L’architecture de style Zakopane : de la maison górale à la villa urbaine

Author: Douce Cahute — · Updated:

Quick overview

Site
Douce Cahute
Canonical URL
https://maison-monde.com/architecture-style-zakopane/
LLM HTML version
https://maison-monde.com/architecture-style-zakopane/llm
LLM JSON version
https://maison-monde.com/architecture-style-zakopane/llm.json
Manifest
https://maison-monde.com/llm-endpoints-manifest.json
Estimated reading time
10 minutes (543 seconds)
Word count
1810

Key points

Primary visual

L’architecture de style Zakopane : de la maison górale à la villa urbaine
Main illustration associated with the content.

Structured content

À Zakopane, certaines maisons semblent faites pour la montagne : bois partout, toits très pentus, détails sculptés. Ce style architectural a une histoire précise et un caractère fort. Si vous souhaitez comprendre d’où il vient et pourquoi il marque autant la ville, la suite de cet article va vous intéresser.

Un style né au pied des Tatras

Un style né au pied des Tatras

Quand vous arrivez à Zakopane, les montagnes attirent tout d’abord le regard. Mais très rapidement, ce sont les maisons en bois qui prennent le relais. Toits très pentus, pignons sculptés, balcons débordants : l’architecture locale a une présence forte, presque théâtrale. Ce langage vient du style Zakopane, né à la fin du XIXᵉ siècle. Il s’appuie sur les maisons des montagnards du Podhale et les réinterprète pour une clientèle urbaine en quête d’air pur, de folklore et de confort. Ce style a été pensé comme une réponse aux chalets suisses et aux villas alpines à la mode, jugés trop "importés" pour une station polonaise.

Aujourd’hui, ces villas font autant partie de l’identité de la ville que les pistes de ski. Pour beaucoup de visiteurs, une découverte des maisons en bois compte autant qu’une randonnée dans le parc national.

Stanisław Witkiewicz, un projet d’architecture nationale

Stanisław Witkiewicz, un projet d’architecture nationale

Le style Zakopane ne sort pas de nulle part. Il est porté par une figure précise : Stanisław Witkiewicz, peintre, critique d’art et théoricien très engagé dans les débats culturels polonais.

Vers 1890, il cherche une base pour une architecture "nationale" dans un pays alors partagé entre différents empires. Il la trouve dans les maisons górales du Podhale.

Witkiewicz observe les fermes de villages comme Chochołów, étudie leurs plans, leurs assemblages de bois, leurs décors. Il rejette les chalets suisses qui commencent à apparaître à Zakopane et propose autre chose : une architecture contemporaine, mais ancrée dans la culture locale.

Dans ses textes, il défend l’idée qu’un pays occupé peut garder une fierté en construisant selon ses propres modèles. Le style Zakopane devient alors autant un projet culturel qu’un langage formel.

Villa Koliba : une maison-manifeste

Villa Koliba : une maison-manifeste

Le premier bâtiment conçu dans ce style est la villa Koliba, construite entre 1892 et 1893 pour le collectionneur Zygmunt Gnatowski. Au départ, Gnatowski voulait une maison inspirée des fermes locales. Witkiewicz le convainc de tenter une villa plus ambitieuse, toujours en bois, mais sur un plan plus vaste.

Koliba aligne ainsi plusieurs niveaux, une haute toiture en bardeaux, des pignons sculptés et une large véranda. L’intérieur suit la même logique : mobilier, boiseries, poignées de porte, tout est conçu pour former un ensemble cohérent. Ce n’est pas qu'une maison confortable pour un notable : c’est une démonstration. La villa affirme une façon de bâtir qui ne cherche pas à se cacher.

Aujourd’hui, la villa abrite le musée du style Zakopane, branche du musée des Tatras. Les pièces reconstituées montrent comment ce langage s’exprimait dans le moindre objet, depuis les chaises jusqu’aux coffres. La visite permet de passer d’un dessin d’architecte à une maison complète, habitée, avec ses usages et ses rituels. On comprend alors comment une idée théorique devient un lieu réel.

