Chatili se trouve dans les montagnes du Grand Caucase en Géorgie. Même aujourd’hui, la région est considérée comme isolée, mais dans les siècles passés, les villageois ne pouvaient pas compter sur des autorités éloignées pour leur assurer la protection. Au début du Moyen Age, les villageois ont trouvé une solution qui les ont protégés des ennemis pendant des centaines d’années. Construisant leur village comme une forteresse.
Le village de Chatili est très proche de la frontière avec la Tchétchénie et ses habitants étaient constamment menacés par des incursions sur leur territoire de la part de leurs voisins. De nos jours, le village n’est habituellement accessible que durant les mois de juin et fin septembre, dans les temps plus féodaux il fallait donc faire quelque chose pour éviter la mort et le désastre. Le village a grossi, et l’architecture a évolué. Ce qui était de petites habitations en pierre ont grandi et se sont développées en miradors.
Au lieu d’un toit en bois, ces tours de guet sont devenues à toit plat pour éviter les assauts de flèches enflammées. De nouveaux bâtiments ont été construits sur des terrasses proches des anciennes, le village s’est alors encerclé de pierre, les structures ont été décalées de l’extérieur. Et c’est devenu une seule fortification, chaque maison ne pouvait résister à une pression extérieure mais devenait un composant dans une longue chaîne. La combinaison s’est avérée être un système de défense digne de l’ensemble.
Le village devint effectivement une forteresse, gardant la frontière nord-est de la Géorgie. Il y avait un besoin : même au dix-huitième siècle, le village a été attaqué par des milliers de guerriers tchétchènes et du Daghestan. Ses habitants ont tenu et sont devenus légendaires en tant que soldats des hautes terres qui incarnaient les qualités traditionnelles de bravoure, de sincérité et de droiture, de communauté, d’objectivité et d’amour de l’autonomie et de l’indépendance.
Lorsque un ennemi attaquait, les villageois disparaissaient simplement des rues et le village se fermait. Chaque maison était connectée à d’autres par des échelles ou des fenêtres et le mouvement était possible hors de vue du feu antagoniste.
Il y avait beaucoup à manger, même après que le village était scellé. Les maisons s’étendaient sur quatre ou cinq étages. A chaque niveau, un type de bétail différent était conservé. Le dernier étage était l’espace de vie pour la famille et le seul avec rien de plus que de minuscules fentes pour les fenêtres.
Même les tombes, assez grandes pour abriter des générations d’une même famille, semblaient être imprenables. La gouvernance de Chatili était communautaire. Il y avait un seul bâtiment appelé le Sapekhyno qui était vide : il y avait uniquement des chaises en pierre. Ici, les anciens du village discutaient des problèmes en question mais tous étaient censés se joindre à eux et avoir leur mot à dire : même les enfants.
Malheureusement, le village n’a pas pu résister à la vague du dogme politique du 20ème siècle. Les qualités mêmes qui avaient soutenu les habitants pendant si longtemps étaient considérées avec suspicion et considérées potentiellement très dangereuses par les autorités soviétiques. Bien que le pays ait été envahi et pris en charge par l’Armée rouge en 1929, ce n’est que durant la période stalinienne que la question de Chatili sera pleinement traitée.
Au début des années 1950, les villageois ont été convaincus de quitter leur foyer ancestral. Ils avaient vécu là pendant toute leur vie pour certains, mais les tours de la capitale géorgienne Tbilissi devaient être leur nouvelle maison, à 140 kilomètres de là. Pourtant, la culture et le sentiment d’appartenance à une région ne peuvent pas être facilement déplacés ou détruits. Dans les années 1980, lorsque la mainmise communiste a diminué une vingtaine de familles sont retournées chez elles à Chatili.
La Géorgie s’est finalement déclarée indépendante de l’effondrement de l’URSS en 1991. Même si cela à mené à la guerre civile et à la tourmente politique dans le pays pour l’année, le retour à Chatili devait avoir quelque chose comme un rétablissement de la paix pour ces familles. La Géorgie et la Russie ont ce qu’on pourrait appeler des relations glaciales. Sa proximité avec la frontière de la Tchétchénie (qui est une république de Russie) laisse aujourd’hui Chatili potentiellement exposé à l’invasion.
En dépit de son éloignement, le village est devenu une destination de choix pour les randonneurs et les touristes (lorsque le climat le permet) et, lentement mais sûrement, les villageois de Chatili qui reviennent restaurent leurs maisons.
Crédits photos : SethTri, Wlm, Charles Roffey, Charles Roffey, Rike, SethTri, Rike.