une valeur exemplaire dans la réflexion contemporaine sur l’architecture durable.

Plusieurs initiatives, notamment aux Émirats arabes unis, visent à préserver et à restaurer ces habitations, intégrées dans des parcours de valorisation du patrimoine. À Sharjah, des musées et centres culturels exposent des Bait Areesh reconstitués, mettant en avant les techniques de tressage et d’assemblage. Le Hatta Heritage Village présente également des structures traditionnelles en barasti, permettant d’observer les spécificités de ce mode de construction. Certains architectes locaux réinterprètent ces principes dans des projets contemporains, prolongeant ainsi la transmission des savoir-faire.

histoire du Bait Areesh

Comparaisons et héritages contemporains

La structure du Bait Areesh a inspiré des réalisations contemporaines dans l’architecture du désert. Certains architectes réinterprètent le barasti pour des aménagements paysagers, des kiosques ou des pavillons éphémères, alliant innovation technique et hommage aux traditions. Le recours au palmier dattier s’inscrit dans les réflexions sur la construction biosourcée et la réduction de l’empreinte carbone.

Le Bait Areesh illustre l’intelligence constructive des sociétés traditionnelles du Golfe. Sa sobriété formelle, son efficacité climatique et sa simplicité de mise en œuvre en font un modèle inspirant pour les architectes et artisans d’aujourd’hui, attachés à valoriser les savoir-faire ancestraux et les ressources locales. Il rappelle que l’architecture vernaculaire propose des solutions pérennes, adaptées à leur environnement, et indissociables d’un mode de vie attentif aux équilibres naturels et sociaux.

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