Entre chaumière górale et villa bourgeoise

Entre chaumière górale et villa bourgeoise

Le point de départ du style Zakopane, ce sont les maisons górales traditionnelles : bâtisses en rondins, souvent à deux pièces, avec un haut toit pour évacuer la neige et des combles utilisés pour le stockage. Witkiewicz reprend cette base, mais l’agrandit pour l’adapter aux attentes d’une nouvelle clientèle aisée venue de Cracovie, Varsovie ou Lviv. Les villas reprennent plusieurs éléments ruraux :

  • murs en troncs horizontaux posés "à l’angle"
  • soubassement en pierre, qui isole le bois du sol humide
  • grande toiture à forte pente, couverte de bardeaux
  • pièce centrale qui garde un rôle structurant dans le plan

Mais ces bases sont déployées dans des volumes plus complexes. On ajoute des salons, des chambres pour les invités, des escaliers monumentaux, des bow-windows. Le résultat est lisible comme une maison de montagne, mais avec une échelle et un confort qui répondent aux attentes d’une station thermale en vogue. Cette évolution donne au style une ampleur que les fermes d’origine n’avaient pas.

Volumes et toits : une silhouette reconnaissable

Volumes et toits : une silhouette reconnaissable

Si vous regardez une villa de style Zakopane de loin, ce sont les toits que vous remarquez en premier. Ils sont pentus, parfois cassés en plusieurs pentes, souvent ornés de lucarnes arrondies dites "yeux de bison". Ces ouvertures courbes donnent de la lumière aux combles tout en créant une expression presque faciale à la façade. Elles fixent d’emblée la personnalité de la maison.

Les bâtiments reposent sur des soubassements en pierre assez hauts, qui protègent le bois de l'humidité. Les étages supérieurs, largement en bois, sont rythmé par des décrochements, des avancées de pignon, des balcons superposés. On évite les façades planes : tout est pensé pour créer du relief.

Cette silhouette répond aussi au climat. Les toits très inclinés supportent mieux les chutes de neige. Les avancées de toiture forment un auvent protecteur au-dessus des balcons et des entrées. L’ornement n’est pas uniquement décoratif : il accompagne des choix techniques adaptés à la montagne.

Décors sculptés : soleil, fleurs et signes du Podhale

Décors sculptés : soleil, fleurs et signes du Podhale

En approchant, vous pouvez lire le style Zakopane dans les détails. Les façades, les garde-corps, les encadrements de fenêtres sont couverts de motifs sculptés dans le bois. On retrouve le soleil rayonnant sur les pignons, des rosettes à six pétales, des tulipes stylisées, des lys, et le motif en forme de cœur allongé qu’on appelle parzenica, très présent sur les costumes górals.

Ces ornements ne sont pas copiés de modèles académiques. Ils viennent de cuillères, de coffres, de balustrades villageoises, puis sont transposés sur des éléments nouveaux : chambranles, frises de toiture, boiseries de salon. Certains historiens de l’art ont montré comment Witkiewicz et ses proches dessinateurs ont systématisé ces motifs pour créer un vocabulaire partageable par plusieurs ateliers.

Anecdote : des menuisiers górals racontent que, dans les années 1900, des clients venaient avec des dessins de roses ou de soleils qu’ils n’avaient jamais vus sur des fermes traditionnelles. Le style Zakopane ne reproduisait pas seulement la tradition ; il l’enrichissait pour répondre à un goût urbain.

Intérieur : une maison pensée comme un ensemble

Intérieur : une maison pensée comme un ensemble

Le style Zakopane ne s’arrête pas à la façade. Les intérieurs sont conçus comme des prolongements logiques de l’architecture. Les pièces sont habillées de lambris en bois, parfois jusqu’au plafond. Les poêles, bancs, lits et buffets reprennent les mêmes motifs que les pignons ou les balcons.

