Le Pérou, avec son héritage culturel et architectural, est le berceau de techniques de construction qui continuent de susciter l’admiration des chercheurs et des amateurs d’histoire. Parmi ces techniques, le « ashlar » occupe une place particulière, se distinguant par son raffinement et son importance dans l’architecture péruvienne, tant ancienne que coloniale. Découvrez ce qu’est l’ashlar, son origine, ses caractéristiques, ainsi que des exemples de son utilisation à travers l’histoire du Pérou.
Qu’est-ce que l’ashlar ?
Le terme « ashlar » fait référence à une technique de taille de pierre qui consiste à découper des blocs de pierre avec une grande précision pour les assembler sans mortier. Cette technique permet de créer des structures à la fois esthétiques et robustes. En espagnol, le mot « sillar » est couramment utilisé pour désigner ce type de pierre taillée. Dans le contexte péruvien, le terme est associé à des constructions en pierre volcanique, abondante dans certaines régions du pays, notamment autour d’Arequipa.
Le processus de fabrication de l’ashlar exige une maîtrise avancée de la taille de la pierre, une connaissance approfondie des propriétés des matériaux utilisés, ainsi qu’une précision exceptionnelle. Les blocs sont ajustés si parfaitement qu’ils tiennent ensemble uniquement par leur propre poids et par l’ajustement parfait des surfaces de contact. Cette technique, bien qu’ancienne, est un exemple frappant de l’ingéniosité architecturale des civilisations précolombiennes, en particulier des Incas.
Origine et histoire de l’ashlar
L’utilisation du ashlar au Pérou remonte à l’époque préhispanique, mais elle atteint son apogée sous l’Empire Inca, entre les 15ème et 16ème siècles. Les Incas, célèbres pour leurs constructions cyclopéennes, ont perfectionné cette technique pour construire certains des monuments les plus emblématiques du pays, comme les murs de Cuzco et la forteresse de Sacsayhuamán.
Cependant, l’usage du ashlar ne se limite pas à l’époque inca. Avec l’arrivée des Espagnols au 16ème siècle, cette technique a été adoptée et adaptée par les nouveaux conquérants pour la construction d’églises, de couvents et de bâtiments publics, en particulier dans des villes comme Arequipa. Le style architectural qui en résulte est un mélange des influences andines et espagnoles.
Caractéristiques techniques du ashlar
Le ashlar est reconnaissable par certaines caractéristiques techniques spécifiques. Tout d’abord, les blocs de pierre utilisés sont souvent de forme rectangulaire et de dimensions relativement uniformes, bien que des variations existent en fonction des besoins architecturaux. Ces pierres sont soigneusement taillées pour obtenir des surfaces lisses et des arêtes nettes, ce qui permet une jonction parfaite entre les blocs.
Le matériau le plus couramment utilisé pour le ashlar au Pérou est la pierre volcanique, notamment le tuf volcanique et la rhyolite, en raison de leur abondance et de leur facilité relative de taille. À Arequipa, par exemple, le « sillar », une pierre volcanique blanche, est omniprésent et donne à la ville son surnom de « Ville Blanche ». Cette pierre, bien que légère, est suffisamment durable pour résister aux séismes, ce qui est indispensable dans une région aussi sismiquement active que le Pérou.
Une autre caractéristique notable du ashlar est l’absence de mortier. Cette technique de construction, connue sous le nom de « joints secs », requiert une découpe précise des blocs de pierre. Les avantages de cette méthode sont multiples : elle confère une grande résistance sismique aux structures, et elle permet également une flexibilité qui absorbe les vibrations sans compromettre l’intégrité de l’édifice.
Exemples emblématiques de constructions en ashlar
- La Forteresse de Sacsayhuamán : située à la périphérie de Cuzco, cette forteresse inca est l’un des exemples les plus impressionnants de l’utilisation du ashlar. Les murs monumentaux de Sacsayhuamán, composés de blocs de pierre gigantesques, s’emboîtent avec une précision stupéfiante. Chaque pierre, certaines pesant plusieurs tonnes, a été taillée et ajustée sans l’utilisation de mortier, témoignant de l’expertise technique des Incas.
- La Cathédrale d’Arequipa : ce monument, construit principalement en sillar, incarne l’architecture coloniale espagnole tout en intégrant des techniques de construction locales. La cathédrale, située sur la Plaza de Armas est un bel exemple de l’usage du ashlar dans un contexte colonial. Sa façade, d’un blanc éclatant, est un témoignage de la beauté et de la durabilité de cette technique.
- Les Murs de Cuzco : les murs de la ville de Cuzco, ancienne capitale de l’Empire Inca, sont également un exemple marquant de l’utilisation du ashlar. Le plus célèbre d’entre eux est le « Mur aux douze angles », qui illustre parfaitement la capacité des Incas à tailler des pierres de formes irrégulières mais parfaitement ajustées, créant ainsi des murs d’une stabilité exceptionnelle.
- Le Couvent de Santa Catalina à Arequipa : un autre exemple notable est ce couvent, qui utilise le sillar pour créer un environnement à la fois austère et majestueux. Les murs épais et les voûtes en pierre taillée sont esthétiques et fonctionnels, offrant une isolation contre la chaleur.
L’Héritage du ashlar dans l’architecture moderne
Aujourd’hui, son utilisation persiste dans l’architecture moderne péruvienne, bien que les méthodes aient évolué avec l’introduction de nouveaux matériaux et techniques. Cependant, l’influence de cette tradition architecturale reste forte, notamment dans le respect des principes de durabilité et de résistance sismique, qui sont essentiels dans un pays régulièrement secoué par des tremblements de terre.
De nombreuses restaurations de monuments historiques au Pérou continuent d’utiliser des techniques traditionnelles de taille de pierre, soulignant l’importance de préserver cet aspect du patrimoine culturel. De plus, le sillar et d’autres pierres volcaniques taillées continuent d’être utilisés dans des projets architecturaux contemporains, où ils apportent une touche de continuité culturelle et esthétique.
Le ashlar, en tant que technique de construction représente une convergence unique de savoir-faire artisanal, de compréhension des matériaux et d’adaptation aux conditions environnementales. Au Pérou, cette technique a traversé les âges, de l’époque précolombienne à l’époque coloniale, laissant derrière elle un héritage architectural d’une valeur inestimable. Des forteresses incas aux cathédrales coloniales, le ashlar continue d’inspirer, témoignant de l’ingéniosité des civilisations qui ont façonné l’histoire du pays.