Witkiewicz s’intéresse beaucoup au mobilier. Il dessine des chaises dont la silhouette rappelle des modèles antiques, mais avec des dossiers percés de rosettes, de soleils, de croix stylisées. Des coffres et des lits reprennent les frises des vaisseliers villageois. L’idée est claire : si vous entrez dans une maison de ce style, vous devez sentir une unité entre ce que vous voyez dehors et ce que vous trouvez dedans.

Pour un visiteur, ces intérieurs peuvent surprendre. Ils ne ressemblent pas à un chalet standardisé. Les plafonds sont plus bas dans certaines pièces, les circulations moins prévisibles. Mais cette adaptation aux usages, pièce par pièce, montre aussi une façon d’habiter la montagne sans la réduire à un décor.

Le style Zakopane au-delà de Zakopane

Le style Zakopane au-delà de Zakopane

Même si son nom renvoie à la ville, le style Zakopane s’est diffusé dans d’autres régions de l’ancienne Galicie, puis dans le reste de la Pologne. Des villas et des bâtiments publics reprenant ce langage sont construits à Cracovie, à Przemyśl et dans d’autres villes de montagne. Parfois, la transposition se fait presque à l’identique : même combinaison de pierre et de bois, mêmes toits très pentus, mêmes motifs sculptés. Ailleurs, il s’agit plutôt d’une influence : certains architectes reprennent les pignons et les frises tout en adoptant des plans plus proches des maisons de ville classiques.

Cette diffusion tient aussi au contexte touristique. Dès la fin du XIXᵉ siècle, Zakopane attire des artistes, des écrivains et des familles aisées. Les villas deviennent alors un sujet de cartes postales et un symbole de séjour en montagne. Aujourd’hui encore, la ville accueille plusieurs millions de visiteurs par an, et beaucoup gardent en tête l’image de ces maisons en bois autant que celle des sommets.

Un héritage réinterprété au XXIᵉ siècle

Un héritage réinterprété au XXIᵉ siècle

Le style Zakopane n’est pas resté figé dans les années 1900. Au cours du XXᵉ siècle, il connaît des périodes de déclin, entre modernisme, béton et urbanisation rapide. Mais depuis quelques décennies, des architectes et des propriétaires reviennent vers ce langage, souvent avec une lecture plus sobre.

Certains bureaux d’architecture réinterprètent la combinaison pierre/bois, les toits pentus et les grandes avancées de toiture, mais avec des ouvertures plus larges, des volumes plus compacts, des performances thermiques actuelles. Les motifs sculptés se font parfois plus discrets : une frise sur un balcon, un soleil sur un pignon, plutôt qu’un foisonnement continu.

Pour les habitants comme pour les visiteurs, ces maisons contemporaines créent une continuité visuelle avec les villas historiques sans les copier. Quand vous marchez le long de certaines rues de Zakopane ou dans les villages voisins, vous pouvez voir cette cohabitation : ici, une villa de Witkiewicz, un peu plus loin, une maison récente qui reprend le vocabulaire des toits et des balcons, mais avec des baies vitrées.

Une enquête récente sur le tourisme en Pologne montre que la région des Tatras fait partie des zones les plus fréquentées du pays, portée par une clientèle nationale et internationale en quête de climats plus frais en été. Dans ce contexte, la question n’est plus de sauvegarder quelques villas historiques, mais de penser comment construire encore en bois, au pied des montagnes, sans perdre la relation forte entre architecture, paysage et culture górale. Cela touche autant les locaux que les visiteurs.

Topics and keywords

Themes: Architecture, Pologne

Keywords: Bois, Typique

License & attribution

License: CC BY-ND 4.0.

Attribution required: yes.

Manifest: https://maison-monde.com/llm-endpoints-manifest.json

LLM Endpoints plugin version 1.1.2.